Claude Pélieu au Silo - III. 4
III
DEBOUT
! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude
Pélieu (1971)
4
Short
Holiday Haircut...
vous savez, on ne peut pas écrire uniquement avec des mots, et puis
je préférerai vous donner des poèmes... mais il faut prendre le
son là où il se trouve... vite !...
Flash
électronique modulé sur l'écran translucide...
«
C'mon everybody ! C'mon ! C'mon now ! »...
J'ai
vu ça quelquefois en écrivant pour nos journaux... une fois, au
Coke Hinterland, l'Avallon Ballroom clignotait encore dans mes
yeux... j'étais branché depuis dix ans sur l'école sauvage de
Frisco... Bill Graham était le boss,
c'est lui qui a tout fait... Dollar
Rock,
c'est vrai... mais il y a eu trop de malentendus, de speedfreaks,
de confusion, de jalousies, d'exigences dingues... alors il s'est
fâché, flip ! parano ! Un mauvais trip,
vrai... il est épuisé... mais les musiciens n'avaient rien à
foutre de tout ça... Imaginez Ken Kesey et les Merry
Pranksters
agressés par les pitres... imaginez les Diggers
et les mecs du Magic
Lotus Opera
envahis par les virus maoïstes... imaginez un grand love-in
avec les minets armés de barres de fer... débile, non ?... alors ça
tourne mal, précisément parce que ces babouins se mêlent de ce qui
ne les regarde pas.
Avec
les militants on se fait chier. Tout est minable, la bouffe, les
filles, les mômes, tout... on doit coller des affiches, s'agiter
pour rien... les mômes refusent. Ils ont raison. Ils se mêlent de
ce qui les regarde... les images hip
savent traquer le virus, s'éliminer, renaître, se transformer, sans
devenir des sous-produits... La Ku Klux Kulture, inévitablement, les récupérera, puis inventera des slogans libéraux ou
ultra-révolutionnaires...
les militants adorent faire la police,
j'ai vu leurs services d'ordre à l'oeuvre... eh bien, réellement,
ils se mêlent de ce qui ne les regarde pas... et ils glissent dans
l'horreur, la grisaille, la crasseuse connerie...
Vendredi
2 juillet 1971, le Docteur Leary est arrêté à Villars-sur-Ollon,
Suisse, par les agents du FBI. Il sera extradé aux USA.
C'est
épouvantable... mais il faut... lutter contre les robots... libérer
Leary... alors, je continue... laissons les glauques mégoter,
s'exclure, distiller leur savoir politique aux tarés qui se
définissent par ce qu'ils feront plus tard, quand, eux,
auront fait
la révolution... posez vos gros culs sur la console de mixage,
allumez vos joints,
détendez-vous, marrez-vous, ne tuez personne... Miss Vietnam est
déjà gentiment défoncée... Nixon flippe ! La Cour Suprême
l'encule !... les disc-jockeys crachent dans leurs muselières... les
superstars incandescentes, disloquées, sont chassées de la réalité,
elles mâchent leurs sexes dans la chambre d'écho-réverbération...
et la marchandise
révolutionnaire apparaît...
Je
n'évoque pas Jimi et Janis pour rien... ni Captain Trip
Garcia, ni Ed Sanders, Ken Weaver et Tuli Kupferberg, ni Zappa, ni le
Jefferson Starship... les musiciens ne se sont pas contentés de
produire de la musique, ils ont réussi là où les poètes avaient
échoué.
Assis
au sommet d'une montagne de papier gras, de hot dogs livides, de
boîtes de coke
et de bière vides, je regardais tout cela... « Holding Together !
»... Michael Lang se marrait au-dessus d'un autre tas d'ordures...
c'était dans le hall de l'hôtel Chelsea... Ken et Janis vidaient
une bouteille de Tequila... c'était la veille de la soirée
organisée pour libérer Tim Leary... il y avait du monde...
Ginsberg, Johnny Winter, Miles, Emmett Grogan, les avocats de Leary,
Barry Farrel, Allan Katzman, Sanders, Alan Watts... Abbie et Anita
flippaient sur scène... Jerry était dans les coulisses, écroulé...
on traita Ginsberg d'agent de la CIA... la tasse !... il est vrai que
la veille, les connards du bâtiment avaient cassé du hippie, puis
paradé au cœur de Wall Street, ravis de voir quatre étudiants
assassinés par les robots à Kent College... et ce soir-là, tout ce
qui se buvait et se mangeait était arrosé d'acide... l'été à New
York, la parano, les flics, les agents secrets, l'air-co plus ou
moins inexistant... toutes nos cellules ont souffert... j'ai accusé
Harry Smith d'avoir planté une côte de porc dans ma poitrine...
Allen fit un effort surhumain pour exorciser les démons, et il se
transforma en grand transparent, et il réussit... ce soir-là, il
délivra l'Air
Force Opium Speech...
puis les bonnes vibrations nous enveloppèrent... les provocateurs et
les militants avaient disparu...
En
France, on se branle beaucoup lorsqu'on évoque les free
stores,
les free
clinics,
les « C'est pas tout ça les mecs, mais vous avez l'air de clodos...
c'est pas comme ça que vous passerez la frontière »...
Yippie
n'annonce pas la fin de l'Éon... mais qui, aujourd'hui, envisage
d'organiser un festival en France ?
Les
campagnes de presse anti-hippie... Charles Manson made
in USA...
inutile de revenir sur cette histoire tragique... les robots ont
encore loupé leur coup... mais de toute façon, je ne crois pas que
l'impérialisme de la Nation Hamburger, et ses intrusions multiples
et constantes dans tous les domaines, soient le créateur de Charles
Manson... pas plus que le LSD, l'amour libre, etc... À tous les
niveaux, dans tous les milieux, partout dans le monde, nous fûmes
dressés et manipulés en fonction de notre esclavage d'adulte. Et
les virus sont légion, peu importe s'ils sont lâchés par l'État,
l'Église, la Famille, le Parti. Peu importe la classe moyenne, la
classe ouvrière, la bourgeoisie libérée
il est facile de rompre le silence et de repousser les images
toxiques. Des millions de freaks
l'ont fait sur toute la Planète. Mais les militants persistent à se
branler, car il est aisé de faire partie du non-paysage, du
folklore, du zoom politique...
Drogues
!, décadence sociale, voilà le credo fourre-tout de la bourgeoisie
et des marxistes. Voilà le point de départ du génocide
psychédélique.
On
se défonce depuis toujours. Et même si toutes les drogues actuelles
étaient éliminées, on trouvera bien le moyen de faire fermenter
quelque chose, ou de trouver ce que la nature fit de chaque chose.
Les
creeps
du Pentagone pensent différemment. Guerre psychochimique. (Dans les
prisons on injecte de très fortes doses de thorazine aux détenus,
rien ne se passe, ils deviennent des zombis.) Et voilà pourquoi
notre contre-culture est en danger. (Et je ne parle pas des
arrivistes, des garçons de course internationaux, de romantisme, de
l'engagement et de l'évangélisme.) Notre contre-culture est en
danger parce qu'à notre insu nous faisons partie des
technostructures et de la machine de guerre. La politique
est une véritable et incurable toxicomanie.
Libellés : Livre de Claude Pélieu, Pélieu
4 Comments:
Un plaisir de lire « la génération grise et invisible »; merci.
Merci pour la visite et le commentaire.
- La olitique est une éritable et écurable oxicomanie ?
arfaitement !
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