vendredi 28 avril 2006

d.a. levy (1942-1968) : Poème sur la mort d'un monastère de banlieue

Suburban Monastery Death Poem (Poème sur la mort d’un monastère de banlieue) a été écrit par d.a. levy quelques mois avant son suicide en 1968. J’ai découvert ce texte en 1969 à Amsterdam dans la revue underground Fox (#4) qui en avait publié les deux premières parties. Je les ai traduites et publiées dans Starscrewer n°8 en 1978. En 1979, Claude Pélieu m’a offert un exemplaire de l’édition originale (Zero edition, Cleveland, 1968). Avec Henry Meyer qui avait, comme moi, publié sa propre traduction dans L’œuf à Lausanne, nous avons traduit la totalité du poème. Je l’ai publié en 1981 dans un numéro spécial du Starscrewer, couplé avec la traduction de la lettre de Peter Orlovsky. Poème sur la Mort d’un Monastère de Banlieue était disponible dans la collection du Starscrewer. Le poème comprend sept parties :
Partie Zéro :
Célébration avec tambours Rada
Première partie :
L’histoire
Deuxième partie :
Le Puits
Troisième partie :
Je crois que c’était sa sœur
Quatrième partie :
Le parc de Forest Hills
Cinquième partie :
Paroles en l’air
Sixième partie :
Les petites funérailles
Le texte original en anglais est lisible sur ce site.
Site consacré à d. a. levy :
d. a. levy home page
Pour les lecteurs de Silo, nous publions ici le début (partie zéro) et la fin du poème (partie sixième).

PARTIE ZERO - Célébration Avec Tambours Rada

à seulement dix blocs d'ici
des bâtiments ont brûlé - brûlent encore peut-être
la nuit d'août déchirée par les balles des snipers
policiers saignant dans les rues
un tireur isolé se rend (peut-être à court de munitions)
Arme Enrayée ?
on a dit qu'ils l'ont encadré sous un porche
comme un tableau - les mains en l'air
quand ils l'ont abattu

à seulement dix blocs
de mon appartement silencieux
avec ses bouddhas de céramique verte
& ses livres de science-fiction
ses magazines de cul pas lus à découper
pour faire des collages

à seulement dix blocs
de mon impuissance totale
de mon ennui réglementaire et étatisé
ils sont en train de piller les magasins
& essaient de rafler des postes de télévision
pour pouvoir suivre les émeutes
aux informations de 23h

les jeeps de la garde nationale patrouillent
de nouveau dans les rues
les camions vert-militaire avec la
grande étoile blanche sur le flanc
roulent sous les éclairs de la canicule

je pourrais vous dire partiellement
pourquoi c'est arrivé
mais vous ne me croiriez pas
comme à milwaukee
pendant une lecture publique
juste après que j'aie dit
« c'est un poème paranoïaque - écrit alors que je faisais des expériences
avec des états de conscience paranoïaques
mais je n'en suis plus là maintenant »
& une jeune fille écrivit
« montre des symptômes de paranoïa »
probablement pour son cours de psychologie
m'écoutait même pas

Je pourrais essayer de vous parler
du désespoir sans issue
enraciné dans les murs du ghetto
& la brutalité policière ou la stupidité policière
ou la réalité policière sont plus que des mots
permettant à des étudiants à la recherche d'une cause
de définir la situation.
la situation existe & continue
tranquillement dans le noir alors que la
protestation se déroule au grand jour -
on n'entend ni l'une ni l'autre.

En réalité
la police essaie de protéger
les banques - et tout le reste
est secondaire

pendant les émeutes
j'ai regardé les informations
& je n'ai pas pris parti, pour changer

j'étais juste assis à m'interroger sur tous
ces révolutionnaires de salon
planqués dans les beaux quartiers
et qui applaudissaient chaque fois que quelqu'un
se faisait descendre ou qu'un immeuble partait
en fumée

à dix blocs d'ici
c'était pour de vrai
des milliers de touristes
sont arrivés
.../...





SIXIEME PARTIE - les petites funérailles
« la seule différence
entre les matadors & les poètes
c'est que les uns flirtent avec la mort
et les autres avec la folie »
rik davis

ils vous ont presque tous menti
moi y compris je suppose
« le poète joue avec la folie »
c'est ridicule - nous sommes tous fous
c'est à vous de réveiller les poètes
perdus dans leurs passés mystérieux
le poète mange & dort & pisse
& pète & chie & écrit
des poèmes - c'est ça, la folie ?
c'est un maître zen sous barbituriques

c'est l'homme d'affaires, le commerçant
qui joue avec la folie - le
docteur qui joue avec la médecine - l'imprimeur
le fabricant de bombes & le type
qui fait des baguettes & des croissants de 9h à 5h
se réveille à 6h
conduit son camion
à travers la ville
vivant jour après jour
la même routine
insensée
sans même le temps
de se demander pourquoi
poètes paumés dans le luxe de pouvoir
poser des questions de pouvoir
se cogner la tête contre les murs
& dire « hé c'est mon boulot »
& ils savent déjà - qu'ils ne veulent pas de réponses

ah mais ce matador en transit rapide
embroché chaque jour par des cornes
invisibles - intérieurement
& les transactions commerciales qui ne se font pas
& le cow-boy de la CTS assis sans un mot
cherchant à décrocher du boulot - n'importe quel boulot
& qui sait qu'il crèvera tubard
ou du cancer à 65 ans- incapable de trouver un poil de
signification dans tout ce jeu
ah la douce folie que de pouvoir
balancer toutes ces journées désespérément identiques
alors que le matador reçoit une rose
d'un petit boudin cradoque
dans la foule
il lui donne les oreilles du taureau
plus tard au lit

& un poète qui bande avec une pauvre vision
nettoie pour vous le tableau
mais maintenant vous avez la télévision
& vous rêvez trop

l’éboueur le matin
connaît sa propre réalité
les éboueurs ne se font jamais descendre pendant les émeutes
peut-être sont-ils les vrais saints
avec une aura protectrice
leur réalité - la merde de
la corbeille à papier de votre chambre à coucher

il faut être un maître zen
pour être éboueur
& les poètes mentent quand ils essaient de trouver
quelque beauté dans les tas d'ordures

les ordures sont les ordures
la poésie est une ordure sentimentale -
les détritus
& la beauté ne sont que des rêves
mais maintenant vous avez la télévision
pour vous aider à rêver

hommes sans âme
toreros de magasins sans importance
fantômes décervelés qui jamais ne possèderont d'esprit
avec lequel jouer
hommes aux rêves télévisés de lycéens
qui se signent en des rites de mort
qui murmurent « doux jésus » avant d'affronter
leurs concurrents chaque jour
qui jouent à la guerre - & deviennent des policiers
jouant avec la folie
ils conduisent leurs autos
se moquent des hippies boivent le vendredi
jouent aux quilles chient sur Dieu chaque jour & meurent
& meurent & meurent tout seuls
enveloppés dans des drapeaux
fiers de leur folie
& les poètes académiques
écrivent pour vous leurs rêves proprets
& prétendent que tout est beau
assis dans un bar
le confessionnal alcoolique

& chaque jour je m'assieds ici
& j'essaie de devenir chacun d'entre vous
l'un après l'autre
essayant ces rêves de lycée
pour voir la taille
ça marche pas
vous n'êtes pas à ma pointure

poète j'essaie d'apprendre
à rester humain
malgré la technologie
& il n'y a personne pour m'enseigner
je suis encore trop jeune pour
être tranquille & contemplatif

je ne veux pas devenir une carte vermeille
tremblant de terreur devant la télé

des hommes d'affaires dans leurs ego-trips amphétaminés
me racontent leur dernier coup

je visite des églises & des temples & je pose des questions
& on me donne une brochure
ou un livre idiot
on dirait qu'il n'y a personne
d'autre que moi pour répondre à mes questions

une hideuse responsabilité
avec des conséquences encore pires

adieu télévision
je rentre dans ma tête

ma femme & moi
faisons notre promenade du soir
autour du bloc
(sommes-nous si vieux)
il y a quelque chose de beau
en elle quelque chose
une sorte de rêve dans le ciel sans nuage

je sais que mes rêves sont irréels
mais ce sont mes rêves

parfois
par les chaudes nuits d'été
nous nous haïssons
& c'est merveilleux...

d.a. levy
août 1968
e. cleveland ohio

note :
paix & lucidité sont
deux petits oiseaux
qui cherchent à quitter la planète
parce qu'ils sont las de mourir

je n'ai pas de conseils à donner
(traduction : Lucien Suel & Henry Meyer)
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du nouveau sur le blog A NOIR E BLANC : boîtes
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mercredi 26 avril 2006

Diétét(H)ique par Philippe Castellin

Philippe Castellin est surtout connu comme poète performer au sein du groupe multimédia Akenaton qu'il a constitué en 1984 avec Jean Torregrosa. Basé à Ajaccio, le même duo anime avec efficacité la revue et le site Doc(k)s consacrés aux poésies expérimentales, concrètes, numériques...
Nous connaissions Philippe Castellin, auteur de nouvelles de science-fiction, l'ayant rencontré au détour des pages de la défunte revue Univers.
Voici aujourd'hui un autre aspect de Philippe Castellin avec cet inédit :


DIETET(H)IQUE
Au XIXème siècle, ici comme ailleurs, les choses étaient claires.
les pauvres étaient sales et maigres.
les riches, gras.

Aujourd'hui les choses sont plus tordues.
Les pauvres des pays pauvres sont restés maigres
(ils le sont même de plus en plus, il faut penser au Biafra ou au Zimbabwe)
mais les pauvres des pays riches sont de plus en plus gros.

Au même moment les riches des pays riches font du sport
éliminent, mincissent. Ils vont aux eaux.

« aux eaux », dites-vous ? -

oui oui, les riches vontauxeaux
les riches se bougent

Les pauvres des pays riches mangent mal ; donc :
ils grossissent.

Jadis, ici comme ailleurs, les pauvres des pays riches
étaient aisément reconnaissables, ils pouvaient se faire plaindre :
ils étaient maigres.

Il y a de l'indécence de l'hypocrisie même, à prétendre se faire plaindre quand on est gras.
Voyez les riches des pays riches qui auraient sans mal les moyens d'être gros
et qui sont minces parce qu'ils font du sport et surveillent leur alimentation
ceux-là se prennent en mains, ont de la volonté, font des efforts.

Les riches des pays riches mangent bien.
Sans être des ascètes, ils ont une éthique
Mince n'est pas maigre

A chacun selon son mérite.

Chaque fois qu'un pauvre de pays riche mange un hamburger
un riche de pays riche devient plus riche ;

si le hamburger est un big le riche devient encore plus riche

Chaque fois qu'un pauvre de pays riche devient plus gros
un riche ou une riche de pays riche devient plus svelte ;

En gros, la différence
pas besoin de la cultiver
elle s'accroît d'elle-même.

Mais la saleté est restée égale
à part quelques progrès dans l'hygiène
grâce à l'école
Philippe Castellin

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lundi 24 avril 2006

Silo (26) Sylvain Courtoux

Strawberry Fields Forever des Beatles
Comets de Piano Magic
After The Snow de Modern English
Venus de Air
Broccoli de Coil
Roses de Outkast
Seabird de Black Dice
Foliage de Silo
Grey Day de Zoot Woman
Astral de Calla
Talk About The Weather de Red Lorry Yellow Lorry
p 97

Sylvain Courtoux, Natural Born Play-List, DOC(K)S Nature, série 3 n° 34, 35, 36, 37, Ajaccio, 2005.

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vendredi 21 avril 2006

Le cut-up

INTERVIEW DE M. LUCIEN SUEL - réalisée par Amandine Bécret - mai 2004.

Vous souvenez-vous de votre première "rencontre" avec l'écriture cut-up ? A quel moment et de quelle façon prenez-vous connaissance de cette technique ?
J’ai découvert le nom de William Burroughs en 1967 dans un magazine littéraire qui consacrait un dossier à la "Beat Generation". C’est seulement en 1970 que j’ai pu lire ses premiers écrits publiés en France par Christian Bourgois à l’initiative de Claude Pélieu & Mary Beach.
Les deux premiers textes cut-up que j’ai lus sont "La Machine Molle" et "Le Ticket Qui Explosa". J’étais bibliothécaire au mess sous-officiers de la base aérienne de Reims où j’accomplissais mon service militaire et j’ai fait acheter ces deux ouvrages par l’Armée Française.
J’ai ensuite pu lire la même année les "Entretiens avec William Burroughs" par Daniel Odier.

Quelles sont vos premières pensées et réactions vis-à-vis du cut-up ?
Quand j’ai lu "La Machine Molle", je ne savais pas que certains (beaucoup de) passages étaient écrits avec cette technique du cut-up. C’est seulement après la lecture des "Entretiens" que j’ai pu comprendre de quoi il s’agissait effectivement.

Comment l'appréhendez-vous les premières fois ?
Mes premières lectures de ces textes furent des lectures de découverte littéraire. J’étais fasciné par cette écriture au style haché, répétitif, foisonnant d’images crues, mêlant drogues, manipulations biologiques et sexualité dans un milieu de jungle urbaine post-apocalyptique…

Qu'est-ce qui vous attire, vous étonne, vous intéresse dans le cut-up ?
Après information et réflexion, j’ai adhéré à ces théories de Burroughs parlant de couper les lignes d’association, considérant le mot comme un virus. J’ai d’autant pris cela au sérieux qu’ayant participé de près aux évènements de mai 68 en France, j’étais dans un état de révolte contre la société dans laquelle je vivais. Burroughs a été comme un professeur pour moi. Les textes que je lisais décrivaient le monde réellement, ce n’était pas une fiction comme celle que véhiculait l’enseignement conformiste de l’époque. J’ai eu depuis l’occasion de tempérer cette opinion.

Qu'est-ce qui vous décide à passer à la pratique ?
Je suis passé à la pratique tout naturellement, tout simplement parce que Burroughs donnait des recettes de fabrication, expliquait le mode d’emploi. J’ai suivi les instructions à la lettre. J’écrivais, je coupais en quatre, je réarrangeais. Je réécrivais. Je faisais la même chose dans le domaine du son, coupant dans les bandes magnétiques et recollant, intervenant aussi dans le domaine de l’image avec les collages et détournements, tout cela lié en plus à ma découverte des textes situationnistes…

Le cut-up est une technique d'écriture qui s'applique principalement dans la langue anglaise, même si elle a été essayée et employée en français ou en allemand. Ecrire des textes cut-up EN FRANCAIS a été pour vous au départ ...
- une évidence (en tant que langue maternelle) ?
Oui.
- une tentative expérimentale sans but défini ?
Non.
- un prolongement nécessaire du travail de vos prédécesseurs et homologues anglophones ?
Sans doute. Je ne me suis jamais posé le problème de la langue. Le français est ma langue, c’est aussi la langue des institutions du pays dans lequel je vis. Si je lutte (ou joue) avec le pouvoir du contrôle, je le fais en découpant la langue dominante.

Avez-vous rencontré des obstacles, des limites à cette pratique du cut-up EN FRANCAIS ? Si oui, lesquelles ?
Les contraintes me semblent les mêmes dans les différentes langues. En fait, l’anglais est sans doute plus malléable, mais il n’existe quasiment pas de cut-up pur. Il y a toujours plus ou moins à l’issue d’un travail de cut-up une réécriture, un toilettage…

Ces limites vous sont-elles apparues dès vos premiers textes cut-up en français ?
Je ne me pose pas ce problème. Le cut-up est un instrument de libération, il n’y a pas de limites à ses effets, à ses champs d’investigation...

Je fais le choix d'employer le terme de « TECHNIQUE » pour désigner le cut-up. Jugez-vous cette terminologie appropriée ?
Absolument.

Les auteurs qui pratiquent le cut-up dés la fin des années 50, ont ressenti le besoin de très vite THEORISER cette technique d'écriture, d'en définir des règles, de l'expliciter avec précision (dans les ouvrages collectifs, des textes épars, des interviews ou entretiens).
Que pensez-vous de cette 'théorisation' immédiate et peut-être quelque peu à outrance ? La théorie était-elle indispensable dés le départ, en concomitance avec la pratique elle-même ?
Pour ce qui me concerne, la théorie vient toujours après. Je ne suis pas un théoricien. Je ne peux pas théoriser sur ce que je fais, mis à part, parler de principe d'autonomie, d'appréhension du monde. Tout vient de la pratique et la plupart de mes découvertes, je les ai faites en travaillant, ce sont des "erreurs". C'est en faisant, c'est en se trompant ou en faisant par hasard que l'on découvre et qu’on réutilise après. La théorie vient toujours après, c'est l'action qui est première.

A y regarder de plus près, n'y a t-il pas quelque chose de profondément MECANIQUE dans la pratique du cut-up, qui se veut définie par des règles très précises ?
Sans aucun doute et c’est la raison pour laquelle on ne peut en rester au cut-up toute sa vie, sauf à pratiquer une sorte d’onanisme de robot, sauf à systématiser sa production, à étouffer son lyrisme. Et d’ailleurs, aussi bien Burroughs que Pélieu ont toujours continué d’écrire sous d’autres formes injectant le cut-up pour relancer l’intérêt, amener une forme différente de violence..
Et puis, je garde le côté mécanique parce que le cut-up est une des rares techniques à permettre l’apparition d’images littéraires, d’assemblages de mots et de pensées qui ne sont pas issus de l’imagination mais qui apparaissent bien parce que l’auteur, le praticien a effectué une action mécanique : couper-coller.

Peut-on selon vous, dresser un parallèle entre cette importance de la théorie [suivie d'une mise en pratique], et une certaine forme de "démarche scientifique" littéraire ? (Après tout, le cut-up a beaucoup été employé de façon expérimentale, sans connaître par avance le résultat).
J’ai du mal à concilier scientifique et littéraire, surtout sachant ce que Burroughs pensait des scientifiques rationalistes en général. L’intérêt du cut-up est aussi dans la production d’images neuves, d’assemblages inédits. Il produit parfois une illumination, il a un aspect prophétique dans ses résultats.

Le HASARD est une donnée essentielle de la pratique du cut-up. Le concevez-vous comme un élément à part entière, de création ? Un moteur de création, peut-être ?
Je ne suis pas sûr que le hasard soit le terme approprié. Il y a une magie aussi à manipuler les mots. Je pense aussi à l’ensemble des textes écrits chaque jour partout depuis des centaines d’années s’accumulant formant une mine de matériaux dans laquelle nous pouvons puiser, que nous pouvons transformer avec cette technique toute simple du coup de ciseaux, et il y en a bien d’autres. C’est un travail. Le résultat de cette pratique est peut-être hasardeux, mais n’est-ce pas le cas de presque toutes les pratiques humaines ?

Quelle place accordez-vous personnellement à l'intervention du HASARD dans vos textes cut-up ?
C’est lié à mon rapport avec le temps. Je peux dire que le hasard n'existe pas ou existe très peu. Je ne crois pas à une prédestination, mais les choses qui arrivent devaient arriver. Il ne s’agit pas non plus de fatalité. Les textes, les mots sont en face de moi. Il y a forcément des lignes qui doivent se croiser et des choses qui doivent se passer. On peut appeler ça le hasard ou la providence ou alors l'organisation du chaos. Je n'aime pas l’idée de tout mettre sur le dos du hasard parce que je veux au maximum garder le contrôle. Je n'aime pas l'idée que les choses arrivent de cette façon… accidentellement. Bien sûr, il y a dans le cut-up un aspect loterie, mais c'est moi qui ai mis les mots dans le chapeau, je les ai découpés dans des supports que j'ai choisis. Il y a une part de jeu, c'est plutôt du jeu que du hasard. Du jeu comme celui qu’on trouve aussi dans les engrenages. Ainsi le hasard pourrait être la part de liberté.

Le cut-up est-il une forme d'écriture pleine d'antagonismes selon vous, régie par certains éléments et leurs contraires ? ... Et peut-on y voir là une ouverture créative, ou alors l'inverse ?
A partir d’un certain moment, j’ai aussi joué avec le cut-up en détournant certaines de ses règles, introduisant même l’idée farfelue de cut-up mental. C’est aussi notre forme de vision aujourd’hui, entre l’infantilisation publicitaire et/ou le formatage de la pensée. Alors, il m’arrive d’utiliser le cut-up comme un déclencheur, un excitant à la création.

Le cut-up a été utilisé pour briser les lignes d’association toutes faites.
Qu'est-ce que vous a apporté la pratique du cut-up en tant qu'écrivain ?
J’ai trouvé dans la pratique du cut-up, outre de nouvelles images, une occasion d’exercer mon humour vis à vis de la société et de ses produits. A partir du cut-up qui m’a libéré du respect compassé pour les œuvres, j’ai pu développer d’autres formes d’écriture, comme l’écriture justifiée, le poème express, le poème trouvé (ready-made), le poème bouture, le poème collage
Le cut-up m’a aidé à exercer ma liberté.

Quelle importance et quelle place accordez-vous (à titre personnel) à cette technique d'écriture pour le XXème siècle littéraire ?
C’est une forme d’écriture qui est totalement en phase avec le monde dans lequel nous vivons. Des créateurs comme William Burroughs et Philip K. Dick ont su trouver des formes d’écriture qui décrivent par leur technique même le monde d’aujourd’hui, basé sur le simulacre et la virtualité…

Brion Gysin a écrit : “In the Beginning Was The Word” dans un de ses textes cut-up.
Pour ma dernière question, je voudrais simplement savoir si une phrase comme celle-ci guide aujourd'hui encore, votre travail et création en tant qu' écrivain ?
"In The Beginning Was The Word". C’est le début de l’Evangile de Jean dans "Le Nouveau Testament". « Au Commencement était le Verbe. » Effectivement une telle phrase issue du Livre peut servir de guide à ceux qui n’ont de cesse de manipuler, d’exalter, de recréer la langue…

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posted by Lucien Suel at 09:23 0 comments

mercredi 19 avril 2006

Une lettre de Hunter S. Thompson (1937-2005)

En mai 2005, une partie de la correspondance de Hunter S. Thompson entre 1951 et 1976 a été publiée en France aux éditions Robert Laffont sous le titre "Gonzo Highway", un ouvrage de 480 pages traduit par Nicolas Richard.
Nous en extrayons pour les lecteurs de Silo un échange entre Dale, un jeune lecteur de 14 ans enthousiasmé par la lecture de l'ouvrage de Thompson "Hell's Angels" et la réponse que Thompson prend le temps de lui écrire.

De Dale
Le 25 juin 1967
Cher M. Thompson,
Je viens juste de terminer la lecture de votre livre sur les Hell’s Angels, et c'est vraiment génial. Ce livre est vraiment génial, je sais pas quoi dire, tellement c'est génial.
Je vais vous dire la vérité, je vous jure devant Dieu que j’ai jamais terminé un livre, y compris les livres d'école. Mais votre livre, là, j'en ai pas loupé un seul mot.
Vous savez, dès que je pourrai passer mon permis, dans deux ans, je m'achète une grosse Harley, et je viens en Californie. Vous pouvez me croire sur parole.
Si possible, j'aimerais bien quelques photos de n'importe lequel des Angels, surtout Sonny Barger, lui il me botte. Je vous paierai, bien sûr, je paierai tout ce que vous voudrez pour avoir des photos d'eux. J'aimerais recevoir une lettre que je pourrais encadrer. Une lettre de vous, bien entendu. Je vous en prie, écrivez-moi, et je vous en serai très reconnaissant. Merci.
P.S. : Dites, je trouve que vous êtes vraiment génial.
Bien cordialement,
Dale
Un admirateur des Angels
Eux aussi sont géniaux.

À Dale
Le 6 juillet 1967
Woody Creek, Colorado
Cher Dale,
Merci pour ta chouette lettre. Je l'ai reçue ce matin. Et je me suis dit qu'il fallait que je t'envoie un mot avant que tu te laisses embarquer par les Angels. J'apprécie les bons trucs que tu me dis sur le livre, mais jamais au grand jamais je n'ai eu l'intention de faire de la propagande pour les Angels, ni pour toute autre secte. Tu as bien mieux à faire que de te perdre dans ce genre d'histoire. Pas nécessairement parce que c'est mal, ou moche, ou je ne sais quoi... mais parce que tu m'as l'air suffisamment brillant pour te lancer dans un truc à toi, sans avoir à rejoindre un clan qui existe déjà. Tu dis qu'il te reste deux ans avant de pouvoir passer ton permis, je suppose donc que tu dois avoir dans les quatorze ans.
Moi, quand j'avais quatorze ans, j'étais un jeune con déchaîné et pas très futé, et je me suis attiré pas mal d'ennuis, je voulais déchirer le monde pour la simple et bonne raison que je ne m'y retrouvais pas. Maintenant, en y repensant, je me dis que si c'était à refaire, je ne changerais pas grand-chose... Mais j'ai aussi appris au moins une chose cruciale depuis cette époque : mieux vaut créer ses propres schémas que de tomber dans des ornières creusées par d'autres. Dis-toi bien que, si tu peux faire une chose mieux que quiconque, tu en auras la vie grandement facilitée, en ce bas monde - un monde pas commode, quand tu commences à le connaître un peu, où des gens capables de rouler en Harley, ce n'est pas ce qui manque... surtout en Californie. Les meilleurs des Angels - les types avec qui tu pourras avoir envie de t'asseoir pour discuter - sont presque tous passés à autre chose après avoir fait un tour de piste. Ceux qui y restent sont presque tous incapables de faire autre chose, et ils n'ont rien à raconter. Ils ne sont pas dégourdis, ni marrants, ni courageux, ni même originaux. Ce sont juste des Vieux Cons, et ça, c'est bien pire qu'être un Jeune Con. Ils ne sont même pas heureux ; la plupart d'entre eux détestent la vie qu'ils mènent, mais ils ne peuvent pas se l'avouer, parce qu'ils ne sauraient pas où aller, ni quoi faire d'autre. C'est ça qui les rend mauvais... et inutiles, parce que des connards méchants, en ce bas monde, ce n'est pas non plus ce qui manque. Et je ne vois pas l'intérêt pour toi d'attendre avec impatience d'aller en Californie pour entrer dans cette danse, alors que c'est une impasse. Si tu es assez intelligent pour m'écrire une bonne lettre à ton âge, tu es aussi suffisamment intelligent pour ne pas t'engager dans cette voie sans issue.
Je suis sûr que tu ne t'attendais pas à ce genre de lettre, et je t'assure que je ne tiens pas à passer pour un de ces « conseillers d'orientation » qui ont du mou à la place de la cervelle, ou pour ces gens avec qui j'ai eu des problèmes toute ma vie. Catégorie comprenant les profs à l'école, les sergents à l'armée de l'air et les flics sur la route. Mais les gens comme eux sont capables de te coincer si tu les prends sur leur propre territoire, et c'est l'erreur que la plupart des Angels ont commise. Ils ne sont pas assez intelligents pour créer leur propre truc... ce qui est pourtant assez facile, une fois que tu sais ce que tu fais.
Regarde, pour l'instant, moi je suis écrivain et non pas juste moto-maniaque, et, du coup, je peux faire plein de trucs que je ne pourrais pas faire si je savais rien faire d'autre que conduire une moto. D'ailleurs, je m'en suis acheté une nouvelle avec l'argent du livre. Je paie mon loyer sans problème, et j'ai plein de temps pour chasser, me pinter, et me déchaîner à ma guise quand j'en ai envie. Mais je ne ferais pas tout ça, si je ne savais rien faire d'autre que foncer en bécane et me brouiller avec les flics. C'est incroyable, tous les ennuis que tu peux éviter si tu te débrouilles pour ne pas te mettre toi-même dans le pétrin... or c'est ce que les Angels font sans cesse, pour des raisons qui les regardent, et ne riment pas à grand-chose pour un type qui n'est pas obligé de rester coincé avec eux. Ce qui est ton cas.
Repense à cette lettre quand tu envisageras de venir en Californie rouler avec les Angels. Et pourtant, cela peut être un sacré trip, si tu arrives à ne pas tomber dans le panneau. Le secret, pour ne pas tomber dans le panneau, c'est d'avoir un truc à toi... Un talent particulier, quelque chose que tu sais faire, que les autres seront bien obligés de respecter. Ainsi, ru pourras rouler en bécane quand ça te chante, et quitter le peloton quand ça te chante. Crois-moi, c'est la meilleure façon de s'en tirer. C'est la différence entre mener sa propre barque et être un mouton dans le troupeau. Peut-être qu'aujourd'hui, tu considères que ce n'est pas important, mais d'expérience je peux te dire que ça l'est.
Bon, je ferme mon clapet. C'est juste que je ne veux pas que tu m'en veuilles, dans dix ans, pour t'avoir filé un tuyau pourri. Tout ce que j'essaye de dire, dans le fond, c'est très bien, sois un hors-la-loi... mais sois-en un à ta façon, pour des raisons qui t'appartiennent en propre, et je t'en supplie, ne foire pas le coup aussi pitoyablement que les Angels.

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lundi 17 avril 2006

Poème express : Café

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vendredi 14 avril 2006

Visions d'un jardin ordinaire (le compost / ch'fien)

Quotidiennement, longuement, souvent, le jardinier a pissé sur le compost. Pipi catalyseur des transformations, herbes pourries, bractées d’artichauts, cosses de petits pois, coquilles d’œufs, marc de café, épluchures de pommes de terre, demi-pamplemousses évidés, écorces des avocats, crottes de chien, coquilles de moules, feuilles de betteraves, salades montées en graines.
L’hiver se termine. Le jardinier répand son fumier fumant sur le terrain nu, sur la terre froide. Les grosses bottes de caoutchouc vert écrasent l’amalgame poisseux. Il bêche, il enterre les vieilles échalotes, les tontes de gazon, les oignons confourés, les géraniums gelés, les tiges séchées des haricots, les feuilles tombées, les verts de carottes, les noyaux d’olives, les fleurs fanées, les pommes de terre fripées, sa salive, sa sueur. Il nourrit la terre. Il détermine la résurrection. Il lutte contre l’entropie. Il enfouit.

Toudi, lontin, souvin, chgardinié ia piché suchfien. Pich catalyseur dché trinsformations, pich suchlerp muzi, suchéfeull d'articho, suchécossdariko, pich suss zékal deu, suchmar edkafé, suszéplukur edpétott, ché mitan dpamplemouss, ché zoch eudglenn, ché pleum ed kodin, chbrin tchien, ché kokill eud moul, ché feull ed bétrapp, ché salatt monté.
Asteur, liver i é fini. Ch'gardinier, i rétramm sin fien qui funk su sin gardin, su chell terr froitt. Ak sé grossé bott in kaoutchou, i pidak din ch'fien. I fwi, ienterr, ientik. Ienterr ché vielzéchalott, chgazoncrévé, chézognonconfouré, ché jéraniomm gélé, ché brank réchué dpotchuk, ché feul dalo, ché ver edkarott, ché kokill edgok, ché fleurs fané, ché pétott pouritt. Ienterr ossi ess saliff, ess sueur. I donn aminjé al terr. I cominch el rezurecsion. Is ba contt chlintropi. I fwi, i fwi.

Extrait de “Visions d’un jardin ordinaire”, photos Josiane Suel, éditions Le Marais du Livre, Hazebrouck, 2000.
Texte original de Lucien Suel, adaptation picarde (inédite) par l’auteur.

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mercredi 12 avril 2006

Allan Kaprow *(1927 - 2006)*

Un message de M. Collet (Montagne Froide) nous apprend le décès d'Allan Kaprow :
On 5 April, 2006, Allan Kaprow, the master of the Happening, died peacefully at his home in Encinitas (California, USA) at the age of 78. In the late fifties and early sixties, his spectacular and theatrical environments and performance pieces exceeded the capacities of galleries and museums to display them. His increasingly austere psychological and spiritual pieces from the seventies onwards managed to elude all but the most eager audiences who increasingly became participants and collaborators in the work. Allan Kaprow was a radical artist whose work transformed the nature of art making forever.
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Silo (25) Chuck Palahniuk

Empilées devant moi se trouvent des parties de sanatoriums et de studios de cinéma, de silos à céréales avec tapis roulants et des raffineries de pétrole. p ?
Chuck Palahniuk, Berceuse, Gallimard, La Noire, mars 2004.

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lundi 10 avril 2006

Mail Art (4)

Voici, extrait de mes archives, un texte écrit en 1993 pour le catalogue d’une exposition d’art postal. Depuis cette époque, les choses ont beaucoup évolué, notamment avec l’arrivée d’internet. De nombreux mail artists ont transporté une part de leur activité sur le net. Cela a correspondu également avec l’augmentation considérable des frais postaux notamment pour les envois hors d’Europe. Mais le mail art, héritier de Fluxus, existe toujours et nous continuerons d’en donner regulièrement des nouvelles sur ce blog.

L'art postal : comme... une lettre à la poste.
Du producteur au producteur, un seul intermédiaire : le facteur. C'est ma vie de tous les jours, fidèle aux postes. Depuis qu'un jour (en 1978), j'ai envoyé un collage à la revue Doc(k)s, je suis postal-dépendant. Parfois, la porte d'entrée résiste devant l'entassement du courrier reçu... Parfois, je dois faire un détour par le guichet («aQuel est le tarif pour envoyer par avion une carte postale de 23g en Nouvelle-Zélande ? »).
Cet artiste postal de Belgique, Peter Moreels, alias Piotr Aakoun,m'envoyait ses dessins, ses cassettes (Il diffusait, par la poste bien sûr, des cassettes de groupes de rock de Tchécoslovaquie). J'étais intrigué, l'adresse de Peter était à Tournai et son courrier arrivait de Dunkerque, de Béthune, de Hasselt, de Rotterdam. J'ai su qu'il était batelier. Il répondait au courrier chaque fois que sa péniche attendait un nouveau chargement. Comme le Canal d'Aire à La Bassée passe à 2 km de chez moi, la rencontre a eu lieu. Il livrait un chargement de sable pour la cristallerie d'Arques. Au retour, il a amarré sa péniche près du pont de Guarbecque. Nous avons passé plusieurs journées délicieuses. J'ai vu son petit bureau de mail-artist à l'avant de la péniche, je lui ai montré mes archives postales... Quand il a obtenu un chargement de blé à Béthune, nous avons fait le voyage ensemble. Maintenant, Peter a vendu sa péniche mais j'ai toujours son adresse.
Dès qu'il fait beau, je travaille à l'extérieur, au jardin. C'est la pluie et le froid qui provoquent mon activité d'artiste postal. Installé au chaud avec mes tampons, ma colle, mes découpages, je fabrique des envois, je recycle des enveloppes, je réponds au courrier... Alex et Katherine Hirka, mail-artists du Vermont (Nord-est des USA) m'ont un jour envoyé, parmi d'autres choses, un fond de paquet de graines de tomates (3 graines). J'ai réussi à multiplier sur deux ans le nombre de graines. Un jour, dans le Vermont, ils ont reçu la photo en couleurs de mon jardin avec la trentaine de plants de tomates hauts d'un mètre cinquante et couverts de fruits. L'art postal est aussi du jardinage. Eric Adam m'a envoyé de Bruxelles un paquet de graines de choux de Bruxelles, l'adresse écrite sur le paquet. C'est une belle enveloppe qui fait un petit bruit de maracas. Je ne l'ai pas encore ouverte...
A l'époque où je faisais de la radio (Radio-Banquise, 101,7 à Isbergues), je diffusais dans mon émission les cassettes arrivées par la poste, envoyées par des mail-artists de Suisse, d'Italie, du Japon, des Etats-Unis... Il y a bien des façons de remplir les enveloppes (disquettes, timbres en caoutchouc, images, magazines, amitiés). L'envoi le plus simple que j'aie reçu : pas d'enveloppe, rien que le timbre avec l'adresse au verso ; j'ai failli ne pas le trouver et je ne sais toujours pas qui me l'a envoyé ! En fait, je n'ai pas de boîte aux lettres, juste une fente normalisée dans la porte. J'entends le courrier tomber sur le carrelage et s'étaler dans la pièce les matins des jours ouvrables entre 9h30 et 10h. Quand un paquet est trop gros, le facteur le pose sur le seuil et donne un coup de sonnette.
J'ai expliqué à des enfants le coup de la fausse adresse pour jouer avec la poste. On envoie un courrier à une adresse qui n'existe pas (par exemple à Arthur Rimbaud, 98 Verlaine Road, London SE 12). Au dos de l'enveloppe on inscrit sa propre adresse, ou, mieux encore, l'adresse d'un ami (qui aura une surprise). Et on attend le retour... de l'enveloppe agrémentée de tampons plus ou moins jolis. On peut évidemment la faire repartir ailleurs... Rémi, un de mes neveux m'a fait le coup l'autre jour. S'il commence une carrière de mail-artist à 8 ans, il risque d'avoir très vite un problème d'archivage ! Les archives sont le musée personnel de tout artiste postal.
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vendredi 7 avril 2006

Juste un collage

Collage de Lucien Suel
Juste un collage datant de 1978 pour vous annoncer ma participation à deux nouveaux blogs alliant écriture et photographie.
A NOIR E BLANC
avec Josiane Suel.
PHOTOROMANS
avec Patrick Devresse.

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posted by Lucien Suel at 14:20 0 comments

mercredi 5 avril 2006

Peter Orlovsky : lettre à Allen Ginsberg

Voici le début d'une longue lettre que Peter Orlovsky écrivit à Allen Ginsberg en 1958, alors qu'il se trouvait sur le bateau le ramenant à New York, après un séjour au Maroc.
Cette lettre a été publiée pour la première fois aux Etats-Unis sous le titre
"Dear Allen: Ship will land Jan 23, 58" par Allan De Loach, Intrepid Press, "The Beau Fleuve Series", en 1971, avec en dos de couverture une photographie du couple par Richard Avedon.











La traduction française (par Lucien Suel & Henry Meyer) fut publiée en 1981 dans un n° spécial du magazine Starscrewer.

Cher Allen : Le Bateau accostera le 23 janv. 58

dans 6 heures, Terre, Terre, Terre - mes pieds,
mon estomac surexcité à l'idée de
retrouver la famille toute ta famille, Lucien Carr
Joyce & Jack s'il est là-
Que le diable emporte ce bateau - tout le temps malade
mais enfin chez moi maintenant - que puis-je
demander de plus ? Une terre couverte de roses-
plus pleurer sur mon sort, je vais être
gentil, travailler dur, mettre de l'argent de côté-
ne plus me masturber - me laver les dents tous les soirs
je discuterai avec les clodos dans la rue, toujours discuter avec eux
plus je vais plus je suis
seul - le bateau tangue mon
écriture est toute tremblotante - je suis là
à écrire simplement tout ce qui me passe par la
tête parce que ça vaut mieux que de
rester à rien branler sur ma couchette - seul
je rêve éveillé de la terre dans le ciel
des gosses qui chialent maintenant, un que sa mère
attrape et fait disparaître derrière la porte-
de la musique, la 6ème symphonie de Beethoven
dans le restaurant - on va servir le fromage
d'une minute à l'autre -c'est fou
le nombre d'Hindous sur ce bateau - mais
je n'ai adressé la parole à aucun-
et maintenant, peux pas parce que la musique est plus
prenante, les violons connaissent leur chemin dans les ténèbres- ?
maintenant une musique triste, une musique sur laquelle je pleure-
Je sens que j'emploie toujours les mêmes mots-
comme pleurer, ça n'a pas
de sens, quoi faire, qui m'aime
encore ? - Allen où es-
tu ? pourquoi n'es-tu pas
avec moi ici maintenant - ? pourquoi ?
A quoi penses-tu en ce moment ?
si loin l'un de l'autre, on ne peut pas se parler
qui nous entendra-
ton père est ici sur ce bateau-
Noël - et pas de cadeaux
sauf celui qu'allen m'a donné
et celui que Gregory
m'a donné mais c'était seulement
Provisoire - la brume soulève
son voile - la mer s'ébroue - amulettes
pour les étoiles - dansent dans un pot-
font l'amour dans un lit tunnel
qui conduit à l'imagination stellaire
Ce stylo est quasiment vide-
la pendule va sonner l'heure du déjeuner pour nous
autres passagers en classe Touriste-
J'ai oublié de mettre classe touriste sur
l'étiquette de mon sac de couchage
et maintenant peut-être qu'on va se tromper
et je ne vais pas le reconnaître
il va être égaré - et je ne peux rien
faire à part
pisser un coup car l'océan est propre
et la jungle ne connaît pas de rivière où
les périls reposent sur des carpettes noires (chantant)
des os qui escaladent le mur de Mahomet
et sur l'amazone
des points verts couvrent des crocodiles
qui ouvrent les yeux après avoir perdu contact avec
l'eau - il y avait la mer en photo
la mer dans le jukebox-
et enfin la mer dans le sable-
sache que je t'aime
pleure sur mes os
mais surtout pisse donc
sur ma tombe - car le temps
est une feuille qui change de couleur tant
de fois en une seconde

.../... lire la suite ici...

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posted by Lucien Suel at 08:13 0 comments

lundi 3 avril 2006

Poème ready-made (mots-clés, mars 2006)

ferre grignard silo ferré grignard costes
grand père massage encéphalogramme philippe muray costes
costes grand père encéphalogramme roger lahu
ta ma daga grand-père costes
silo suel philippe muray mort grand père
costes biographie poésie grand père
ferre grignard meteorisation météorisation homo festivus
orignal site originel de manson quintane
blog science-fiction vélo tapis java
peintre brûle-pourpoint traduit en anglais
ailleurs et demain le blog de
suel lucien violence dans les égouts

datura décoction vouloir mourir poème manuscrit
de baltimore 17ème siècle effet silo
maison cubiques rotterdam http://www.pilotti.org/
qu’est ce qu’un silo
les têtes frottent le disque dur
revue l'enfance claire fore ver
quel est le cours d'eau
appelé old man river quintane contact
bunkers underground for sales blog
lucien suel auteur d'étoile des neiges
image de feu de silo fait
divers à beaugency jean-louis costes

grand-père castor beaver plastique lettre
délicate oncle tom sam famille duteurtre
les requins respiration photos augustin lesage
la gana douassot me rayer poème
cons vertis longue for horse sied
horse dog un jour jouai photo
les plus grands anacondas blog philippe
billé cimetière britannique arras poème express
allen ginsberg hurlement poésie vu les
meilleurs esprits de ma génération
carl solomon belle expression concernant le
printemps la cloche a sonné cover

les images animées d’anges gardiens
bruno sourdin édition des deux-siciles
poème sur marelle passion ring con
anatomie de l'art molles collines
roger lahu les anguilles il pluie
sur le village comme poème express
jean louis costes grand père chant
macbee métal silo s.l. philippe billé
cette nuit on maraude de saint
augustin écouter ferre grignard de spookrijder
témoignage de loup-garou silo métal
sa usine à gaz saint venant

c'est le barrage, il faut
passer à travers ce tourbillon de flammes
visions d'un jardin ordinaire de
suel lucien poème grand mère décéder
jean louis costes cosaque de fille
aux yeux verts bibliographie neal cassady
femme trompée par l'ordinateur poème
alain ginsberg howl texte horse traîneau
comme site le nombre de mésanges
ferre grignard textes chansons silos jupes
jean louis costes grand père le
blog gay il pisse sur moi

numéro de putes fix ginsberg capucines
texte littéraire mort mari assez pleuré
grand-père jean-louis costes suel
silo tôle ondulée fibre de vert
fernand léger 1950 studio of des
fleurs jaunes dans un vase bleu
mort de philippe muray grand père
costes blog pute black best amougies
costes grand-père silo lucien suel
demonsaumonde.free.fr poème express grand
testicules poème d'étoile pour enfant
jean-louis costes roman de fayard

alain gibertie poème pour diana costes
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papelarde nord hartley ferré-grignard moland
fengkov bartlebooth blog pute béthune ntmfn
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silo à glace lettre circulaire grignard
les quatre cavaliers de l'apocalypse
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grand père grignard ferre courants littéraires
les gouines travelos nus homo comptine

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