mardi 31 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - IV. I.



IV
NOUS VIVONS L'HISTOIRE DANS UN CAUCHEMAR.
par
Claude Pélieu (1977)

1
Un instant hors du temps... l'histoire ment avec conviction... je revois un Soap Opera hitlérien, Nuremberg 1934, le 20 décembre, le jour même où je suis né, vers 10 heures du matin... Un conseiller technique, hâlé par le vent du Nord, brouille les images... l'odeur du ciel dans le studio que je déplace dans le hall du Great Western Hotel... le pays des ombres et des mauvais souvenirs - les voix du sang et de la violence emplissent le Zoo Électronique, dévastent la Vidéothèque de l'Univers... C'était la fin du voyage... de retour sur Terre nous constatons que les gens apparaissent et disparaissent, c'est simple, des gens comme vous et moi, les descendants des hommes qui ont chié sur les Écritures - ils ne sont pas tous là, mais ils ont un rôle dans le Soap Opera de Nuremberg - au coin de la rue on peut voir Papi Tomato, Tito Vulvo, Dan Blueberry, Bruno Brazil, Sister Vaseline, Jacob Yamyid, le Dr. Szabo, Buck, Sister Mucus, le môme Sépia, Zouzou-la-Twisteuse, Joe Flash, Missouri Dale, Panama Joe, les gouines rouges, etc... UN INSTANT HORS DU TEMPS - les déchets de l'histoire brûlent à l'horizon, le cycle de survie s'étire comme un chewing-gum, nous survolons les ruines...

Tous les matins je passe quelques heures sur la terrasse qui surplombe l'océan... j'évite les vieilles connaissances... là-bas, The Great Western Hotel, North Hollywood... j'évite les gens, surtout les écrivains, les artistes, et les musiciens... je déteste ces parties emmerdantes... je ne fréquente que les voyageurs intrépides et les agents secrets de Dieu... les films en couleurs explosent hors du temps, disparaissent dans l'herbe bleue - nous sommes perdus dans l'espace depuis longtemps.

Un spectre sifflote Double Dealer Death Blues...

J'entre dans un bar et je vois l'homme qui était dans le film. Un bar au cœur de Chinatown, fréquenté par les riches junkies et les hommes d'affaires qui manipulent les gangs. Mme Quack-Tong gère bien son établissement... Tout va bien quand un junkie a les moyens, rien n'arrive, pas grand chose à vrai dire... ça tourne mal dès que vous vous retrouvez avec les loquedus et les clodos fascinés par le grand frisson... Quelqu'un peut vous refiler un cadeau des flics ou de la famille, un fix à la strychnine, et pfft-! Aux Grandes Osselettes !... C'est pour ça que Joe dit : « Je ne couche avec personne, à moins que ça ne soit absolument nécessaire. » - Rien ni personne ne vous aidera - les gens, je les connais, c'est pour ça que je les déteste... il faut voir les choses comme elles sont, comme elles ne sont pas... quand les junkies ont de la bonne merde, ils voient les choses clairement, très clairement? C'est là le seul intérêt. Oh, je ne parle pas des mystiques, des fumeurs évangélistes, des militants et des connards qui reniflent de la colle d'avion et du poil à gratter... et comme dit Joe : « La bonne came d'avant-guerre, c'est pas pour les pauvres. » - Vrai, il faut faire gaffe dans les bars, n'faut pas jouer aux fléchettes dans les couloirs du métro de neige - tout ça c'est con, c'est bon, pas bon, très con, c'est tout, c'est comme l’œil de l'ouragan... c'est une façon de voir et d'entendre, de vivre... les junkies sont aussi cons que les autres, plus cool peut-être... ils savent quelque chose que le mec ordinaire ne sait pas. Bien. Ils flottent dans la non-couleur de la merde au creux d'un bruit blanc, explosant silencieusement et mollement à côté du temps variable, dans les veines incolores de quelqu'un d'autre - Alors... alors, rien - tu plonges dans un hurlement de ciel, et la merde fait partie du corps, du cerveau, de l'âme, de la vie - tu sors, peut-être, vivant ou mort, et tu remplaces par autre chose - c'est ainsi que le vent mauvais emmène tous ceux qu'on aime... 

Nous photographions Connie chaque fois qu'elle prend un fix dans ce bar, n'importe quel genre de fix... Alors ne marche pas trop vite dans la rue, la photo est déjà imprimée sur ton imperméable - ne dors pas avec les images - l'image désincarnée de Connie se superpose à celle de Joe Verminex et des flics de la Stupéfiante - Cacahuètes salées dans les poubelles de Brazzaville - le vieux magasin de vins et spiritueux explose... bruit de verre brisé - l'homme n'est pas blessé mais il ne voit rien, sinon un écran rouge, épais, poisseux... il distingue quelques silhouettes sur le trottoir d'en face - cris, appels au secours, gémissements - le sang coule dans les caniveaux, personne ne prête attention aux blessés, amputés, brûlés, s'asphyxiant dans l'épaisse fumée - Une jeune fille est allongée sous une porte cochère, ses deux jambes déchiquetées - l'infirmier tire une syrette de morphine de sa trousse... trop tard... alors il se penche, lui ferme les yeux, et marmonne une courte prière - tireurs embusqués sur les toits, canardant les ambulances et les voitures de pompiers - les paras quadrillent le quartier, bloquent les rues - Eh bien, c'est à ce moment-là que j'ai décidé de quitter cette ville et ce pays - La nuit tombe sur Nutopia, base intergalactique, cité-bulle, station satellisée au-dessus de l'océan de vide et de mort... Nuit noire. Nuit sans lune.


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lundi 30 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 6.


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

6
Le brain-trust gouvernemental flippe...
Le brain-trust gouvernemental ne comprend pas qu'aux yeux de la majorité silencieuse, la loi et l'ordre n'ont plus de raison d'être. Cette majorité conne et bâfreuse se rend quand même compte que les libertés fondamentales sont éliminées, et malgré les tours de passe-passe du gouvernement, cette majorité ne comprend pas l'arbitraire. Ce n'est pas son arbitraire. Car, il y a bien, en France, une MAJORITÉ et un GOUVERNEMENT. Ce n'est pas une majorité de hippies, de drogués, de pédés, de chiens enragés et de détrousseurs libertaires --- c'est une majorité de veaux, de moutons, de brutes, de débiles, d'alcooliques, de boutiquiers, de minets, de SS en jupons, d'hétéroflics, de militants et de vautours... mais il y a les groupes marginaux, et surtout les individus... les pionniers ont bonne mine ! Les hippies en papier aussi --- le pain béni de qui dans les égouts de Megapolis ? --- les portes sont ouvertes ou fermées, la violence est téléguidée et financée, subie et imposée. Les techniques anti-insurrectionnelles sont infaillibles. Le reste ? Magouille, agitation de circonstance. Ceci fait l'affaire de la classe dominante et des robots... tu vois la coupure... guérilla urbaine, ouvriers-et-paysans-unis-dans-un-même-combat... prêchi-prêcha... mucus de mulet... et surtout CONTRÔLE... dans l'enfer des interdits, des hystéries et des illusions, nous allons décrire les limites étroites de notre monde.

Il y a chez les pionniers un p'tit côté « maréchal nous voilà » vachement débile et irritant. Le retour à la terre, l'artisanat, la vie claire, etc... peu planant !... et les mauvaises vibrations, quelle déprime !... quant à la révolution sexuelle, eh bien, ça-va-ça-vient, hi han !... quant au reste ? Beuark !... Le Président de la République ne vous a pas menti, il vous a dit d'un ton bonhomme (ce n'était pas le trip gaullien) qu'il ne fallait pas mettre du hash dans les épinards, et que pour la pornographie, eh bien... Il ne rigolait pas M. Pompidou, malgré le fondu « veillée des chaumières »... il a su se servir de la TV (je n'ai vu que des extraits, BBC 1 & 2), avec l'électronique vous possédez bien votre monde.
Par contre, une action Yippie, comme la publication d'un rapport secret, dans le New York Times, et repris par CBS, NBC, ABC, ITN, annule la merdouille que les militants entretenaient depuis deux ou trois ans, plus ou moins bien. Même la Cour Suprême a désavoué Nixon et son brain-trust.

L'argent pop est une chose, et beaucoup de musiciens sont restés honnêtes et branchés. Ils se marrent avec le fric. Ils font vivre et aident des tas de gens... le Système veut privilégier l'Art --- Madison Avenue pense pour vous --- Madison Avenue a déjà dessiné les vêtements que nous porterons en 1975 et choisi la musique que nous écouterons. Cette nouvelle décennie nous allons la consommer par le gros bout de la lorgnette.
Des fraises et du sang dans l'ordinateur...
L'herbe s'évanouit...
Le drugstore du ciel est fermé...
Toutes les drogues sont maudites...
Les vieux junkies ne décoloniseront pas l'Empire de la Merde.

Aucune étude sérieuse n'a été faite sur le LSD. Et des écrivants nous accusent parce que nous écrivons. Nous écrivons parce que précisément nous sommes des écrivains, ou quelque chose comme ça... ils ont signé les mêmes contrats que nous, chez les mêmes éditeurs... une douche-cirrhose inonde la nation... distributeurs automatiques et self-services sont bien dressés... le boss, conforme aux images des vieux westerns et des affiches d'avant-guerre, s'éteint sur un lit de cendres.

Il y a cette campagne anti-jeune. Hargne débile contre tout ce qui est différent : jeunes, hippies, beatniks, négros, pédés, trippeurs, planeurs, étrangers, que sais-je encore...
Stéréotypes et préjugés, tout ça c'est dans la tête... la chasse aux jeunes est ouverte... le ministre est sur un trip pas possible. L'ange de la mort remplace la justice par la haine, le singe creux et le crabe sont chargés de l'intox...
La vie s'étiole dès que l'imaginaire est exclu.
De nos jours il faut aller vite (Fachos et gauchos sont d'accord sur ce point). Mais qu'est-ce qu'un facho ? Un Gaucho ?... c'est quelqu'un qui ne plane pas... nous planons --- dans le bleu le rose le noir-orange le vert --- et toutes les étoiles pirouettent, flamboient, et les néons dansent dans nos yeux... il y a une base humaine Hip sur chaque continent... la romance politique des uns et des autres contamine les mondes-consciences. Rien n'est gratuit. Rien ne sera gratuit avant longtemps. Une cure inimaginable... les vieux bulletins d'information agonisent dans les jungles de la nouvelle décennie.
Les dessous de la consommation --- distribution gratuite de brouillard et de largactyl, une retombée dépressive dans la Fenêtre Rose --- Les mecs qui font la route ne couleront pas le Système.

« L'État a aussi, naturellement, son rôle, a dit le Président de la République. Il doit préserver la jeunesse des agressions extérieures de la drogue, de la pornographie. » --- vous voyez, d'étranges petites phrases tout au long de la trame de cet entretien télévisé... l'hommage aux brutes... une obscène politique au service du profit, abstraite, théorique, socialiste... l'évidence même... Mais qu'est-ce que vous croyez images, ici, de ce qui se passe là-bas ?
Réponse : « Chacun dans son ghetto ! »...
Le Système n'est pas prêt à couler... le coup du poisson dans l'eau, vous comprenez ?
Les robots répètent encore une fois, avant le lever du rideau.
Les robots et les machines sont prêts à frapper.
Des mecs qui s'y connaissent en révolution vont occuper le pavillon en meulière de M. et Mme Glauque, libérer la pelouse, la fête quoi ! Et puis ils feront du vélo pour combattre la pollution, et ils casseront la tête d'un débile à coups de barre de fer, et les flics arriveront --- et ils brancheront leurs guitares à neuf cordes sur des bouteilles de gaz butane, les cuisines roulantes distribueront le riz, le viandox et la soupe à la grimace, et vous serez parqués, encadrés, contrôlés. Quel pied !...
« Les hippies sont des débiles ! »
« Les marxistes sont des cons ! »
Tu as besoin d'une idéologie toute neuve entre ça et ça, on va te retailler la vision, vin rouge, camembert, maxiton fort et poil à gratter. Le ministre approuve ce festival. Un pinball-machine approbateur clignote dans la nuit noire. Des images dures et molles orientées vers le Mythe. L'Agence Marie Jane a fermé ses portes, et la musique des yeux fait même mal à Cleaver... et Leary est aux mains du FBI... et nous avançons sous la lumière d'aujourd'hui, le néon... --- une certaine magie fut broyée par la machine et ressuscitée par l'électronique --- mais les militants font leur guerre sans l'aimer, et l'odeur des vacances va tout emporter...

Le drame éclate dès que vous emmerdez les gens dans leurs têtes, dans leurs corps. Et ils sont nombreux. Ils subissent. Ils imposent. Ils sont malheureux, torturés, bêtes, méchants, malades, sympas, flippés, ils ont besoin d'air, d'espace personnel, et on leur censure leur soleil... Je pense que la parole devrait peut-être ÉCRIRE l'inconscient collectif, comme ça, très vite, sur les murs de préférence, comme le font les enfants quand ils veulent semer la merde, pour que tous deviennent mondes-consciences...

Les musiciens savent ce qu'ils peuvent faire avec l'énergie de 500 000 personnes, c'est pour ça qu'ils se refusent à la diriger, d'une façon ou d'une autre... ce ne sont pas des agitateurs politiques... Superjets, sonos, lightshows, videocorders, fêtes psychédéliques, les media traditionnels ne flippent même plus. Même avec le crayon-feutre et le spray une nouvelle expression est née. Le Village Global ne peut pas ne pas vulgariser sa nouvelle façon de voir et d'entendre...

Les agents de publicité furent exilés derrière les feux de la rampe. Et dès que les flics entassés dans leurs cars aperçurent les cheveux longs... les militants ont entonné le Chant des Cochons...

Hippieland n'existe plus.

Un commando de lesbiennes envahit le Soft-Drouot...

Des SS en jupons, moutards en bandoulières, sont subjugués par l'avenir d'un mini-Woodstock aux alentours de Limoges... « Nous allons mettre la France Pop à genoux ! », s'écrie le puriste, fondu dans la lumière stroboscopique, entraîné par Jumping Jack Flash, un planeur comme vous et moi --- ils se sont branchés sur la même pipe --- sunshine orange se répandit sur la Planète Verte... un trip merveilleux... pas une boîte crânienne n'explosa... mais là-bas, Dachauland, Rock à gogo... les fleurs mortes pourrissent sous le Dôme du Désir... Militants, UFO, Underground Fuck Off... OFF... OFF... OFF... OFF... OFF... l'argent pop est entre vos mains... Janis et Jimi doivent se marrer dans leurs ciels... le trip, vous comprenez... et que demandent des milliers de gens lorsqu'ils se réunissent hors de tout contrôle et influence politique ? De la musique. Uniquement de la musique. Planante et très chère. Le hasard collectif doit tenir compte de cette sono planétaire. Tant pis pour ceux qui ont mal interprété ces évènements.

Plus de parano ! Laissez les narkomasos monter la garde devant les pharmacies... l'ombre incendie ce qui nous reste à vivre... les billes multicolores des enfants mûrissent en ce jardin... foutez leur la paix-!... foutez la paix... à propos, lisez Jail Notes de Timothy Leary... maintenant je me tire...

Julian Beck, Judith Malina sont détenus par la Police Politique Brésilienne. Richard Neville et OZ sont inculpés. Pierre Clémenti est emprisonné en Italie. Tous les swamis et les gourous sont des agents de la CIA. « Hello ! Yes, good-bye » --- nous allons charmer les oiseaux, hideusement vôtre --- moi, je me tire, salut --- nous sommes tous exposés, les médiocres et les ordinaires plongent dans le bouillon de Kulture, à l'aise, les autres, bouillants virus persistent à se mêler de ce qui ne les regarde pas. Ne parlez plus des drogues, l'intérêt tombera, l'affaire nationale tournera en couillasse, l'hystérie des minus est incontrôlable --- Foutez-moi la paix, j'ai la chevrotine facile ! Un beau merdier, n'est-ce pas ? enterré vivant dans le Blues de l'Eau Lourde. Il n'y a plus grand chose à faire ici, sinon entrer et sortir.

29 juin-4 juillet 1971.
Londres. New York City

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samedi 28 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 5.


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

5
La contre-culture --- et la contre-société à laquelle elle infusa toute l'énergie, n'est pas CONDITIONNÉE PAR LES DROGUES --- ce n'est pas vrai !... Nous avons pris des drogues, nous fumons de l'herbe... et je connais des gens qui n'en ont jamais pris, qui n'en prendront jamais... ça les regarde... ça ne vous regarde pas... laissons le mythe de la défonce pour la défonce aux glauques qui vont chez Castel montrer leurs veines trouées, et aux guignols qui se filment dans un garni, seringue en main, pour faire plus vrais...
« Qui êtes-vous ?...
« Je suis LE défoncé.
« Enchanté, continuez »...
Personne ne veut de suiveurs, de disciples. Pas même Timothy Leary. Ni les Amérindiens. Les vieux junkies ont le droit de renifler dans l'aube grise... foutez la paix à Bob Kaufman, à Bob Dylan, foutez la paix aux gens !... ceci ne vous regarde pas... Nous avons le droit de disposer librement de nous-mêmes, psychiquement et physiquement... nous n'avons pas le droit de foutre de l'acide dans votre bière... nous n'avons pas le droit de faire tripper un mec à son insu... personne... ceux qui jouent ce jeu sont les pires ordures... mauvais karma dans les chiottes de l'Histoire.

L'arbitraire se déchaîne. Demain,le végétarien sera suspect, peut-être incarcéré. L'homosexuel que nous considérons comme un malade obsédé par une aberration personnelle, devient la cible, demain l'homosexualité sera un délit public, un crime... eh bien les mecs, ceci non plus ne vous regarde pas... personne ne veut coucher avec votre fille... encore une fois occupez vous de vos vieux tampax... laissez les images actuelles couler dans le Bassin de Crampes, avec quelques sons blancs étouffés dans les grands ensembles de sonorisation.

Il faut que je frappe la dernière partie de ce pavé...

Depuis le premier flash de la Beat Generation JUMPING JACK FLASH KEROUAC (qui doit pas mal de choses à Gertrude Stein) notre non-histoire n'a pas besoin d'ancêtres, ni de maîtres à penser. Nos héros planaient. Et tout éclata, comme ça, entre l'herbe et l'acide, avec beaucoup de poésie et de musique, et tout se réalisa quand le robot fut déconditionné.
Ceci explosa. Musique, journaux, magazines, comix, films, posters, light-shows, style de vie, drogues, petites presses, festival et jeux.
Chacun faisait ce qu'il voulait, comme il l'entendait, et parce que ça lui semblait juste et planant. À tort ou à raison ça ne pouvait gêner personne. Nous étions indépendants, libres ; certains vivaient en groupe, ou dans une commune, d'autres seuls, mais en contact permanent à travers tous les États, et l'Angleterre, même dispersés aux quatre coins du monde. Et nous continuons. Et nous n'étions pas tous aussi jeunes que vous le pensiez, nous étions là, dans le temps présent, ici, vite, maintenant.

Au commencement était la défonce...
Puis les militants arrivèrent...
Ils arrivèrent, ajoutant un peu plus de confusion, excitant les robots et les glauques, et la police s'en donna à matraque-que-veux-tu... pas mal de choses furent salopées, détruites, et malheureusement il y eut de nombreuses tragédies, et trop de morts... eh bien, les mecs, c'est dommage pour vous mais ça ne se renouvellera pas... et il n'y aura pas de euh-révolution avec grands soirs et barbes à papa, ni de sur-branlette dans les sous-sols de La Belle Jardinière... oh, j'entends déjà les hurlements, les vociférations, j'entends les euh-camarades... eh bien, encore une fois, ils se mêleront de ce qui ne les regarde pas... « Kamarades, je vous pisse à la raie ! »... tous se donnent au système, mais jamais au PEUPLE, qu'ils emmerdent !... je suis assez grand maintenant pour me libérer moi-même... les ouvriers n'ont pas besoin de vos mecs pour s'organiser... Ginsberg n'a jamais eu de répit face à la noire pourriture, ou devant les créatures de la guerre.
Les zones piégées par le marchand de sable sont vos territoires --- inutile de matérialiser les mots-virus --- l'ensemble des textes soporifiques ne vivent que dans la poubelle de l'Histoire.

J'en ai pris des paranos !
Les micros avaient peur.
Nous avons visionné notre paradis perdu.
Le flip politique a fait plus de mal à certains d'entre nous que le Système lui-même. Je parle de ceux qui étaient privilégiés, ne vous méprenez pas sur le sens de ces lignes.
Je n'ai pas besoin d'intermédiaires pour jouer ma musique.
TURN ON ! TUNE IN ! DROP OUT ! DO YOUR THING ! FUCK YOURSELF !
Décrochez, exigez la retraite à 17 ans, quittez les abîmes en suspension. Le débat est clos. Il n'y a pas grand chose à faire, ni à dire. La politique a tout salopé, elle est le point de départ du suicide psychédélique... Vous êtes le Village Global, la Démocratie Électronique...
« It's our world. If we don't take it, we are lost, and the planet will be lost with us. »
(Michael Aldrich)

alors, debout ! Toulouse-Lautrec !

Et vous autres ! Robots ! Jukeboxes !... Shiva vandalise sa propre cafétéria, avançant dans le ciel avec son bras cassé... c'est écrit dans le ciel, les poètes et les enfants ont toujours entièrement raison... les oiseaux ne chantent plus, mais le premier cri de la révolution grandit comme une prophétie dans les forêts turquoises.

UFO... « Underground Fuck Off ! »... structures, fric, non-fric, confusion, frustration, ordre nouveau, free, les citoyens flippent à la chaîne... il faut toujours lire le courrier des lecteurs deux fois... les lecteurs sortent du caveau de famille sur la pointe des pieds, et je vois déjà que la France sauvage ne s'arrachera pas aux fumées du showbiz...
Je lis... « il avait commencé à se piquer au cheval (...) » --- eh bien, ma fille, prends ton courage à deux mains --- et balance un cocktail Pavlov dans le jukebox !...
Les procès se multiplient. L'arbitraire s'installe. Les flics règnent. Le Docteur Timothy Leary est considéré comme un dangereux criminel. Eh bien, c'est difficile, que ce soit Le Figaro, Le Monde, ou Paris-Match, les mensonges, les silences et les truquages abondent... je ne lis pas la presse de l'opposition, ni les journaux gauchistes... Je n'ai vu qu'un numéro spécial de Tout consacré aux joyeuses explosions du FHAR... je ne lis pas non plus les revues et magazines littéraires et politiques...

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vendredi 27 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 4


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

4
Short Holiday Haircut... vous savez, on ne peut pas écrire uniquement avec des mots, et puis je préférerai vous donner des poèmes... mais il faut prendre le son là où il se trouve... vite !...
Flash électronique modulé sur l'écran translucide...
« C'mon everybody ! C'mon ! C'mon now ! »...

J'ai vu ça quelquefois en écrivant pour nos journaux... une fois, au Coke Hinterland, l'Avallon Ballroom clignotait encore dans mes yeux... j'étais branché depuis dix ans sur l'école sauvage de Frisco... Bill Graham était le boss, c'est lui qui a tout fait... Dollar Rock, c'est vrai... mais il y a eu trop de malentendus, de speedfreaks, de confusion, de jalousies, d'exigences dingues... alors il s'est fâché, flip ! parano ! Un mauvais trip, vrai... il est épuisé... mais les musiciens n'avaient rien à foutre de tout ça... Imaginez Ken Kesey et les Merry Pranksters agressés par les pitres... imaginez les Diggers et les mecs du Magic Lotus Opera envahis par les virus maoïstes... imaginez un grand love-in avec les minets armés de barres de fer... débile, non ?... alors ça tourne mal, précisément parce que ces babouins se mêlent de ce qui ne les regarde pas.

Avec les militants on se fait chier. Tout est minable, la bouffe, les filles, les mômes, tout... on doit coller des affiches, s'agiter pour rien... les mômes refusent. Ils ont raison. Ils se mêlent de ce qui les regarde... les images hip savent traquer le virus, s'éliminer, renaître, se transformer, sans devenir des sous-produits... La Ku Klux Kulture, inévitablement, les récupérera, puis inventera des slogans libéraux ou ultra-révolutionnaires... les militants adorent faire la police, j'ai vu leurs services d'ordre à l'oeuvre... eh bien, réellement, ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas... et ils glissent dans l'horreur, la grisaille, la crasseuse connerie...

Vendredi 2 juillet 1971, le Docteur Leary est arrêté à Villars-sur-Ollon, Suisse, par les agents du FBI. Il sera extradé aux USA.
C'est épouvantable... mais il faut... lutter contre les robots... libérer Leary... alors, je continue... laissons les glauques mégoter, s'exclure, distiller leur savoir politique aux tarés qui se définissent par ce qu'ils feront plus tard, quand, eux, auront fait la révolution... posez vos gros culs sur la console de mixage, allumez vos joints, détendez-vous, marrez-vous, ne tuez personne... Miss Vietnam est déjà gentiment défoncée... Nixon flippe ! La Cour Suprême l'encule !... les disc-jockeys crachent dans leurs muselières... les superstars incandescentes, disloquées, sont chassées de la réalité, elles mâchent leurs sexes dans la chambre d'écho-réverbération... et la marchandise révolutionnaire apparaît...
Je n'évoque pas Jimi et Janis pour rien... ni Captain Trip Garcia, ni Ed Sanders, Ken Weaver et Tuli Kupferberg, ni Zappa, ni le Jefferson Starship... les musiciens ne se sont pas contentés de produire de la musique, ils ont réussi là où les poètes avaient échoué.

Assis au sommet d'une montagne de papier gras, de hot dogs livides, de boîtes de coke et de bière vides, je regardais tout cela... « Holding Together ! »... Michael Lang se marrait au-dessus d'un autre tas d'ordures... c'était dans le hall de l'hôtel Chelsea... Ken et Janis vidaient une bouteille de Tequila... c'était la veille de la soirée organisée pour libérer Tim Leary... il y avait du monde... Ginsberg, Johnny Winter, Miles, Emmett Grogan, les avocats de Leary, Barry Farrel, Allan Katzman, Sanders, Alan Watts... Abbie et Anita flippaient sur scène... Jerry était dans les coulisses, écroulé... on traita Ginsberg d'agent de la CIA... la tasse !... il est vrai que la veille, les connards du bâtiment avaient cassé du hippie, puis paradé au cœur de Wall Street, ravis de voir quatre étudiants assassinés par les robots à Kent College... et ce soir-là, tout ce qui se buvait et se mangeait était arrosé d'acide... l'été à New York, la parano, les flics, les agents secrets, l'air-co plus ou moins inexistant... toutes nos cellules ont souffert... j'ai accusé Harry Smith d'avoir planté une côte de porc dans ma poitrine... Allen fit un effort surhumain pour exorciser les démons, et il se transforma en grand transparent, et il réussit... ce soir-là, il délivra l'Air Force Opium Speech... puis les bonnes vibrations nous enveloppèrent... les provocateurs et les militants avaient disparu...

En France, on se branle beaucoup lorsqu'on évoque les free stores, les free clinics, les « C'est pas tout ça les mecs, mais vous avez l'air de clodos... c'est pas comme ça que vous passerez la frontière »...
Yippie n'annonce pas la fin de l'Éon... mais qui, aujourd'hui, envisage d'organiser un festival en France ?

Les campagnes de presse anti-hippie... Charles Manson made in USA... inutile de revenir sur cette histoire tragique... les robots ont encore loupé leur coup... mais de toute façon, je ne crois pas que l'impérialisme de la Nation Hamburger, et ses intrusions multiples et constantes dans tous les domaines, soient le créateur de Charles Manson... pas plus que le LSD, l'amour libre, etc... À tous les niveaux, dans tous les milieux, partout dans le monde, nous fûmes dressés et manipulés en fonction de notre esclavage d'adulte. Et les virus sont légion, peu importe s'ils sont lâchés par l'État, l'Église, la Famille, le Parti. Peu importe la classe moyenne, la classe ouvrière, la bourgeoisie libérée il est facile de rompre le silence et de repousser les images toxiques. Des millions de freaks l'ont fait sur toute la Planète. Mais les militants persistent à se branler, car il est aisé de faire partie du non-paysage, du folklore, du zoom politique...

Drogues !, décadence sociale, voilà le credo fourre-tout de la bourgeoisie et des marxistes. Voilà le point de départ du génocide psychédélique.
On se défonce depuis toujours. Et même si toutes les drogues actuelles étaient éliminées, on trouvera bien le moyen de faire fermenter quelque chose, ou de trouver ce que la nature fit de chaque chose.
Les creeps du Pentagone pensent différemment. Guerre psychochimique. (Dans les prisons on injecte de très fortes doses de thorazine aux détenus, rien ne se passe, ils deviennent des zombis.) Et voilà pourquoi notre contre-culture est en danger. (Et je ne parle pas des arrivistes, des garçons de course internationaux, de romantisme, de l'engagement et de l'évangélisme.) Notre contre-culture est en danger parce qu'à notre insu nous faisons partie des technostructures et de la machine de guerre. La politique est une véritable et incurable toxicomanie.

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jeudi 26 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 3.


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

3
Il faut comprendre ceci, depuis très longtemps, le folklore de la drogue est un cochon à bascule... le folklore des hippies en papier est noyauté par les militants... les dés sont pipés... le folklore des militants est une couverture... la patrie des travailleurs, cette révolution là on chie dessus... seuls les demeurés sont romantiques, nous devons encore couper entre leurs lignes-électrodes... le général Clément organise un festival de pop-music, dur ! Extra dur !... débile !... (faites l'amour et plus la guerre)... hou !... « jeune sous-lieutenant il approchait déjà Eluard et Breton », vous voyez, il n'y a pas de sots métiers... « du hash dans les poches et du vague dans les yeux »... hou !... le consommateur consommé tâte du hash au Quartier... et les SS en jupons libèrent le gazon et chassent le pédé...
Je vais en rouler une autre, il faut accélérer... le ministre entre en coup de vent...
« Vous avez vu ça ! Hein ! Pas de sexe dans la science-fiction !...
« Et puis ça ! Les hallucinations collectives contre ma police !...
« Faites publier ce communiqué »...
J'ouvre le journal du soir... ENCORE UN JEUNE TUÉ PAR LA DROGUE !!! triste... on a un peu pitié... pas un mot sur les prolos éclatés au Postillon ou au Ricard... pas un mot sur les assassinés... rien...
« Dis donc fiston, dit le ministre, comment es-tu devenu homosexuel ?... tu peux tout me dire, j'suis le ministre »...
Une vieille habitude, un flash, et puis ça va ça vient, comme un bon souvenir...
« Quelle défonce chef ! Ça vibre sérieux ! »
Alors l'héro dans tout ça ?
La menace ?... flip !...
Ils ont créé votre manque et votre maladie pour créer leur Monopole... c'est tout... un gouffre... une douleur... le voyage au bout de l'ennui... ils vous donneront des tickets gratuits, vous enfilerez des perles à la poursuite de Krishna, et ils vous intoxiqueront avec des mots... n'oubliez pas votre bagage macrobiotique, l'impérialisme de l'estomac a pensé pour vous comme Madison Avenue... un geste vague dans l'écho vide... les chiens de la CIA et les Vilains de l'Espace hériteront de cette Planète...
Vos répliques ont joué leurs dernières cartes...
Les antennes pleurent sur les lambeaux d'ombre...
Ils viennent de l'intérieur des technostructures, et ils vous obligent à vous naser avec charly, et votre joint fume au-dessus de leur échiquier de Big Business... on en parle, à gauche, à droite... mais je ne vous conseille pas d'en parler publiquement, ils ont le flingue facile... et vicelards !... ce ne sont pas des esthètes pâmés... ouais... une voix qui revient de la vieille école.
Le gros sac de l'overdose éponge le silence... bruits blancs couvant dans les bars de la ville... trafic organisé en fonction du folklore... les tentures de l'industrie couvrent le syndicat du crime --- et dites-moi, qui, parmi les junkies, mis à part la guérison, va tirer son épingle du jeu ?... et cette menace, est-elle si importante ? si réelle ? et pourquoi ne pas distribuer la drogue gratuitement à tous ceux qui en ont besoin ?
Le circuit vous arrose, vous mouille, et vous troue la peau si vous ne vous occupez pas de vos oignons... alors personne ne parle... et personne ne parle parce qu'il n'y a rien à dire... l'ordinateur sait frapper à la base.
Eh bien, les mecs, la fête est finie. N'ai pas l'impression que cette situation pré-fasciste va s'estomper.
Vous n'avez pas beaucoup de choix... fermer vos gueules et bosser... ou rejoindre le Joyeux Kamp de Koncentration Psychédélique, la Biennale de Nuremberg, ou le Club des Débiles... vous serez les boucs émissaires du sac à pop. N'écoutez pas les menteurs, les cons, les frustrés, les cadavres, les entrepreneurs, les ex-machins-choses, les militants, même de très loin...
La vérité bien placée est un jeu que la classe dominante connaît afin de pouvoir frapper les imaginations déjà investies.
« Un bœuf sous la plume, Mister Jones. »
Les ministres raisonnent comme des braqueurs demeurés.
Les trafiquants de l'Ordre font partie de l'Insect Trust.
Qui va jouer sa vie derrière ces murs ?
L'ordinateur grisbi est branché sur le sac à pop, et les débiles glapissent « Power To The People ! Free-! Freedom ! », au lieu de pister ces trafiquants sur la bande image-son, au lieu de laisser tomber la merde, au lieu de ne pas traiter avec les fourgueurs... vous auriez pourtant des « preuves solides »... l'incorruptible héros ne milite pas forcément au Secours Rouge.
Il n'y a plus de gangsters. L'ordinateur ne peut pas être passible de la peine de mort. Mais c'est trop profond pour l'étourdi maire socialiste. Monsieur D. n'en sait pas assez, et comme n'importe quel indic (ou truand) il en perd la chansonnette... l'organigramme de la DROGUE est né dans la couleur locale.
Les junkies sont assis sur des strapontins de chair vive.
Les autres toxicos branchés sur les amphettes et les barbituriques ne sont pas beaux à voir. Et les alcooliques qui font la force de cette nation ?... (Par comparaison, un loulou branché sur l'héro est une rose, écrivait Alex Trocchi dans Ink, ce mois-ci)...
Eh bien, les mecs, c'est clair, le cut/up n'a pas encore mentionné l'herbe qui fait les yeux émerveillés, ni les champignons sacrés, ni le LSD... le cut/up est un sérum de vérité... coupez ! pliez ! coupez les documents top secret ! Et vous aurez toute la vérité... les griffes biologiques des complexes militaro-industriels meurent dans l'aube magnétique... et le bouc émissaire est toujours un junkie, un pédé, un gauchiste, une putain, ou quelque chose comme ça...
Un peu de Mace, d'Omo, d'héro, quelques photos cochonnes, un ballet bleu et du napalm, et je vous construis un monde. L'hygiène de la vision est satisfaite. De jeunes bulles poussées en hâte éclatent sur l'escalier de secours. Mister Big Jones pousse un bouton, roucoule dans l'interphone, aboie un ordre incontestable, puis plonge sa pogne velue dans le sac à pop... tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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mardi 24 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 2.


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

2
J'ai l'impression que les flikiatres, narkomasos et autres, n'ont jamais lu les documents scientifiques, ni des livres comme Marihuana Papers, The Book Of Grass, LSD In Action, High Priest, Hippie Papers, Drugs Of Hallucination, The Non-Medical Use Of Drugs, Rock & Poetry, Outlaw Blues... n'ont jamais lu vu ou entendu ce que les poètes, les écrivains, les musiciens, les peintres et autres magiciens ont fait... et chaque fois le mot drogue ou stupéfiant déclenche les pires réactions... et les consommateurs consommés mélangent tout, hallucination, illumination, satori, shanti, vision, élargissement du champ de conscience... Mescalito et le Homard Masqué s'intoxiquent avec le mot et l'image. C'est tout. Deux godes débiles dans les sables mouvants...


Nola Express a publié intégralement l'interview que Actuel a dû couper... très difficile de se faire entendre dans ces conditions, et de donner la parole à tous les autres... il y a longtemps, la Brigade Gais Ciseaux vous avait prévenus... chaque jour Le Monde, Le Figaro publient quelque chose sur la drogue, j'imagine ce que doivent publier les autres journaux, quotidiens et hebdos... eh bien, les mecs, nous nous reverrons entre les barbelés, au Festival du Mou, avec les pop-stars et les ringards, grotesques sur scène et dans la vie... Maladie d'usure dans le temps et dans l'espace.
Les militants toussent par correspondance... nous allons les situer, historiquement... nous allons les faire sourire, ne serait-ce qu'une minute... nous allons replâtrer leurs engrammes entre le cru et le cuit...
Nous allons vous enfermer dans l'après-gaullisme, avec la euh-classe ouvrière... évidemment l'unité populaire sera considérablement modifiée... les brigades anti-émeutes sont réalistes, le président de la euh-république est réaliste, les PDG sont réalistes... Donald Duck, Flash Gordon et Rip Kirby furent séduits par l'esthétique du mouvement... des ex-surréalistes en chaleur, des hippies français qui magouillent... réussite professionnelle vachement compromise... eh bien, les mecs, vous devriez envoyer des cartes postales à vos vieilles mamans, et vous mêler de ce qui vous regarde...
« La Pop au peuple ! » (sic) quelle déprime !... les zones de libre échange ont un aspect politique réel et irritant... tout ce que vous inventez, même votre langage, va être reconverti par les vieilles radasses... ces amateurs d'underground, en tous genres (dur !)... venez prendre votre pied au Walt Whitman Shopping Center... venez flipper avec vos maîtres à penser... ces estomacs hideux savent lire entre vos lignes.

Drogue... la fumée rouge et ambitieuse de ce monopole vous asphyxie...
Le chant joyeux de vos âmes dans le sac à pop...
Le vieux xylophone rouillé d'Hollywood-stock Market...
Drogue, politique, intox à tous les niveaux... qu'est-ce que ce nouveau virus vous apprend ?
Pas grand chose. Rien, pratiquement...(ce fut le cas de Charles Manson et de sa famille, une campagne anti-hippie qui n'a pas réussi)...
Roses géantes au-dessus de Londres... un avion dessine dans le ciel ces mots : « Où est Timothy Leary ? »... est-ce que Tim et Rosemary sont en sécurité, vivants ?... fumée ridée entre deux âges mourant sur les affiches annonçant un festival qui n'a pas marché...

Nous sommes chez le ministre...
« Eh bien, monsieur le ministre, j'ai, comme qui dirait, l'impression que votre idée gauchisme et drogue était légèrement saugrenue... vous nous avez mis des bâtons dans les roues, très Spirou flippé... »
« Silence ! Taisez-vous, c'est dans la poche !, réplique le ministre... »
On dit beaucoup de choses à propos de Mick Jagger et de Bob Dylan, ils ont été recyclés dans cette lumière stroboscopique...
«Eh bien, camarades, le mot de passe est : Allons Aux Fraises !...»

Des manifestants surgissent, vingt ans après...
« Ducon ! Salaud ! le peuple aura ta peau !
« Faut mettre au pas toutes ces défoncette-boys ! Et vite fait !, dit le ministre...
« Dur chef ! Extra dur !...
« Taisez-vous ! J'ai des angoisses, je flippe à mort !...
« Planant chef ! Vous êtes planant ! Des vibrations pas possible !...
« Meuh, dit le ministre, j'vais leur en faire fumer du LSD moi à ces sales p'tits pédés !...
« Sûr chef, sûr, vous êtes branché... et puis c'est pas français c'machin-là, chef...
« Oh oui, vous êtes branché...
« Meuh... oui chef... meuh...
« Taisez-vous ! Faites-moi publier ce communiqué et fabriquez-moi une émeute, eh bien, allez ! »...

Nous sommes partis... le dialogue, n'est-ce pas ? Impossible...
Plus tard, assis devant le stand de la défonce macrobiotique, nous discutions du froid noir, de la maladie... comment empêcher les mecs de se fixer avec cette merde ?...
Stocks de cris étouffés dans les ghettos du monde et les banlieues...
Joe Banana jouait Junky Donkey Blues.
Toute la ferraille chaude fit l'inventaire des jeunes veines...
Les speedfreaks n'en sortiront pas, pas plus que les alcooliques... un grand risque à danser avec Rose Dilaudide... transistors chinois coupés dans la chair vive...
Le calme sourire anglais apomorphine est aujourd'hui utilisé avec d'excellents résultats en Allemagne de l'Ouest...
Ce soir, Miss Vietnam à Needle Park, demain au Rond-Point de la Défonce... Malheureusement, pour les vertueux, je ne connais pas d'esclaves de l'herbe ou du LSD... je fumais déjà du cannabis dans le ventre de ma mère... bref... c'est trop bête, et Baudelaire, l'autre idiot de la famille... enfin, c'est une autre histoire...
Difficile de se battre contre eux... de plus en plus... nous avons commis une erreur, d'abord nous avons piqué des paranos téléguidés, les uns et les autres se nasaient avec des mensonges, et puis nous avons subi leurs violences au lieu de foutre le camp... nous avons été touchés par l'immense parano des législateurs alcooliques et frustrés...
Ces salopes se réjouissent de pouvoir affirmer qu'aux USA, trois cent mille pauvres junkies souffrent dans leurs corps rongés par le poison. Mais jamais ils ne parlent des trente millions de citoyens respectables qui fument de l'herbe, et qui s'insurgent contre la loi stupide et la prohibition. Allen Ginsberg a démonté les mécanismes de ces lois en mettant au grand jour leur cruauté... le Docteur Leary a dû interrompre ses recherches et ses expériences... John Sinclair est en prison pour dix ans... William Burroughs a brillamment démontré que la came était la marchandise par excellence... Business, CIA, Air Force Opium, FBI, gouvernements de la Terre... que dire de plus ?
Les PDG ont raison de se marrer... (indiscutablement ce sont les pires ordures du monde, nous avons assez souffert pour le savoir)... eh bien, mecs, si vous êtes branchés, priez pour eux, ils en ont vachement besoin !... Kali Yuga va leur retailler les miches...

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posted by Lucien Suel at 08:00 0 comments