mardi 28 février 2006

Melting post

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lundi 27 février 2006

Encéphalogramme

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vendredi 24 février 2006

Short story

Dernières gouttes
Dehors, la neige entourait la maison. On entendait un peu de vent souffler. Le vent descendait de la montagne, du col entre les deux serres. Lucien jeta une nouvelle bûche dans l'âtre. Bientôt la nuit. Grand-mère gémissait un peu derrière le rideau de l'alcôve. Très vieille. Très malade. Lucien la soignait. Ils étaient dans la maison et la neige tombait. Lucien s'était assis près du feu et il voyait par la petite fenêtre poussiéreuse la neige qui continuait à tomber. Les châtaigniers dénudés devant la maison disparaissaient peu à peu dans une lumière morte. Lucien se leva. La porte grinça. Il se tint un moment sur le seuil à regarder les nuages gris, sombres, qui traversaient le ciel très lentement. Puis il descendit l'escalier de pierre et prit dans la réserve deux grosses bûches pour la nuit. Encore une nuit sans dormir avec la vieille qui gémissait doucement. Sa bouche était presque paralysée maintenant. Lucien remonta lentement l'escalier. Il posa les bûches sous le foyer et se dirigea vers la petite cuisine voûtée pour se préparer quelque chose à manger. Un gémissement plus fort le fit s'arrêter au milieu de la salle. Il revint sur ses pas, écarta la vieille toile de tente qui servait de rideau et pénétra dans la chambre. La grand-mère le regardait de ses yeux brillants, essayant d'ouvrir la bouche pour parler. "Tu veux pisser, grand-mère ? Tu veux pisser ?" Un imperceptible clignement d'yeux lui montra qu'il avait vu juste. Il approcha le pot de chambre du lit.
L. Suel (1973 ?)

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mercredi 22 février 2006

Mail Art (2)

Collage de Bruno Sourdin & Lucien Suel (1996)
(collaboration par la poste : snail mail art)

Les mains de Mister Bo tremblaient
Dans la chambre emplie du souffle de Hazel,
Fantôme parmi les fantômes
Dans le tourbillon éternel.
Aujourd’hui, tout le monde se tait.
Les jours radotent.
La télé beugle.
Un robot attend des ordres.
Je n’irai plus à la gare ferroviaire
Regarder passer les wagons de crânes.
Un tourbillon de couleurs danse sur mon écran.
Dehors, c’est encore le silence.
J’attends l’arrivée des hommes-oiseaux.
J’attends la pluie,
Les hurlements frénétiques,
Un halo de haine et de peur,
Comme à chaque fois.

Extrait de Hazel, par Bruno Sourdin, Editions Les Deux-Siciles, juillet 2005.

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lundi 20 février 2006

Poème express : Diana


Note : Le poème express se fait en caviardant une page de roman. Partant d'une page déjà imprimée, il permet de composer en évacuant l'angoisse devant la page blanche. C'est aussi une forme de recyclage.

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vendredi 17 février 2006

Le compère (in memoriam Joris-Karl Huysmans)


Le compère

« FRERES & SOEURS, VOTRE ATTENTION, S’IL VOUS PLAÎT ! LA VOITURE IMMATRICULEE 1895 JK 62 GÊNE LA CIRCULATION A L’ENTREE NORD DU STADE. MERCI A SON PROPRIETAIRE DE BIEN VOULOIR FAIRE LE NECESSAIRE POUR LA DEPLACER. »
J’entendis cette voix articulée par une corne de brume métallique. Je vacillais au centre d’une mer de sable. Tout autour de moi, s’étageaient des gradins noirs d’une foule bruissante et agitée. Le soleil de l’après-midi martyrisait mes yeux La sueur coulait dans ma barbe. Je suffoquais.
« FRERES & SOEURS, NOUS AVONS RAPPELE A LA VIE LE COMPERE POUR LE PUNIR DE SA DUPLICITE EN LUI FAISANT SUBIR LE CHÂTIMENT AUQUEL IL ECHAPPA EN MOURANT. FRERES & SOEURS, NOTRE SAINT-AINE CATHOLIQUE A TRANCHE. »
Une rumeur circonvolutive parcourut les gradins de gredins. Mon pauvre cerveau ne comprenait plus rien. La logique se desséchait et mourait sous le soleil. Des slogans imbéciles papillonnaient : «dDIEU LAVE PLUS BLANC ». « VIVEZ, ELIMINEZ ». Le plus monstrueux clignotait vert et rouge « PAYEZ EN DEUX FOIS ».
Le seul soulagement était le fin de mes douleurs dentaires. Mes jambes refusèrent leur service. Je m’écroulai sur le derrière. J’étais seul, au milieu de ce stade bondé, assis dans le sable, confondu par des voix tonnantes. Je me résignai.
Une voix féminine, rauque et papelarde, emplit l’atmosphère du cirque. Frissonnant, je reconnus le texte qu’elle lisait : « Il tâcha de fixer la statue de saint Joseph, devant laquelle il se tenait, et il voulut se forcer à ne discerner qu’elle, mais ses yeux semblèrent se retourner, ne plus voir qu’en dedans et des croupes ouvertes les emplirent. Ce fut une mêlée d’apparitions aux contours indécis, aux couleurs confuses, qui ne se précipitaient qu’aux endroits convoités par la séculaire infamie de l’homme. Et cela changea encore. Les formes humaines se fondirent. Il ne resta, dans d’invisibles paysages de chairs, que des marais rougis par les feux d’on ne sait quel couchant, que des marais frissonnant sous l’abri divisé des herbes. Puis le site sensuel se rétrécit encore, mais se maintint, cette fois, et ne bougea plus : et ce fut la poussée d’une flore immonde, l’épanouissement de la pâquerette des ténèbres, l’éclosion du lotus des cavernes, enfoui au fond du val.d»[1]
Un nouvel écoulement de sueur trempa ma chemise. Par l’effet d’une autre diablerie, les voix se multiplièrent en éclats cascadants, en échos tonitruants. Le ciel s’assombrit. Des traits de lumière jaillirent du sol, décrivant dans l’espace les images animées d’hallucinations horribles. Je serrai avec violence mes paupières, ajoutant la pression de mes poings à celle des muscles adducteurs. J’entendais encore les voix qui déposaient dans mes oreilles des traînées de souvenirs, des lambeaux déliquescents d’anciennes tentations. Cette maculation me rendait sourd.
Enfin, une trépidation du sol me fit desserrer les poings, ouvrir les yeux et tendre l’oreille. J’étais toujours là, les autres aussi ! La crécelle d’un nouveau langage dévida ses ordures dans mes conduits auditifs.
« HEURE DE LA DEDICACE, HEURE DE LA DEDICACE, SUR EPHEMERE EPHEME, DE LA PART DE NOTRE SAINT-AINE CATHOLIQUE POUR LE COMPERE, VOICI HAIRWAY TO STEVEN INTERPRETE PAR NOS DEFUNTS AMIS DU SECOND MILLENAIRE : LES BUTTHOLE SURFERS. »
Un ignoble vacarme dans lequel je reconnus quelques vagues éléments musicaux, envahit la piste. Les gredins des gradins se trémoussaient. Cette fois, je me plaquai les mains sur les oreilles. Mais la puissance démentielle du bruit tarauda ce malheureux rempart corporel. Malgré moi, je dus subir le hideux malaxage de mes trompes d’Eustache endolories. Le bruit s’arrêta soudain.
« EPHEMERE EPHEME, C’ETAIT DONC LES BUTTHOLE SURFERS, DE LA PART DE NOTRE S.A.C. POUR LE COMPERE. »
Une interrogation lente commença à me grignoter. N’était-ce point moi ce compère foré par la voix métallique ? Je me laissai aller sur le dos, les yeux fermés. Ma nuque s’enfonça légèrement dans le sable. Pour la première fois, j’en notai l’humidité. J’essayais d’agréger mes pensées, de renouer les fils épars de mes sensations, quand, plongeant du ciel, un atroce hurlement de sirène solidifia mon corps et mon esprit ainsi qu’un bloc de grès. Quand la sirène se tut, j’étais anéanti.
Un murmure insistant clapotait autour de moi. Il me semblait que des milliers de serpents sifflaient aux alentours de ma tête. Pour qui étaient-ils ? « ... s ... si ... sion ... SION ... » Cette scie n’était sûrement pas celle de la Jérusalem céleste. Le susurrement s’amplifiait. « SION... vers SION... VERSION... » Le stade semblait s’ouvrir en deux. Ce que j’entendais ne provenait plus des cornes de brume métalliques. Je reconnaissais des sons humains, les voix des spectateurs présents dans l’arène qui gonflaient crescendo en un canon odieux. A ma droite, j’entendais la foule hurler : «CCON-VER-SION... CON-VER-SION... », tandis que de la gauche, me parvenait, rythmiquement obscène : « PER-VER-SION... PER-VER-SION... »
Un éclair de compréhension m’illumina. J’étais percé à jour, con-verti, per-verti. C’était bien moi le CON-PER ! Je me relevai péniblement. La foule interrompit peu à peu, de façon spasmodique, sa psalmodie. Bientôt le silence fut total. Les respirations elles-mêmes étaient suspendues. J’eusse été incapable de prononcer le moindre mot. Mes lèvres étaient scellées.
Un grincement lent de grilles de métal succéda au silence. D’un couloir souterrain entre les tribunes, surgit un groupe de lions rugissant.
Lucien Suel (1989)
[1] Extrait de En Route de J.-K. Huysmans, p 304, Plon, 1895.

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jeudi 16 février 2006

P.P.P. (Pauvros Pennequin Potchük)

Le journaliste Bertrand Lasseguette a publié un bel article avec photos couleurs sur la soirée du 8 février 2006 à La Malterie (soirée organisée par "Le Crime" et "Et alors !")

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mercredi 15 février 2006

Météorisation de la panse (Potchük)

Météorisation de la panse
Cette « chanson » (paroles de Mauricette Beaussart, musique de Potchük) figure au répertoire du groupe Potchük et a été interprétée lors du concert du 8 février 2006 à La Malterie (Lille). Les photos sont de Philo Lenglet.

Il arrive que les bovidés, après s'être trop sustentés de trèfle ou de luzerne, soient gênés par un inamical gonflement de la...
panse
Ce revers est la météorisation. L'herbe verdâtre en fermentant fabrique du gaz qui gonfle la...
panse



Celle-ci empêchera donc les poumons de fonctionner.
L'animal peut décéder asphyxié.
La théra la thérapeu la thérapeutique la plus foudroyante consiste à percer la...
panse
sur le flanc senestre, avec un couteau spécial appelé trocart.
C'est un couteau logé dans une tubulure. Le couteau perce la...
panse
et les gaz peuvent s'enfuir par la canalisation
chhh... chhh... chhh... chhh...

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lundi 13 février 2006

Silo (23) Roger Lahu

le train coule souplement
parmi les champs grand ouverts
qui coulent le long de molles collines
sans attraits
parfois un silo de béton brut
(comme amer
pour quelle navigation ?)
paysage gris
sous le ciel mollement gris
d’une fin d’après-midi d’hiver (p 58)

Roger Lahu, Les anguilles, Le dé bleu, juin 2005.

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samedi 11 février 2006

Storm approaching

Storm approaching Guarbecque (William Brown)

Storm approaching

grey grey grey grey white white white
grey grey grey grey white white white
black black black and grey grey grey grey
grey grey grey grey and black black black
rain rain rain rain rain far-away
water water water far-away flash water
boom boom boom rain rain rain boom
water boom water water boom tears

Secret storm, you approach under cloud cover. The fairy blows her icy breath down the back of the gardener's neck. The blue tit lifts up its blue cap and calls titipu titipu titipu. Through the blackness, the sky glues to the trembling poplars. The first fat droplet falls on the spider in the privet. The man turns around to the increasing sighs, lifts up the collar of his linen jacket and watches the moving air. Hedge is changing colour. Tit gets its beak nailed. Blackness is about to win. Water is going to fall. Canal is impatient. Horizon is closing itself like the devil's black hand. He is blinking his eyes, he sneezes and cries over the earth.

grey grey grey grey white white white
grey grey grey grey and black black black
black black black
and grey grey grey grey
grey grey grey grey and black black black
rain rain rain rain rain far-away
far-away water water water water flash
boom boom boom rain rain rain boom
boom water boom tears water water

The stained glass window is becoming darker and darker. The flame of candles is shining golden trembling light twisted under the porch by the air stream. The stone church is about to crouch down under another thundering God's black sky. The other side of the storm is full of pigeons scratching at the zinc in the roof-gutters. Canal is made of oxidized lead. Fish open their mouth and raise their eyes towards the deep. Everything is upside down. Clouds melt like black tar over the village gardens. In the British cemetery, the dead soldiers open their ears. The barrage fire starts. Light is coming from behind the sky, the white water, the black ground. Come on, storm, come on !

grey grey grey grey and black black black
grey grey grey grey and black black black
black black black
and grey grey grey grey
grey grey grey grey and black black black
rain rain rain rain rain far-away
far-away water water water flash water
boom boom boom rain rain rain boom
tears water boom water water boom
Lucien Suel (traduit par l’auteur)

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jeudi 9 février 2006

Orage approchant

« Orage approchant » a été écrit d’après ce tableau de William Brown.

gris gris gris gris blanc blanc blanc
gris gris gris gris blanc blanc blanc
noir noir noir et gris gris gris gris
gris gris gris gris et noir noir noir
pluie pluie pluie pluie pluie au loin
l’eau l’eau l’eau au loin flash l’eau
boum boum boum pluie pluie pluie boum
l’eau boum l’eau l’eau boum en larmes


Orage secret, tu t’approches derrière
l’abri des nuages. La fée souffle son
haleine glaciale au cou du jardinier.
La mésange lève sa casquette bleue et
appelle titipu titipu titipu. Le ciel
avance dans le noir, se colle sur les
peupliers tremblants. La goutte ronde
est tombée la première sur l’araignée
du troène. L’homme se tourne vers les
soupirs croissants, soulève le col de
sa veste en toile et regarde l’air en
mouvement. La haie change de couleur.
La mésange a le bec cloué. Le noir va
gagner. L’eau va tomber. Le canal est
impatient. L’horizon se referme comme
la main noire du démon. Il cligne des
yeux, éternue et pleure sur la terre.


gris gris gris gris blanc blanc blanc
gris gris gris gris et noir noir noir
noir noir noir et gris gris gris gris
gris gris gris gris et noir noir noir
pluie pluie pluie pluie pluie au loin
au loin l’eau l’eau l’eau l’eau flash
boum boum boum pluie pluie pluie boum
boum l’eau boum en larmes l’eau l’eau


Le vitrail s’obscurcit. Brille, dorée
la flamme des cierges, une vacillante
lumière tordue par les courants d’air
sous le porche. L’église de pierre va
s’accroupir sous l’autre ciel noir de
Dieu tonnant. L’autre côté de l’orage
est plein de pigeons griffant le zinc
des gouttières. Le canal est en plomb
oxydé. Les poissons ouvrent la bouche
en levant les yeux vers le fond. Tout
se renverse. Le nuage fond en goudron
noir sur les jardins du village. Dans
le cimetière britannique, les soldats
morts ouvrent les oreilles. Le tir de
barrage commence. La lumière vient de
derrière le ciel, dans l’eau blanche,
la terre noire. Orage, viens, Viens !


gris gris gris gris et noir noir noir
gris gris gris gris et noir noir noir
noir noir noir et gris gris gris gris
gris gris gris gris et noir noir noir
pluie pluie pluie pluie pluie au loin
au loin l’eau l’eau l’eau flash l’eau
boum boum boum pluie pluie pluie boum
en larmes l’eau boum l’eau l’eau boum
Lucien Suel
Extrait de « Canal Mémoire », Editions du Marais du Livre, Hazebrouck 2004.

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mardi 7 février 2006

Amougies (dernière)

Une dernière note sur Amougies après le poème et le bonus pour vous signaler le reportage de Paul Alessandrini publié dans Rock & Folk en décembre 1969.
Et un site avec un article, photos et sons, plus précisément consacré aux groupes français de cette période (Ame Son, Gong, Heldon, Catalogue...).
Et un rappel pour les visiteurs du Silo habitant les environs de Lille : Potchük en concert à La Malterie, c'est demain soir, mercredi 8 février à 20h45.

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samedi 4 février 2006

La Justification de l’abbé Lemire


L’exhumation récente sur un blog ami d’un article consacré à l’abbé Lemire nous incite à publier ce billet dans lequel il est question de « La Justification de l’abbé Lemire »
Cet ouvrage, poème en 42 épisodes décrit la vie d’un homme,Jules-Auguste Lemire, de sa naissance en 1853 à sa mort en 1928. Il est écrit en vers justifiés, référence au terme employé en typographie. C’est un vers dans lequel le nombre de signes typographiques est déterminé à l’avance. Par l’utilisation d’une police de caractères à espacement fixe, type courier, on obtient visuellement des poèmes qui ont l’aspect de colonnes régulières. Pour La Justification de l’abbé Lemire, le texte se présente sur deux colonnes, chaque colonne formée de 12 tercets. Ceci donne sur la page un aspect visuel qui rappelle la disposition des planches de légumes dans un jardin avec une allée centrale. Ce peut être aussi l’intérieur d’une église ou d’une salle de classe ; certains y ont vu les alignements des tombes dans les cimetières militaires, les deux colonnes pouvant aussi figurer la tension entre église et état au début du XXème siècle !
L’écriture du poème tente l’adéquation entre texte et forme.
Les 30 premiers épisodes ont été publiés entre mars 1995 et octobre 1997 dans « Le Jardin Ouvrier », revue de poésie dirigée à Amiens par Pierre Ivart. La totalité du texte a été publiée en volume aux Editions Mihàly en 1998, 70 ans après la mort de l’abbé Lemire.
Nous donnons ci-dessous l’intégralité du second épisode, suivie de sa « traduction » en écriture courante.

II

l'unique baiser sur la....oh la terre verte sous
joue le jour sanctifié....un ciel gris-bleu dans
oh la petite communion....les briques de Flandre

Monsieur Lespagnol est....récréation la cloche a
l'instituteur public à....sonné l'enterrement il
Vieux-Berquin c'est la....faut courir à l'église

laisser le sac d'école....grelottant violet dans
l'enfant de choeur qui....la sacristie glas glas
boutonne la soutane en....tintant sur le village

collets abandonnés des....c'est en les nettoyant
betteraves fourragères....à la clarté du créchet
dans la boue argileuse....de cuivre avant de les

taillader en rondelles....Jules-Auguste Lemire a
douce pulpe blanche et....pensé à sa vocation de
juteuse aux lapins lui....prêtre à l'âge de sept

ans l'huile de justice....Cri des Flandres envol
surnage toujours Herre....de corneilles vers les
Vader Vrouwe Moeder le....Monts Mont Cassel Mont

des Cats où est le bon....tous les lieux sur les
Dieu tout partout dans....pages tachées cire jus
le ciel sur terre dans....de betterave fumier de

lapin pisse mouchetant....par coeur ô les livres
la page lire et relire....le mobilier du cerveau
le catéchisme au coeur....de l'intelligence émue

dans la ferme au carré....narcissiques porcherie
jardins vergers flaque....clapier poulailler les
mare reflet des saules....étables de Virgile les

écuries de Cicéron les....à moi compte deux mots
prônes de Bossuet avec....à moi aigle de Meaux à
l'envolée de Corneille....moi vaincre sans péril

son mot compte de maux....face de l'enfant Jules
Stéphanie et Védastine....gardiennes en tabliers
barattent le beurre en....anges aux mains rouges

comme le beurre toutes....seront pesées avec les
vos actions un jour ou....mêmes poids et la même
l'autre sur la balance....justesse Jules-Auguste


Transcription en écriture "courante"
Second épisode de "La Justification de l'abbé Lemire"

L'unique baiser sur la joue, le jour sanctifié.
Oh ! La petite communion !
Oh ! La terre verte sous un ciel gris-bleu,
dans les briques de Flandre.

Monsieur Lespagnol est l'instituteur public à Vieux-Berquin.
C'est la récréation, la cloche a sonné l'enterrement.
Il faut courir à l'église, laisser le sac d'école.

L'enfant de choeur qui boutonne la soutane en grelottant,
violet dans la sacristie.
Glas, glas tintant sur le village.

Collets abandonnés des betteraves fourragères dans la boue argileuse.
C'est en les nettoyant à la clarté du créchet de cuivre, avant de les taillader en rondelles,
douce pulpe blanche et juteuse aux lapins,
lui, Jules-Auguste Lemire a pensé à sa vocation de prêtre à l'âge de sept ans.

« L'huile de justice surnage toujours. »
Herre Vader, Vrouwe Moeder.
Le Cri des Flandres.
Envol de corneilles vers les Monts,
Mont Cassel, Mont des Cats.

Où est le bon Dieu ?
Tout partout, dans le ciel, sur terre,
dans tous les lieux,
sur les pages tachées,
cire, jus de betterave, fumier de lapin,
pisse mouchetant la page.

Lire et relire, le catéchisme au coeur, par coeur.
Ô les livres, le mobilier du cerveau,
de l'intelligence émue.

Dans la ferme au carré : jardins, vergers, flaque, mare, reflet des saules narcissiques,
porcherie, clapier, poulailler.

Les étables de Virgile,
les écuries de Cicéron,
les prônes de Bossuet avec l'envolée de Corneille.
A moi, compte deux mots !
A moi, aigle de Meaux !
A moi, vaincre sans péril son mot, compte de maux !

Stéphanie et Védastine barattent le beurre en face de l'enfant Jules,
gardiennes en tabliers,
anges aux mains rouges.

« Comme le beurre, toutes vos actions, un jour ou l'autre, sur la balance, seront pesées avec les mêmes poids et la même justesse, Jules-Auguste. »
Lucien Suel

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Silo (22) Jean-François Revel

Elles visent non pas les villes, mais d'autres armes nucléaires : les silos, les bases de sous-marins et de bombardiers. p 200
Jean-François Revel, La connaissance inutile, Grasset, 1988.

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jeudi 2 février 2006

Mary Beach & Claude Pélieu (2/2)

CLAUDE : Ce que je fais maintenant ? Des collages, des cartes postales, des extensions visuelles des poèmes. Des livres ? En vérité, tout le business du livre ne m’intéresse plus.

MARY : Comment j’ai rencontré Claude ? En 1961, mon mari est mort. Chaque dimanche, j’avais l’habitude d’ouvrir les portes de la maison. Un jour, il y avait plus de 80 personnes. J’ai hurlé : « Partez ! Je ne vous supporte plus ! » C’était en 1962. Un jour, Claude est arrivé, mince, comme Huncke ; il parlait si doucement qu’on ne comprenait pas. Son âge ? 42 ? 28 ? On est resté ensemble pendant 6 mois, et après, on est allé en Amérique. Lisbonne, les Bermudes, Miami, le Canal de Panama, Acapulco, San Francisco. On a habité là 5 ans, de 63 à 68. En 68, Claude a changé d’avis ; il a voulu rentrer en France. Le 1er mai 68, on était rue de Vaugirard à l’Hôtel de Lisbonne. Claude se lève, ouvre les volets et une grenade lacrymogène lui arrive dessus. Impossible de rester dans la chambre. Le propriétaire de l’hôtel nous a invités à dîner – pendant toute une semaine, il ne nous a rien fait payer. Claude ne voulait plus rester là à cause des lacrymogènes ; il connaissait un endroit tranquille rue Gay-Lussac, rue des Ursulines... On a pris un appartement rue des Ursulines ; c’était un lieu de passage. Juste en face, il y avait un café, Le Saloon, on mettait nos trucs dans leur frigo.
Le 10 et le 11 mai, les émeutes ont commencé et Claude était complètement bourré au Saloon. Ce sont les CRS qui l’ont viré !
Après ça, on est revenu à San Francisco. Mais j’ai dû rentrer en France parce que ma mère était mourante. Claude ne supportait plus San Francisco. En novembre 68, on est parti pour Hawaï et on y est resté jusqu’au 1er mars. Entre novembre et janvier, Carl Weissner habitait avec nous. C’est à ce moment-là qu’il a traduit « Electric Banana ». Ensuite, deux semaines à S. F. et puis New York, au Chelsea, jusqu’en octobre 1970. De là, nous sommes partis pour l’Angleterre, Londres d’abord, puis ici depuis septembre 1971. On est là depuis 8 mois.

CLAUDE : Sylvia Beach a découvert Joyce ; Mary Beach, sa petite-cousine a découvert Pélieu. Mary est une fleur du Connecticut. Elle a travaillé pendant des années pour rien, pour les choses qu’elle aimait et même pour celles qu’elle n’aimait pas. Total self-sacrifice.

Chez Mary Beach et Claude Pélieu en 1972, dans la campagne anglaise ; une conversation recueillie par Jacqueline Starer sous le titre « Beatology and other things », et publiée en 1976 dans le n° 9 de la revue Soft Need (Pociao / Expanded Media Editions).
Texte inédit en français, traduction de Lucien Suel (janvier 2006).

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