mercredi 5 avril 2006

Peter Orlovsky : lettre à Allen Ginsberg

Voici le début d'une longue lettre que Peter Orlovsky écrivit à Allen Ginsberg en 1958, alors qu'il se trouvait sur le bateau le ramenant à New York, après un séjour au Maroc.
Cette lettre a été publiée pour la première fois aux Etats-Unis sous le titre
"Dear Allen: Ship will land Jan 23, 58" par Allan De Loach, Intrepid Press, "The Beau Fleuve Series", en 1971, avec en dos de couverture une photographie du couple par Richard Avedon.











La traduction française (par Lucien Suel & Henry Meyer) fut publiée en 1981 dans un n° spécial du magazine Starscrewer.

Cher Allen : Le Bateau accostera le 23 janv. 58

dans 6 heures, Terre, Terre, Terre - mes pieds,
mon estomac surexcité à l'idée de
retrouver la famille toute ta famille, Lucien Carr
Joyce & Jack s'il est là-
Que le diable emporte ce bateau - tout le temps malade
mais enfin chez moi maintenant - que puis-je
demander de plus ? Une terre couverte de roses-
plus pleurer sur mon sort, je vais être
gentil, travailler dur, mettre de l'argent de côté-
ne plus me masturber - me laver les dents tous les soirs
je discuterai avec les clodos dans la rue, toujours discuter avec eux
plus je vais plus je suis
seul - le bateau tangue mon
écriture est toute tremblotante - je suis là
à écrire simplement tout ce qui me passe par la
tête parce que ça vaut mieux que de
rester à rien branler sur ma couchette - seul
je rêve éveillé de la terre dans le ciel
des gosses qui chialent maintenant, un que sa mère
attrape et fait disparaître derrière la porte-
de la musique, la 6ème symphonie de Beethoven
dans le restaurant - on va servir le fromage
d'une minute à l'autre -c'est fou
le nombre d'Hindous sur ce bateau - mais
je n'ai adressé la parole à aucun-
et maintenant, peux pas parce que la musique est plus
prenante, les violons connaissent leur chemin dans les ténèbres- ?
maintenant une musique triste, une musique sur laquelle je pleure-
Je sens que j'emploie toujours les mêmes mots-
comme pleurer, ça n'a pas
de sens, quoi faire, qui m'aime
encore ? - Allen où es-
tu ? pourquoi n'es-tu pas
avec moi ici maintenant - ? pourquoi ?
A quoi penses-tu en ce moment ?
si loin l'un de l'autre, on ne peut pas se parler
qui nous entendra-
ton père est ici sur ce bateau-
Noël - et pas de cadeaux
sauf celui qu'allen m'a donné
et celui que Gregory
m'a donné mais c'était seulement
Provisoire - la brume soulève
son voile - la mer s'ébroue - amulettes
pour les étoiles - dansent dans un pot-
font l'amour dans un lit tunnel
qui conduit à l'imagination stellaire
Ce stylo est quasiment vide-
la pendule va sonner l'heure du déjeuner pour nous
autres passagers en classe Touriste-
J'ai oublié de mettre classe touriste sur
l'étiquette de mon sac de couchage
et maintenant peut-être qu'on va se tromper
et je ne vais pas le reconnaître
il va être égaré - et je ne peux rien
faire à part
pisser un coup car l'océan est propre
et la jungle ne connaît pas de rivière où
les périls reposent sur des carpettes noires (chantant)
des os qui escaladent le mur de Mahomet
et sur l'amazone
des points verts couvrent des crocodiles
qui ouvrent les yeux après avoir perdu contact avec
l'eau - il y avait la mer en photo
la mer dans le jukebox-
et enfin la mer dans le sable-
sache que je t'aime
pleure sur mes os
mais surtout pisse donc
sur ma tombe - car le temps
est une feuille qui change de couleur tant
de fois en une seconde

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posted by Lucien Suel at 08:13