samedi 28 décembre 2019

Claude Pélieu au Silo - III. 5.


III
DEBOUT ! TOULOUSE-LAUTREC !
par
Claude Pélieu (1971)

5
La contre-culture --- et la contre-société à laquelle elle infusa toute l'énergie, n'est pas CONDITIONNÉE PAR LES DROGUES --- ce n'est pas vrai !... Nous avons pris des drogues, nous fumons de l'herbe... et je connais des gens qui n'en ont jamais pris, qui n'en prendront jamais... ça les regarde... ça ne vous regarde pas... laissons le mythe de la défonce pour la défonce aux glauques qui vont chez Castel montrer leurs veines trouées, et aux guignols qui se filment dans un garni, seringue en main, pour faire plus vrais...
« Qui êtes-vous ?...
« Je suis LE défoncé.
« Enchanté, continuez »...
Personne ne veut de suiveurs, de disciples. Pas même Timothy Leary. Ni les Amérindiens. Les vieux junkies ont le droit de renifler dans l'aube grise... foutez la paix à Bob Kaufman, à Bob Dylan, foutez la paix aux gens !... ceci ne vous regarde pas... Nous avons le droit de disposer librement de nous-mêmes, psychiquement et physiquement... nous n'avons pas le droit de foutre de l'acide dans votre bière... nous n'avons pas le droit de faire tripper un mec à son insu... personne... ceux qui jouent ce jeu sont les pires ordures... mauvais karma dans les chiottes de l'Histoire.

L'arbitraire se déchaîne. Demain,le végétarien sera suspect, peut-être incarcéré. L'homosexuel que nous considérons comme un malade obsédé par une aberration personnelle, devient la cible, demain l'homosexualité sera un délit public, un crime... eh bien les mecs, ceci non plus ne vous regarde pas... personne ne veut coucher avec votre fille... encore une fois occupez vous de vos vieux tampax... laissez les images actuelles couler dans le Bassin de Crampes, avec quelques sons blancs étouffés dans les grands ensembles de sonorisation.

Il faut que je frappe la dernière partie de ce pavé...

Depuis le premier flash de la Beat Generation JUMPING JACK FLASH KEROUAC (qui doit pas mal de choses à Gertrude Stein) notre non-histoire n'a pas besoin d'ancêtres, ni de maîtres à penser. Nos héros planaient. Et tout éclata, comme ça, entre l'herbe et l'acide, avec beaucoup de poésie et de musique, et tout se réalisa quand le robot fut déconditionné.
Ceci explosa. Musique, journaux, magazines, comix, films, posters, light-shows, style de vie, drogues, petites presses, festival et jeux.
Chacun faisait ce qu'il voulait, comme il l'entendait, et parce que ça lui semblait juste et planant. À tort ou à raison ça ne pouvait gêner personne. Nous étions indépendants, libres ; certains vivaient en groupe, ou dans une commune, d'autres seuls, mais en contact permanent à travers tous les États, et l'Angleterre, même dispersés aux quatre coins du monde. Et nous continuons. Et nous n'étions pas tous aussi jeunes que vous le pensiez, nous étions là, dans le temps présent, ici, vite, maintenant.

Au commencement était la défonce...
Puis les militants arrivèrent...
Ils arrivèrent, ajoutant un peu plus de confusion, excitant les robots et les glauques, et la police s'en donna à matraque-que-veux-tu... pas mal de choses furent salopées, détruites, et malheureusement il y eut de nombreuses tragédies, et trop de morts... eh bien, les mecs, c'est dommage pour vous mais ça ne se renouvellera pas... et il n'y aura pas de euh-révolution avec grands soirs et barbes à papa, ni de sur-branlette dans les sous-sols de La Belle Jardinière... oh, j'entends déjà les hurlements, les vociférations, j'entends les euh-camarades... eh bien, encore une fois, ils se mêleront de ce qui ne les regarde pas... « Kamarades, je vous pisse à la raie ! »... tous se donnent au système, mais jamais au PEUPLE, qu'ils emmerdent !... je suis assez grand maintenant pour me libérer moi-même... les ouvriers n'ont pas besoin de vos mecs pour s'organiser... Ginsberg n'a jamais eu de répit face à la noire pourriture, ou devant les créatures de la guerre.
Les zones piégées par le marchand de sable sont vos territoires --- inutile de matérialiser les mots-virus --- l'ensemble des textes soporifiques ne vivent que dans la poubelle de l'Histoire.

J'en ai pris des paranos !
Les micros avaient peur.
Nous avons visionné notre paradis perdu.
Le flip politique a fait plus de mal à certains d'entre nous que le Système lui-même. Je parle de ceux qui étaient privilégiés, ne vous méprenez pas sur le sens de ces lignes.
Je n'ai pas besoin d'intermédiaires pour jouer ma musique.
TURN ON ! TUNE IN ! DROP OUT ! DO YOUR THING ! FUCK YOURSELF !
Décrochez, exigez la retraite à 17 ans, quittez les abîmes en suspension. Le débat est clos. Il n'y a pas grand chose à faire, ni à dire. La politique a tout salopé, elle est le point de départ du suicide psychédélique... Vous êtes le Village Global, la Démocratie Électronique...
« It's our world. If we don't take it, we are lost, and the planet will be lost with us. »
(Michael Aldrich)

alors, debout ! Toulouse-Lautrec !

Et vous autres ! Robots ! Jukeboxes !... Shiva vandalise sa propre cafétéria, avançant dans le ciel avec son bras cassé... c'est écrit dans le ciel, les poètes et les enfants ont toujours entièrement raison... les oiseaux ne chantent plus, mais le premier cri de la révolution grandit comme une prophétie dans les forêts turquoises.

UFO... « Underground Fuck Off ! »... structures, fric, non-fric, confusion, frustration, ordre nouveau, free, les citoyens flippent à la chaîne... il faut toujours lire le courrier des lecteurs deux fois... les lecteurs sortent du caveau de famille sur la pointe des pieds, et je vois déjà que la France sauvage ne s'arrachera pas aux fumées du showbiz...
Je lis... « il avait commencé à se piquer au cheval (...) » --- eh bien, ma fille, prends ton courage à deux mains --- et balance un cocktail Pavlov dans le jukebox !...
Les procès se multiplient. L'arbitraire s'installe. Les flics règnent. Le Docteur Timothy Leary est considéré comme un dangereux criminel. Eh bien, c'est difficile, que ce soit Le Figaro, Le Monde, ou Paris-Match, les mensonges, les silences et les truquages abondent... je ne lis pas la presse de l'opposition, ni les journaux gauchistes... Je n'ai vu qu'un numéro spécial de Tout consacré aux joyeuses explosions du FHAR... je ne lis pas non plus les revues et magazines littéraires et politiques...

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posted by Lucien Suel at 08:03