jeudi 26 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 3.


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

3
Il faut comprendre ceci, depuis très longtemps, le folklore de la drogue est un cochon à bascule... le folklore des hippies en papier est noyauté par les militants... les dés sont pipés... le folklore des militants est une couverture... la patrie des travailleurs, cette révolution là on chie dessus... seuls les demeurés sont romantiques, nous devons encore couper entre leurs lignes-électrodes... le général Clément organise un festival de pop-music, dur ! Extra dur !... débile !... (faites l'amour et plus la guerre)... hou !... « jeune sous-lieutenant il approchait déjà Eluard et Breton », vous voyez, il n'y a pas de sots métiers... « du hash dans les poches et du vague dans les yeux »... hou !... le consommateur consommé tâte du hash au Quartier... et les SS en jupons libèrent le gazon et chassent le pédé...
Je vais en rouler une autre, il faut accélérer... le ministre entre en coup de vent...
« Vous avez vu ça ! Hein ! Pas de sexe dans la science-fiction !...
« Et puis ça ! Les hallucinations collectives contre ma police !...
« Faites publier ce communiqué »...
J'ouvre le journal du soir... ENCORE UN JEUNE TUÉ PAR LA DROGUE !!! triste... on a un peu pitié... pas un mot sur les prolos éclatés au Postillon ou au Ricard... pas un mot sur les assassinés... rien...
« Dis donc fiston, dit le ministre, comment es-tu devenu homosexuel ?... tu peux tout me dire, j'suis le ministre »...
Une vieille habitude, un flash, et puis ça va ça vient, comme un bon souvenir...
« Quelle défonce chef ! Ça vibre sérieux ! »
Alors l'héro dans tout ça ?
La menace ?... flip !...
Ils ont créé votre manque et votre maladie pour créer leur Monopole... c'est tout... un gouffre... une douleur... le voyage au bout de l'ennui... ils vous donneront des tickets gratuits, vous enfilerez des perles à la poursuite de Krishna, et ils vous intoxiqueront avec des mots... n'oubliez pas votre bagage macrobiotique, l'impérialisme de l'estomac a pensé pour vous comme Madison Avenue... un geste vague dans l'écho vide... les chiens de la CIA et les Vilains de l'Espace hériteront de cette Planète...
Vos répliques ont joué leurs dernières cartes...
Les antennes pleurent sur les lambeaux d'ombre...
Ils viennent de l'intérieur des technostructures, et ils vous obligent à vous naser avec charly, et votre joint fume au-dessus de leur échiquier de Big Business... on en parle, à gauche, à droite... mais je ne vous conseille pas d'en parler publiquement, ils ont le flingue facile... et vicelards !... ce ne sont pas des esthètes pâmés... ouais... une voix qui revient de la vieille école.
Le gros sac de l'overdose éponge le silence... bruits blancs couvant dans les bars de la ville... trafic organisé en fonction du folklore... les tentures de l'industrie couvrent le syndicat du crime --- et dites-moi, qui, parmi les junkies, mis à part la guérison, va tirer son épingle du jeu ?... et cette menace, est-elle si importante ? si réelle ? et pourquoi ne pas distribuer la drogue gratuitement à tous ceux qui en ont besoin ?
Le circuit vous arrose, vous mouille, et vous troue la peau si vous ne vous occupez pas de vos oignons... alors personne ne parle... et personne ne parle parce qu'il n'y a rien à dire... l'ordinateur sait frapper à la base.
Eh bien, les mecs, la fête est finie. N'ai pas l'impression que cette situation pré-fasciste va s'estomper.
Vous n'avez pas beaucoup de choix... fermer vos gueules et bosser... ou rejoindre le Joyeux Kamp de Koncentration Psychédélique, la Biennale de Nuremberg, ou le Club des Débiles... vous serez les boucs émissaires du sac à pop. N'écoutez pas les menteurs, les cons, les frustrés, les cadavres, les entrepreneurs, les ex-machins-choses, les militants, même de très loin...
La vérité bien placée est un jeu que la classe dominante connaît afin de pouvoir frapper les imaginations déjà investies.
« Un bœuf sous la plume, Mister Jones. »
Les ministres raisonnent comme des braqueurs demeurés.
Les trafiquants de l'Ordre font partie de l'Insect Trust.
Qui va jouer sa vie derrière ces murs ?
L'ordinateur grisbi est branché sur le sac à pop, et les débiles glapissent « Power To The People ! Free-! Freedom ! », au lieu de pister ces trafiquants sur la bande image-son, au lieu de laisser tomber la merde, au lieu de ne pas traiter avec les fourgueurs... vous auriez pourtant des « preuves solides »... l'incorruptible héros ne milite pas forcément au Secours Rouge.
Il n'y a plus de gangsters. L'ordinateur ne peut pas être passible de la peine de mort. Mais c'est trop profond pour l'étourdi maire socialiste. Monsieur D. n'en sait pas assez, et comme n'importe quel indic (ou truand) il en perd la chansonnette... l'organigramme de la DROGUE est né dans la couleur locale.
Les junkies sont assis sur des strapontins de chair vive.
Les autres toxicos branchés sur les amphettes et les barbituriques ne sont pas beaux à voir. Et les alcooliques qui font la force de cette nation ?... (Par comparaison, un loulou branché sur l'héro est une rose, écrivait Alex Trocchi dans Ink, ce mois-ci)...
Eh bien, les mecs, c'est clair, le cut/up n'a pas encore mentionné l'herbe qui fait les yeux émerveillés, ni les champignons sacrés, ni le LSD... le cut/up est un sérum de vérité... coupez ! pliez ! coupez les documents top secret ! Et vous aurez toute la vérité... les griffes biologiques des complexes militaro-industriels meurent dans l'aube magnétique... et le bouc émissaire est toujours un junkie, un pédé, un gauchiste, une putain, ou quelque chose comme ça...
Un peu de Mace, d'Omo, d'héro, quelques photos cochonnes, un ballet bleu et du napalm, et je vous construis un monde. L'hygiène de la vision est satisfaite. De jeunes bulles poussées en hâte éclatent sur l'escalier de secours. Mister Big Jones pousse un bouton, roucoule dans l'interphone, aboie un ordre incontestable, puis plonge sa pogne velue dans le sac à pop... tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

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posted by Lucien Suel at 10:50