samedi 21 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - I. 6.


I
« PASSE-MOI LE SEL MARCEL, FUCK OFF ADOLF ! »
par
Claude Pélieu (1970-73)

6
LA RÉALITÉ DU MONDE INTÉRESSE LES PRODUCTEURS DE SONS DE MOTS D'IMAGES ALORS QUE TOUT EST IMAGINÉ ALORS CONJURONS L'ESPRIT DE CATASTROPHE--- DEATH FREEZER


Au jour le jour nous découvrons ce qui nous révolutionne. Une autre fenêtre s'ouvre sur le monde réel.
Toutes les étoiles sont roses ce soir. Personne ne craint leurs tatouages. Personne ne peut expliquer un bruit.
Nixon est un Yippie. Je le vois. Une belle matinée dansante. Obéissant à un geste de Ginsberg la Nasa-Mafia Motherfucker tremble sous la pluie. Des soleils blancs au coin du feu --- les enfants affichent leurs soleils qui ont faim et qui saignent sur les pages blanches des poètes --- mondes et anti-mondes intimement liés par la peur.

DEATH FREEZER.
Nous sommes au cœur de la jungle industrielle, avec le son de Frisco en cassettes. Les robots sont là. Les dieux morts rayent le microsillon de la vie. Les forces du mal mangent tout ce qui respire.

Collier d'yeux-myosotis au-dessus de Half Moon Bay --- une source de sperme bleu jaillit --- symphonie blonde et rousse au-dessus de Bixby Canyon, et le BUS de Kesey encore attelé aux étoiles filantes, et Neal Cassady dans le ciel orangé (j'entends encore son rire chez Ted Wilentz et au Peace Eye Bookstore)... les morts s'entassent dans un drive-in et se rassemblent sur la ligne d'horizon... flûtes, gongs et tambourins... les images saignent une dernière fois ; comme le visage de William rougissant sur le mur de l'Hôtel Chelsea... le téléphone sonne, le sang ruisselle sur le mur, c'est la voix de Larry Ferlinghetti... « Kerouac est mort »... Tiens, Jean-Jacques était là il y a quelques semaines, il a laissé une tonne de journaux... et ce soir-là Jimi Hendrix est arrivé dans son habit de lumière, et plus tard, sur la Troisième Avenue, Janis me pinça le bras très fort, et Ken Weaver vida une bouteille de Téquila, et la gaine de la nuit se détacha du ciel.
Une anémone brûle dans la cheminée. Le jade brûle dans les yeux des chats. Les fantômes font les cent pas. Rafales de vent tiède gémissent. Chênes, hêtres, trembles et peupliers gémissent. C'est le printemps. Au-dessus de l'aéroport, veillant sur les tours de contrôle, une lune rose se balance, comme un vieux nichon.

La vraie vie n'est pas idéologique.
Nous sommes informés par des structures moribondes, la situation globale du village planétaire arrache les masques du réalisme. Los Angeles n'est plus une ville, c'est un poème POP électronique.
La télé est plus importante que le fusil, le message sexy de la nouvelle technologie n'est pas dans le déjà-vu de l'environnement neutre. Alors l'hallucination Mao, l'hallucination USA/URSS ? Tous s'installent dans un vide que les pires réactionnaires renoncent à occuper.

Nous sommes dans le troisième âge de l'audiovisuel.
Les étoiles sont si grandes et la terre est si petite, plus une vitre ne nous sépare de l'Univers --- les démons doivent partir --- Tim Leary et la Conscience Civilisée n'ignorent pas que le médium est le message. Le message sexy illuminant le night club de l'Univers et le drugstore du Ciel.
Tim Leary est de nouveau en prison, entre les mains des robots, faisant face à de nouveaux juges. On a du mal à y croire, cette guerre de race et de religion a quelque chose de saugrenu. Le génocide psychédélique est une réalité. Comment chasser les démons ? Comment éliminer les mauvais dibbouks ? Comment conjurer l'esprit de catastrophe ? Comment effacer la sinistre machine de contrôle ? Comment désenvoûter les drogues ? Comment ? --- nous sommes dans un creux, dans un gouffre où la criminalité et l'hystérie ont remplacé la vision --- nous dérivons autour d'une chanson, revivant à 20 000 km/h l'explosion des années 60.

Que faire ? Fuck Nam, Calley, Manson, CIA, Festival de Mort, Police du Cerveau, Industrie de Mort, répression, prohibition, ennui, désespoir, maladie, Technopolis, Fat City, Ass-Fuck-Nasa-Mafia, etc, que faire ? --- il est trop tard, il est trop tôt --- la contre-culture est le fruit de cette CONSCIENCE, de cette jeunesse qui révolutionne tout, et qui balaie les révolutionnaires professionnels, gérants et voyageurs de commerce manipulés par les robots aux cheveux courts.

Génocide psychédélique, génocide américain, génocide chinois, génocide soviétique, génocide industriel et militaire, persécutions religieuses revivant avec les avatars de la chasse aux sorcières et de la guerre froide --- la Police du Cerveau règne, et chaque jour l'être cru perd du terrain, robots et virus patrouillent dans le ciel avec le Dieu de la Mort.

Rock Mantra pour une autre fois --- Libérez les pauvres souffrants. Légalisez la marijuana et les drogues onirogènes. Sabotez la machine de contrôle. Ne tuez personne. Débranchez les ordinateurs. «-Paradise Now ! ». Hallucinex en 5 dimensions. Libérez la Terre, la Planète-Océan, revenez, corps et âmes, lâchez vos armes et vos cocktails Pavlov, effacez les rues sans joie, quittez les cités cancéreuses, voyagez sans passeport, ou mieux demandez celui de Citoyen du Monde, ne soyez pas séduits par les hallucinations des super-états et des gouvernements de la terre, désarmez les robots et les majorités silencieuses schizophrènes et téléguidées --- ceci est possible, non-violence & musique --- ceci rendra possible ce que tous les êtres vivants désirent. Je ne vois pas d'autres solutions.

Claude Pélieu
New York/London, 70-73
EARTH

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posted by Lucien Suel at 07:56