vendredi 30 novembre 2018

Poème express n°744

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vendredi 23 novembre 2018

Poème express n°743

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vendredi 16 novembre 2018

Poème express n°742

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mercredi 14 novembre 2018

le train de 8h57 par Aldo Qureshi



l'homme assis en face de toi se met à faire une crise d'urticaire. Il ouvre sa valise et se met à se gratter avec le petit râteau en plastique de son fils, et à force de le regarder se gratter tu as envie de te gratter toi aussi. Tu regardes avec envie ce petit râteau, et tu te sers de ton stylo pour te satisfaire entre les omoplates. La femme assise à côté de toi louche sur ton stylo tout en luttant contre la démangeaison, et le môme, à côté d'elle, se met à se gratter tout en cherchant un objet dans son cartable, et tous les passagers, gagnés par l'urticaire, se mettent à chercher des grattoirs de fortune. Mais les grattoirs, quoi que' vous fassiez, sont toujours décevants, ils ne parviennent pas à assouvir la fureur de la démangeaison. Le train arrive à la gare suivante, et quand les portes s'ouvrent, tout le monde se fige en apercevant le petit homme-hérisson, sur le quai, avec sa valise, et quelqu'un se lève pour l'aider à monter, à s'asseoir sur la banquette. La dame d'à côté se rapproche discrètement et commence à se frotter le ventre contre la tête du petit homme-hérisson. Une autre se le fait passer entre les jambes comme une serviette de bain. Et vous commencez à vous le disputer, tout en lui tirant sur les pattes, et il crie, pleure, supplie qu'on ne lui fasse pas de mal, et alors, forcément, à force de tirer dessus, ça finit par lâcher. Certains d'entre vous ont beau détourner les yeux, on entend très nettement la rupture des ligaments. Des bruits comme si des mains étaient en train de déchirer un petit sac en velours. Des mains plongées dans une casserole de nouilles. Et ensuite, ce bruit d'épongé gratte-gratte, avec le côté vert, jusqu'à l'arrivée du train gare Montparnasse


Ce poème est extrait de Barnabas, recueil d'Aldo Qureshi, qui vient de paraître aux éditions Vanloo.
Le précédent (et premier) livre d'Aldo Qureshi, Made in Eden aux éditions de l'Agneau, figure dans la sélection du prix Apollinaire

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lundi 12 novembre 2018

Liste des morts célèbres (ou inconnus) et de leurs offrandes - RDO 62


Récupération des données ordinaires
dans
Six extraits du roman « Mort d'un jardinier »

puis un mouvement se dessine, tu reconnais Christophe Tarkos en compagnie d’un petit blond, ils s’avancent vers l’homme allongé, l’enfant sort de sa poche une grosse fleur en papier blanc et la dépose près du jardinier, puis les deux reprennent leur place autour du carré, viennent ensuite Francis et Francis qui placent sur un rondin trois petits tubes de gouache rouge jaune et bleue, Parrain Fleury et Fleury apportent un jeu de cartes, Mémère Rachel et Rachel une tirelire en bois verni, Jack London et James Oliver Curwood sont là aussi avec leur enfance, ils traversent le jardin avec leurs chiens et offrent une boule de neige fraîche et une peau de renard, le petit Vincent s’approche avec un morceau de fusain et dessine un cœur sur le manche d’outil couché dans les cailloux, une religieuse enveloppée dans une cape blanche et noire s’agenouille près de toi pendant quelques secondes, elle est suivie par un groupe inattendu, un trio de jeunes femmes séduisantes Gina Sophia et Claudia qui t’envoient des baisers en soufflant sur leurs doigts aux ongles peints, Mathilde et Mathilde t’ont cousu un pantin de chiffon et Gaston et Gaston n’ont pas oublié les petits souliers, il y a aussi le couple Mezz et Mezzrow avec un album vinyle noir, d’autres ont eu la même idée, les chanteuses Jeanne Lee Kathleen Ferrier Billie Holiday Colette Magny et les trompettistes Louis Armstrong Don Cherry Miles Davis Dizzy Gillespie, il y a maintenant neuf disques noirs autour du jardinier allongé, si tu ne les écoutes pas tu pourras toujours les suspendre dans les branches des arbres fruitiers pour effrayer les pigeons ; la procession des offrandes continue, les donateurs sont toujours accompagnés de leurs doubles innocents, voici Neal Cassady avec un stick d’herbe, Joris-Karl Huysmans avec un chapelet de nacre, Samuel Beckett avec une branche de bruyère, Léon Bloy avec une bouteille de vin et Charles Bukowski avec un pack de bière, Georges Bernanos avec un carnet à spirale, Jack Kerouac avec un bouquet de cœurs de Marie, Isidore Ducasse avec un flacon de marie-rose, William Burroughs avec un couteau de chasse, Germain Nouveau avec une médaille de Benoît-Joseph Labre, Sun Ra avec un sachet de graines de tournesol, Évelyne avec une photo de ses enfants, Arthur Rimbaud avec un appareil-photo, Bang avec une maquette de bateau, Paul Verlaine avec une image pieuse, Christophe avec une auto miniature, Claude Pélieu avec un exemplaire dédicacé de Bulletin From Nothing, Albert Ayler avec un disque de John Coltrane, John Coltrane avec un disque d’Albert Ayler, Paul Delvaux avec une locomotive modèle réduit, Philip K. Dick avec un petit buvard et un sachet de pommes, Johnny Cash avec une Bible, Joseph Delteil avec un cep de vigne à repiquer, James Joyce avec un verre de Guinness, Flannery O’Connor avec un petit manuel consacré à l’élevage de la basse-cour, Robert Mitchum avec une paire de gants de boxe et un bâton de dynamite ; tu remarques aussi beaucoup d’anonymes, tu es heureux qu’ils soient venus visiter ton jardin accompagnés par leur enfance,

Dernière liste dans "Mort d'un jardinier"
Ainsi s'achève la série "Récupération des Données Ordinaires" au Silo. Merci pour vos lectures et commentaires.

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vendredi 9 novembre 2018

Poème express n° 741

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mardi 6 novembre 2018

Mort d'un jardinier 2008-2018

Ce roman publié aux éditions de La Table Ronde est sorti en librairie le 6 novembre 2008. Je l'ai écrit en septembre 2006 lors d'une résidence à la Villa Yourcenar, au Mont Noir sur la frontière belge. Le manuscrit a été envoyé en décembre 2006 aux éditions POL. Monsieur Otchakovsky-Laurens l'a apprécié, mais il souhaitait le relire avant de prendre sa décision. Pendant toute l'année 2007, je suis resté dans l'expectative et finalement, j'ai reçu en décembre 2007, une lettre de refus. J'ai envoyé mon manuscrit par la poste aux éditions de La Table Ronde en janvier 2008. Et le vendredi 13 juin 2008, Françoise de Maulde, directrice littéraire à La Table Ronde, m'appelait pour m'annoncer la bonne nouvelle...
Le livre a, de suite, reçu d'excellentes critiques et a été un succès de librairie.
Les deux éditions confondues, il s'est, en dix ans, vendu à 10 000 exemplaires.



Traduit en nynorsk par Grete Kleppen, il a été publié en Norvége par Solum
Voici l'article de Robert Solé paru dans Le Monde des Livres le 27 novembre 2008 :
"Mort d'un jardinier", de Lucien Suel : le vertige du jardinier
LE MONDE DES LIVRES | 27.11.08 | 11h53

'est un premier roman, qui avait été posté par son auteur, à tout hasard... Un roman ? Plutôt un poème de 170 pages, dans lequel un jardinier s'adresse à lui-même. "Tu t'échines tu t'esquintes tu frappes et coupes et creuses et arraches et scies et brûles et déchiquettes pendant des jours et des jours, t'écroulant sur le dos dans la terre mise au jour, la sueur ruisselle traçant des lignes noires dans la poussière qui recouvre ta poitrine, ton coeur cogne ton coeur cogne..."

L'auteur, Lucien Suel, 60 ans, vit tout près de son lieu de naissance, à Guarbecque, un village du Pas-de-Calais, où il a construit sa maison de ses propres mains. Bricoleur, jardinier, mais aussi pratiquant de l'art postal, il se déclare "poète ordinaire". C'est une façon de parler. Rien n'est moins ordinaire que ses poèmes, qu'il "chante, hurle ou murmure" en compagnie de trois musiciens. Très influencé par Jack Kerouac et d'autres auteurs de la Beat Generation, comme William Burroughs, il a expérimenté toutes sortes de formes poétiques, composant entre autres un hommage à l'abbé Lemire, fondateur des jardins ouvriers, en quarante-deux épisodes de vers justifiés (même nombre de signes par ligne).
Le jardinier interrompt brièvement son travail : "Tu te redresses pour écouter le colloque chicanier d'une bande de corbeaux dans la petite forêt, un geai intervient dans la conversation, la violente secousse d'un bang mur du son fait taire tout le monde et te rappelle que tu vis dans un monde imparfait, tu t'agenouilles dans la terre pour désherber, la main droite est ton outil de sarclage préféré, tu favorises tes protégés, tu extirpes la concurrence déloyale..."
Pas de points. Simplement des virgules et, de temps en temps, des points virgules. Le texte coule comme un torrent, avec une incroyable précision. Mais, soudain, notre jardinier est saisi d'un vertige, il plie les genoux et tombe sur le dos au milieu des bûches fendues. Il sent qu'il va mourir. Dès lors, toute sa vie et tous ses rêves vont défiler : des souvenirs d'enfance, des souvenirs de voyage, des souvenirs de musiques. Il revoit sa femme à la maternité, la naissance de sa fille : "Tu tournes en rond dans la salle d'attente, ton amour est dans la salle d'opération, le jour va se lever et tu n'as plus de cigarettes, son visage est noyé dans le grand oreiller blanc..." Il revit chacun des petits gestes de la vie quotidienne : "Le couvercle de la lessiveuse galvanisée se soulève rythmiquement comme si le linge respirait à pleins poumons dans l'eau savonneuse..."
Le lecteur est emporté dans ce tourbillon. Il a les mains pleines de terre ou de cambouis, entend le ronronnement de la cafetière et le piaillement des oiseaux, il traverse la Turquie en 2 CV, regarde les frites frissonner dans l'huile, une mouche se noyer dans une flaque de bière, il respire le parfum des fleurs ou du fumier... Lucien Suel parle admirablement des choses de la vie - de sa propre vie. C'est un autoportrait, par petites touches. Tout est vrai dans ce texte, hormis bien sûr la mort du "héros".
Maniant la pelle et la plume, Lucien Suel a toujours refusé de hiérarchiser ses différentes activités. Ecrire n'est pas mieux que jardiner. Mais, chez lui, tout se rejoint : "Tu aimes cette idée de Wittgenstein, que la solution au problème de la vie est de vivre de façon à supprimer le problème, tu crois avoir trouvé la bonne méthode en cultivant ton jardin, en mêlant le vulgaire et le sacré." Il grave dans la glaise, rédige les versets de la terre : "Tu préfères maintenant écrire des poèmes sur tes légumes, tu aimes manger les mots, les faire rouler dans ta bouche comme une fraise une cerise ou un noyau d'abricot, tu aimes aussi les découper, les charcuter et les coller ensemble."
Mais le jardinier va mourir. Des milliers de visages se pressent autour de lui, des mains le touchent, des nez le hument, il est submergé de souvenirs et de sensations. Est-ce la trompette de Louis Armstrong qui résonne, claire et haute, sous les ormes du jardin ? Ou celle de Miles Davis qui gémit, plus loin, derrière les lilas ? Le jardinier se fond dans la terre, et elle se fond en lui. "Tu es comme un bébé, abandonné au milieu des légumes entre les choux et les poireaux, tu te demandes qui t'a déposé là, tu espères encore que quelqu'un, ton amour, arrivera, te soulèvera la tête, te prendra dans ses bras..." C'est le bout du poème, l'ultime récolte, la dernière station.

MORT D'UN JARDINIER de Lucien Suel. La Table ronde, 170 p., 17 €.

Robert Solé
Article paru dans l'édition du 28.11.08


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lundi 5 novembre 2018

Liste de courts extraits de mes livres préférés - RDO - 61


Récupération des données ordinaires
dans
Six extraits du roman « Mort d'un jardinier »

ça a débuté comme ça, quelque part sur le chemin tu savais qu’il y aurait des filles des visions, tout quoi, quelque part sur le chemin on te tendrait la perle rare, peut-être que le K-Priss tout comme le D-Liss est une drogue prohibée, dans la brume électrique avec les morts confédérés, le magasin de vins et spiritueux était situé à l’extrémité d’un long ruban de néons, tu as vu pendant toute ta vie sans en excepter un seul les hommes aux épaules étroites faire des actes stupides et nombreux, et déjà tu t’imaginais la nuit, enveloppant ta fille dans un manteau et partant avec elle pour de nouvelles aventures, dussent blanchir tes os jusques en ton cœur, le vent pénètre ton corps, ta colère n’est que l’effervescence de ta pitié, tu n’es pas né dans la chambre de ta mère tu es né sur la table de la cuisine, qu’est-ce que cela fait ? tout est grâce, tu crois que tu es mort presque aussitôt, à travers la barrière entre les vrilles des plantes, tu pouvais les voir frapper, étant enfant quand as-tu entendu parler pour la première fois de la pêche à la truite en Amérique ? tes yeux immenses, ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume, tout cela est si lent si lourd si triste bientôt tu seras vieux, c’était pendant la première semaine de novembre la semaine où se célèbre l’octave des morts, avec tes yeux de Ma Rainey mourant dans une ambulance, tu avais conscience de l’obscurité et du silence qui régnaient dans le corridor, continue tes promenades et nourris en toi l’amour de la nature c’est la meilleure manière d’apprendre tout ce qu’il faut savoir de l’essence de l’art, quand tu écrivis les pages suivantes tu vivais seul dans les bois en une maison que tu avais bâtie toi-même au bord de l’étang,

PS : "Mort d'un jardinier" publié aux éditions de La Table Ronde, est sorti en librairie, il y a dix ans, le 6 novembre 2008.
Considérons le texte-collage ci-dessus comme un jeu. A vous, lectrices et lecteurs du Silo, d'ajouter dans les commentaires, les titres des livres cités ici.

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vendredi 2 novembre 2018

Poème express n° 740

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