Claude Pélieu au Silo - I. 4.
I
«
PASSE-MOI LE SEL MARCEL, FUCK OFF ADOLF ! »
par
Claude
Pélieu (1970-73)
4
NIETZSCHE
EST MORT !
(signé
DIEU)
Jack
Kerouac est mort. Dieu éprouve un profond chagrin.
(L'Univers
et ses robots auront peut-être le dernier mot, on discutera la
liberté avec d'énormes ectoplasmes préraphaélites, embusqués
dans les fleurs carnivores), on ne discutera pas la liberté, même
si des spécimens malades désirent prendre le pouvoir.
Bleu
et vert, le printemps éclate.
La
prose sauvage de Kerouac était le vent de la vie. Jazz gratuit et
disque-cocaïne dans les rues sans lèvres. Kerouac fuma une dernière
cigarette, assis sur un nuage, bougeant avec les morsures de l'oubli.
Un murmure mauve a répondu, Allen, Gregory, John C. Holmes &
Peter ont pleuré, et les fleurs muettes t'ont bombardé de cris
frais.
Le
poids d'une absence, la mort sans phrase de Neal Cassady, un écho
rouge mord les palmes du hasard --- une odeur de sable cerne l'espace
vide de Lowell --- cris d'eau et bruits blancs des saxophones rouges
de calcium, archives bleues et sourires charbon de bois « naufragés
dans ton oreille », comme le rire de Neal s'éteignant sur le
ballast au Mexique.
Archives
vides qui furent tes carnets secrets, sur lesquels tu notais tous tes
rêves. Sexplosion d'un Mexique blanc dans la poussière avec tes
héros secrets. « L'Océan Qui Inonde » Hungry Jack Incogniteau de
Kerouac, surgissant de la vision américaine, titubant une dernière
fois au-dessus de St. Peterburg.
Jack
Kerouac est mort. L'horrible alcool a eu raison de lui.
(C'était
un homme seul, un homme très seul, a dit sa femme, Stella. Quelqu'un
a pleuré sur le Cosmodrome de Floride, the
sunshine state),
et les télex crachent la mauvaise nouvelle sur un carré de ciel
bleu. Les transistors de l'innocence hurlent à travers un réseau de
tubes, de câbles et d'images, et derrière la démocratie
électronique le cimetière de l'espèce humaine.
L'explosion
tragique de l'image-mot.
La
vignette du temps fluide tatoue la surface de la terre.
Kerouac
ne se promènera plus sur les rochers de Wild Cat Creek et de Bixby
Canyon, « Hé son âme qu'on damne ».
Youthquake,
Day-Glo
Acid Rock,
voyageurs intrépides dansant sur les plages californiennes et entre
les rails de la Southern Pacific. (Nous apparaissons et nous
disparaissons dans un air de catastrophe, les myopes et les branleurs
de virgules n'y peuvent rien, partout nous rencontrons l'échec, et
pour en être sûr il suffit d'avoir connu une seconde d'extase après
s'être transformé en feu. Quelques longs poèmes en témoignent, et
les Chorus ! ... les minus balbutient dans le mur du sommeil...
Témoignage-? LES BRUITS DE L'OCÉAN PACIFIQUE À BIG SUR, « urnes
lorgnées dans l’œil de poisson --- pour trouver l'autre face du
disque »)
Debout,
contre les portes de la nuit, laissant entrer l'amour glorieux, le
Christ Beat vacille, Ti-Jean,
Lonesome Traveller,
des yeux magiques, Visions
of Neal
et les « pâles miroitements de l'écume » quand tu pleurais ton
chat.
Il
y a trois semaines, ici même, nous parlions de toi avec William, et
dans le brouillard de Cherry Valley avec Allen... et tu as entrepris
ce voyage d'encre, comme Bomkauf & Chris McLaine disparaissant
dans ce vieux western, en tirant les ficelles de ta poésie/journal,
bopology & arc-en-ciel... une feuille d'adieu emmène la dent
colorée de Ken Kesey au-dessus des grandes plaines.
«
Gimme Liberty or Meth ! » Les nations paranoïaques bégaient. Dieu
délaie la nuit. Bulles froides fauchant le temps, bulles froides
creusant la vie, il neige, il fait choc, New York est froid et
triste, et le vent s'attelle aux étoiles filantes, les fleurs
s'accrochent aux branches, et aujourd'hui silence-pivoine au-dessus
de Londres. Syncope spermatique sur la piste de la mémoire ---
silence éjaculé par la morsure-stéréo, et les leçons de la vie
sous d'épais bandages --- le jour tombe, chronique des sourires.
L'horreur
ça existe et ça bouge entre les jointures malades de l'Univers.
Bruits
abominables, minus organisant des actions
violentes
conçues dans la toux du passé, le gras d'un goitre étouffe toute
une génération --- week-end studieux coupé dans la nuit blanche,
gigue méningée des microsillons du passé --- la tension monte
toujours à El Paso, les machines à sous de Vegas vomissent... un
jet d'ambre au-dessus de Miami Beach... Atlantic Grove, le Golfe du
Mexique, et ici, Summerhealth Road, dans le cul anthropophage.
L'innocence
sait déchiffrer les cris du vent. Nous bougerons sur toutes les
ondes. Les anges aiment les fantaisies de Dieu. Xerox & IBM nous
offrent une nouvelle civilisation. Une enseigne verte absorbe
Piccadilly Circus, néon, fusillade de lumière, épisode inventant
de plus en plus vite une sténo.
Libellés : Kerouac, Livre de Claude Pélieu, Pélieu
2 Comments:
(en tout cas, c'est vachement bien) (tu crois peut-être qu'on ne suit pas parce qu'on ne dit rien, mais non, on suit - on ne dit pas grand chose, c'est vrai sinon la prochaine parenthèse) (merci pour tout ça) (signé l'anonyme aux parenthèses)
Merci cher (Anonyme) !
Enregistrer un commentaire
<< Home