Claude Pélieu au Silo - III. 6.
III
DEBOUT
! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude
Pélieu (1971)
6
Le
brain-trust
gouvernemental flippe...
Le
brain-trust
gouvernemental ne comprend pas qu'aux yeux de la majorité
silencieuse, la loi et l'ordre n'ont plus de raison d'être. Cette
majorité conne et bâfreuse se rend quand même compte que les
libertés fondamentales sont éliminées, et malgré les tours de
passe-passe du gouvernement, cette majorité ne comprend pas
l'arbitraire. Ce n'est pas son
arbitraire. Car, il y a bien, en France, une MAJORITÉ et un
GOUVERNEMENT. Ce n'est pas une majorité de hippies, de drogués, de
pédés, de chiens enragés et de détrousseurs libertaires --- c'est
une majorité de veaux, de moutons, de brutes, de débiles,
d'alcooliques, de boutiquiers, de minets, de SS en jupons,
d'hétéroflics, de militants et de vautours... mais il y a les
groupes marginaux, et surtout les individus... les pionniers ont
bonne mine ! Les hippies en papier aussi --- le pain béni de qui
dans les égouts de Megapolis ? --- les portes sont ouvertes ou
fermées, la violence est téléguidée et financée, subie et
imposée. Les techniques anti-insurrectionnelles sont infaillibles.
Le reste ? Magouille, agitation de circonstance. Ceci fait l'affaire
de la classe dominante et des robots... tu vois la coupure...
guérilla urbaine, ouvriers-et-paysans-unis-dans-un-même-combat...
prêchi-prêcha... mucus de mulet... et surtout CONTRÔLE... dans
l'enfer des interdits, des hystéries et des illusions, nous allons
décrire les limites étroites de notre monde.
Il
y a chez les pionniers un p'tit côté « maréchal nous voilà »
vachement débile et irritant. Le retour
à la terre,
l'artisanat,
la vie
claire,
etc... peu planant !... et les mauvaises vibrations, quelle déprime
!... quant à la révolution sexuelle, eh bien, ça-va-ça-vient, hi
han !... quant au reste ? Beuark !... Le Président de la République
ne vous a pas menti, il vous a dit d'un ton bonhomme (ce n'était pas
le trip gaullien) qu'il ne fallait pas mettre du hash dans les
épinards, et que pour la pornographie, eh bien... Il ne rigolait pas
M. Pompidou, malgré le fondu « veillée des chaumières »... il a
su se servir de la TV (je n'ai vu que des extraits, BBC 1 & 2),
avec l'électronique vous possédez bien votre monde.
Par
contre, une action Yippie, comme la publication d'un rapport secret,
dans le New York Times, et repris par CBS, NBC, ABC, ITN, annule la
merdouille que les militants entretenaient depuis deux ou trois ans,
plus ou moins bien. Même la Cour Suprême a désavoué Nixon et son
brain-trust.
L'argent
pop est une chose, et beaucoup de musiciens sont restés honnêtes et
branchés. Ils se marrent avec le fric. Ils font vivre et aident des
tas de gens... le Système veut privilégier l'Art --- Madison Avenue
pense pour vous --- Madison Avenue a déjà dessiné les vêtements
que nous porterons en 1975 et choisi la musique que nous écouterons.
Cette nouvelle décennie nous allons la consommer par le gros bout de
la lorgnette.
Des
fraises et du sang dans l'ordinateur...
L'herbe
s'évanouit...
Le
drugstore du ciel est fermé...
Toutes
les drogues sont maudites...
Les
vieux junkies
ne décoloniseront pas l'Empire de la Merde.
Aucune
étude sérieuse n'a été faite sur le LSD. Et des écrivants
nous accusent parce que nous écrivons. Nous écrivons parce que
précisément nous sommes des écrivains, ou quelque chose comme
ça... ils ont signé les mêmes contrats que nous, chez les mêmes
éditeurs... une douche-cirrhose inonde la nation... distributeurs
automatiques et self-services sont bien dressés... le boss,
conforme aux images des vieux westerns et des affiches
d'avant-guerre, s'éteint sur un lit de cendres.
Il
y a cette campagne anti-jeune. Hargne débile contre tout ce qui est
différent : jeunes, hippies, beatniks, négros, pédés, trippeurs,
planeurs, étrangers, que sais-je encore...
Stéréotypes
et préjugés, tout ça c'est dans la tête... la chasse aux jeunes
est ouverte... le ministre est sur un trip pas possible. L'ange de la
mort remplace la justice par la haine, le singe creux et le crabe
sont chargés de l'intox...
La
vie s'étiole dès que l'imaginaire est exclu.
De
nos jours il faut aller vite (Fachos et gauchos sont d'accord sur ce
point). Mais qu'est-ce qu'un facho ? Un Gaucho ?... c'est quelqu'un
qui ne plane pas... nous planons --- dans le bleu le rose le
noir-orange le vert --- et toutes les étoiles pirouettent,
flamboient, et les néons dansent dans nos yeux... il y a une base
humaine Hip sur chaque continent... la romance politique des uns et
des autres contamine les mondes-consciences. Rien n'est gratuit. Rien
ne sera gratuit avant longtemps. Une cure inimaginable... les vieux
bulletins d'information agonisent dans les jungles de la nouvelle
décennie.
Les
dessous de la consommation --- distribution gratuite de brouillard et
de largactyl, une retombée dépressive dans la Fenêtre Rose --- Les
mecs qui font la route ne couleront pas le Système.
«
L'État a aussi, naturellement, son rôle, a dit le Président de la
République. Il doit préserver la jeunesse des agressions
extérieures de la drogue, de la pornographie. » --- vous voyez,
d'étranges petites phrases tout au long de la trame de cet entretien
télévisé... l'hommage aux brutes... une obscène politique au
service du profit, abstraite, théorique, socialiste... l'évidence
même... Mais qu'est-ce que vous croyez images, ici, de ce qui se
passe là-bas ?
Réponse
: « Chacun dans son ghetto ! »...
Le
Système n'est pas prêt à couler... le coup du poisson dans l'eau,
vous comprenez ?
Les
robots répètent encore une fois, avant le lever du rideau.
Les
robots et les machines sont prêts à frapper.
Des
mecs qui s'y connaissent en révolution vont occuper le pavillon en
meulière de M. et Mme Glauque, libérer la pelouse, la fête quoi !
Et puis ils feront du vélo pour combattre la pollution, et ils
casseront la tête d'un débile à coups de barre de fer, et les
flics arriveront --- et ils brancheront leurs guitares à neuf cordes
sur des bouteilles de gaz butane, les cuisines roulantes
distribueront le riz, le viandox et la soupe à la grimace, et vous
serez parqués, encadrés, contrôlés. Quel pied !...
«
Les hippies sont des débiles ! »
«
Les marxistes sont des cons ! »
Tu
as besoin d'une idéologie toute neuve entre ça et ça,
on va te retailler la vision, vin rouge, camembert, maxiton fort et
poil à gratter. Le ministre approuve ce festival. Un pinball-machine
approbateur clignote dans la nuit noire. Des images dures et molles
orientées vers le Mythe. L'Agence Marie Jane a fermé ses portes, et
la musique des yeux fait même mal à Cleaver... et Leary est aux
mains du FBI... et nous avançons sous la lumière d'aujourd'hui, le
néon... --- une certaine magie fut broyée par la machine et
ressuscitée par l'électronique --- mais les militants font leur
guerre sans l'aimer, et l'odeur des vacances va tout emporter...
Le
drame éclate dès que vous emmerdez les gens dans leurs têtes, dans
leurs corps. Et ils sont nombreux. Ils subissent. Ils imposent. Ils
sont malheureux, torturés, bêtes, méchants, malades, sympas,
flippés, ils ont besoin d'air, d'espace personnel, et on leur
censure leur soleil... Je pense que la parole devrait peut-être
ÉCRIRE l'inconscient collectif, comme ça, très vite, sur les murs
de préférence, comme le font les enfants quand ils veulent semer la
merde, pour que tous deviennent mondes-consciences...
Les
musiciens savent ce qu'ils peuvent faire avec l'énergie de 500 000
personnes, c'est pour ça qu'ils se refusent à la diriger, d'une
façon ou d'une autre... ce ne sont pas des agitateurs politiques...
Superjets, sonos, lightshows, videocorders, fêtes psychédéliques,
les media traditionnels ne flippent même plus. Même avec le
crayon-feutre et le spray
une nouvelle expression est née. Le Village Global ne peut pas ne
pas vulgariser sa nouvelle façon de voir et d'entendre...
Les
agents de publicité furent exilés derrière les feux de la rampe.
Et dès que les flics entassés dans leurs cars aperçurent les
cheveux longs... les militants ont entonné le Chant des Cochons...
Hippieland
n'existe plus.
Un
commando de lesbiennes envahit le Soft-Drouot...
Des
SS en jupons, moutards en bandoulières, sont subjugués par l'avenir
d'un mini-Woodstock aux alentours de Limoges... « Nous allons mettre
la France Pop à genoux ! », s'écrie le puriste, fondu dans la
lumière stroboscopique, entraîné par Jumping Jack Flash, un
planeur comme vous et moi --- ils se sont branchés sur la même pipe
--- sunshine
orange se répandit sur la Planète Verte... un trip merveilleux...
pas une boîte crânienne n'explosa... mais là-bas, Dachauland, Rock
à gogo... les fleurs mortes pourrissent sous le Dôme du Désir...
Militants, UFO, Underground
Fuck Off...
OFF... OFF... OFF... OFF... OFF... l'argent pop est entre vos
mains... Janis et Jimi doivent se marrer dans leurs ciels... le trip,
vous comprenez... et que demandent des milliers de gens lorsqu'ils se
réunissent hors de tout contrôle et influence politique ? De la
musique. Uniquement de la musique. Planante et très chère. Le
hasard collectif doit tenir compte de cette sono planétaire. Tant
pis pour ceux qui ont mal interprété ces évènements.
Plus
de parano ! Laissez les narkomasos monter la garde devant les
pharmacies... l'ombre incendie ce qui nous reste à vivre... les
billes multicolores des enfants mûrissent en ce jardin... foutez
leur la paix-!... foutez la paix... à propos, lisez Jail
Notes
de Timothy Leary... maintenant je me tire...
Julian
Beck, Judith Malina sont détenus par la Police Politique
Brésilienne. Richard Neville et OZ sont inculpés. Pierre Clémenti
est emprisonné en Italie. Tous les swamis et les gourous sont des
agents de la CIA. « Hello ! Yes, good-bye » --- nous allons charmer
les oiseaux, hideusement vôtre --- moi, je me tire, salut --- nous
sommes tous exposés, les médiocres et les ordinaires plongent dans
le bouillon de Kulture, à l'aise, les autres, bouillants virus
persistent à se mêler de ce qui ne les regarde pas. Ne parlez plus
des drogues,
l'intérêt tombera, l'affaire
nationale
tournera en couillasse, l'hystérie des minus est incontrôlable ---
Foutez-moi la paix, j'ai la chevrotine facile ! Un beau merdier,
n'est-ce pas ? enterré vivant dans le Blues de l'Eau Lourde. Il n'y
a plus grand chose à faire ici, sinon entrer
et sortir.
29
juin-4 juillet 1971.
Londres.
New York City
Libellés : Livre de Claude Pélieu, Pélieu
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home