Claude Pélieu au Silo - III. 5.
III
DEBOUT
! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude
Pélieu (1971)
5
La
contre-culture --- et la contre-société à laquelle elle infusa
toute l'énergie, n'est pas CONDITIONNÉE PAR LES DROGUES --- ce
n'est pas vrai !... Nous avons pris des drogues, nous fumons de
l'herbe... et je connais des gens qui n'en ont jamais pris, qui n'en
prendront jamais... ça les regarde... ça ne vous regarde pas...
laissons le mythe de la
défonce pour la défonce
aux glauques qui vont chez Castel montrer leurs veines trouées, et
aux guignols qui se filment dans un garni, seringue en main, pour
faire plus vrais...
«
Qui êtes-vous ?...
«
Je suis LE défoncé.
«
Enchanté, continuez »...
Personne
ne veut de suiveurs, de disciples. Pas même Timothy Leary. Ni les
Amérindiens. Les vieux junkies
ont le droit de renifler dans l'aube grise... foutez la paix à Bob
Kaufman, à Bob Dylan, foutez la paix aux gens !... ceci ne vous
regarde pas... Nous avons le droit de disposer librement de
nous-mêmes, psychiquement et physiquement... nous n'avons pas le
droit de foutre de l'acide dans votre bière... nous n'avons pas le
droit de faire tripper un mec à son insu... personne... ceux qui
jouent ce jeu sont les pires ordures... mauvais karma dans les
chiottes de l'Histoire.
L'arbitraire
se déchaîne. Demain,le végétarien sera suspect, peut-être
incarcéré. L'homosexuel que nous considérons comme un malade
obsédé par une aberration
personnelle,
devient la
cible, demain l'homosexualité sera un délit public, un crime... eh
bien les mecs, ceci non plus ne vous regarde pas... personne ne veut
coucher avec votre fille... encore une fois occupez vous de vos vieux
tampax... laissez les images actuelles couler dans le Bassin de
Crampes, avec quelques sons blancs étouffés dans les grands
ensembles de sonorisation.
Il
faut que je frappe la dernière partie de ce pavé...
Depuis
le premier flash de la Beat Generation JUMPING JACK FLASH KEROUAC
(qui doit pas mal de choses à Gertrude Stein) notre non-histoire n'a
pas besoin d'ancêtres, ni de maîtres à penser. Nos héros
planaient. Et tout éclata, comme ça, entre l'herbe et l'acide, avec
beaucoup de poésie et de musique, et tout se réalisa quand le robot
fut déconditionné.
Ceci
explosa. Musique, journaux, magazines, comix, films, posters,
light-shows, style de vie, drogues, petites presses, festival et
jeux.
Chacun
faisait ce qu'il voulait, comme il l'entendait, et parce que ça lui
semblait juste et planant. À tort ou à raison ça ne pouvait gêner
personne. Nous étions indépendants, libres ; certains vivaient en
groupe, ou dans une commune, d'autres seuls, mais en contact
permanent à travers tous les États, et l'Angleterre, même
dispersés aux quatre coins du monde. Et nous continuons. Et nous
n'étions pas tous aussi jeunes que vous le pensiez, nous étions là,
dans le temps présent, ici, vite, maintenant.
Au
commencement était la défonce...
Puis
les militants arrivèrent...
Ils
arrivèrent, ajoutant un peu plus de confusion, excitant les robots
et les glauques, et la police s'en donna à matraque-que-veux-tu...
pas mal de choses furent salopées, détruites, et malheureusement il
y eut de nombreuses tragédies, et trop de morts... eh bien, les
mecs, c'est dommage pour vous mais ça ne se renouvellera pas... et
il n'y aura pas de euh-révolution avec grands soirs et barbes à
papa, ni de sur-branlette dans les sous-sols de La Belle
Jardinière... oh, j'entends déjà les hurlements, les
vociférations, j'entends les euh-camarades... eh bien, encore une
fois, ils se mêleront de ce qui ne les regarde pas... « Kamarades,
je vous pisse à la raie ! »... tous se donnent au système, mais
jamais au PEUPLE, qu'ils emmerdent !... je suis assez grand
maintenant pour me libérer moi-même... les ouvriers n'ont pas
besoin de vos mecs pour s'organiser... Ginsberg n'a jamais eu de
répit face à la noire pourriture, ou devant les créatures de la
guerre.
Les
zones piégées par le marchand de sable sont vos territoires ---
inutile de matérialiser les mots-virus --- l'ensemble des textes
soporifiques ne vivent que dans la poubelle de l'Histoire.
J'en
ai pris des paranos !
Les
micros avaient peur.
Nous
avons visionné notre paradis perdu.
Le
flip politique a fait plus de mal à certains d'entre nous que le
Système lui-même. Je parle de ceux qui étaient privilégiés, ne
vous méprenez pas sur le sens de ces lignes.
Je
n'ai pas besoin d'intermédiaires pour jouer ma musique.
TURN
ON ! TUNE IN ! DROP OUT ! DO YOUR THING ! FUCK YOURSELF !
Décrochez,
exigez la retraite à 17 ans, quittez les abîmes en suspension. Le
débat est clos. Il n'y a pas grand chose à faire, ni à dire. La
politique a tout salopé, elle est le point de départ du suicide
psychédélique... Vous
êtes le Village Global, la Démocratie Électronique...
«
It's our world. If we don't take it, we are lost, and the planet will
be lost with us. »
(Michael
Aldrich)
alors,
debout ! Toulouse-Lautrec !
Et
vous autres ! Robots ! Jukeboxes !... Shiva vandalise sa propre
cafétéria, avançant dans le ciel avec son bras cassé... c'est
écrit dans le ciel, les poètes et les enfants ont toujours
entièrement raison... les oiseaux ne chantent plus, mais le premier
cri de la révolution grandit comme une prophétie dans les forêts
turquoises.
UFO...
« Underground Fuck Off ! »... structures, fric, non-fric,
confusion, frustration, ordre nouveau, free,
les citoyens flippent à la chaîne... il faut toujours lire le
courrier des lecteurs deux fois... les lecteurs sortent du caveau de
famille sur la pointe des pieds, et je vois déjà que la France
sauvage
ne s'arrachera pas aux fumées du showbiz...
Je
lis... « il avait commencé à se piquer au cheval (...) » --- eh
bien, ma fille, prends ton courage à deux mains --- et balance un
cocktail Pavlov dans le jukebox !...
Les
procès se multiplient. L'arbitraire s'installe. Les flics règnent.
Le Docteur Timothy Leary est considéré comme un dangereux criminel.
Eh bien, c'est difficile, que ce soit Le
Figaro,
Le
Monde,
ou Paris-Match,
les mensonges, les silences et les truquages abondent... je ne lis
pas la presse de l'opposition, ni les journaux gauchistes...
Je n'ai vu qu'un numéro spécial de Tout
consacré aux joyeuses explosions du FHAR... je ne lis pas non plus
les revues et magazines littéraires et politiques...
Libellés : Livre de Claude Pélieu, Pélieu
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