Mary Beach & Claude Pélieu (2/2)
CLAUDE : Ce que je fais maintenant ? Des collages, des cartes postales, des extensions visuelles des poèmes. Des livres ? En vérité, tout le business du livre ne m’intéresse plus.
MARY : Comment j’ai rencontré Claude ? En 1961, mon mari est mort. Chaque dimanche, j’avais l’habitude d’ouvrir les portes de la maison. Un jour, il y avait plus de 80 personnes. J’ai hurlé : « Partez ! Je ne vous supporte plus ! » C’était en 1962. Un jour, Claude est arrivé, mince, comme Huncke ; il parlait si doucement qu’on ne comprenait pas. Son âge ? 42 ? 28 ? On est resté ensemble pendant 6 mois, et après, on est allé en Amérique. Lisbonne, les Bermudes, Miami, le Canal de Panama, Acapulco, San Francisco. On a habité là 5 ans, de 63 à 68. En 68, Claude a changé d’avis ; il a voulu rentrer en France. Le 1er mai 68, on était rue de Vaugirard à l’Hôtel de Lisbonne. Claude se lève, ouvre les volets et une grenade lacrymogène lui arrive dessus. Impossible de rester dans la chambre. Le propriétaire de l’hôtel nous a invités à dîner – pendant toute une semaine, il ne nous a rien fait payer. Claude ne voulait plus rester là à cause des lacrymogènes ; il connaissait un endroit tranquille rue Gay-Lussac, rue des Ursulines... On a pris un appartement rue des Ursulines ; c’était un lieu de passage. Juste en face, il y avait un café, Le Saloon, on mettait nos trucs dans leur frigo.
Le 10 et le 11 mai, les émeutes ont commencé et Claude était complètement bourré au Saloon. Ce sont les CRS qui l’ont viré !
Après ça, on est revenu à San Francisco. Mais j’ai dû rentrer en France parce que ma mère était mourante. Claude ne supportait plus San Francisco. En novembre 68, on est parti pour Hawaï et on y est resté jusqu’au 1er mars. Entre novembre et janvier, Carl Weissner habitait avec nous. C’est à ce moment-là qu’il a traduit « Electric Banana ». Ensuite, deux semaines à S. F. et puis New York, au Chelsea, jusqu’en octobre 1970. De là, nous sommes partis pour l’Angleterre, Londres d’abord, puis ici depuis septembre 1971. On est là depuis 8 mois.
CLAUDE : Sylvia Beach a découvert Joyce ; Mary Beach, sa petite-cousine a découvert Pélieu. Mary est une fleur du Connecticut. Elle a travaillé pendant des années pour rien, pour les choses qu’elle aimait et même pour celles qu’elle n’aimait pas. Total self-sacrifice.
Chez Mary Beach et Claude Pélieu en 1972, dans la campagne anglaise ; une conversation recueillie par Jacqueline Starer sous le titre « Beatology and other things », et publiée en 1976 dans le n° 9 de la revue Soft Need (Pociao / Expanded Media Editions).
Texte inédit en français, traduction de Lucien Suel (janvier 2006).
MARY : Comment j’ai rencontré Claude ? En 1961, mon mari est mort. Chaque dimanche, j’avais l’habitude d’ouvrir les portes de la maison. Un jour, il y avait plus de 80 personnes. J’ai hurlé : « Partez ! Je ne vous supporte plus ! » C’était en 1962. Un jour, Claude est arrivé, mince, comme Huncke ; il parlait si doucement qu’on ne comprenait pas. Son âge ? 42 ? 28 ? On est resté ensemble pendant 6 mois, et après, on est allé en Amérique. Lisbonne, les Bermudes, Miami, le Canal de Panama, Acapulco, San Francisco. On a habité là 5 ans, de 63 à 68. En 68, Claude a changé d’avis ; il a voulu rentrer en France. Le 1er mai 68, on était rue de Vaugirard à l’Hôtel de Lisbonne. Claude se lève, ouvre les volets et une grenade lacrymogène lui arrive dessus. Impossible de rester dans la chambre. Le propriétaire de l’hôtel nous a invités à dîner – pendant toute une semaine, il ne nous a rien fait payer. Claude ne voulait plus rester là à cause des lacrymogènes ; il connaissait un endroit tranquille rue Gay-Lussac, rue des Ursulines... On a pris un appartement rue des Ursulines ; c’était un lieu de passage. Juste en face, il y avait un café, Le Saloon, on mettait nos trucs dans leur frigo.
Le 10 et le 11 mai, les émeutes ont commencé et Claude était complètement bourré au Saloon. Ce sont les CRS qui l’ont viré !
Après ça, on est revenu à San Francisco. Mais j’ai dû rentrer en France parce que ma mère était mourante. Claude ne supportait plus San Francisco. En novembre 68, on est parti pour Hawaï et on y est resté jusqu’au 1er mars. Entre novembre et janvier, Carl Weissner habitait avec nous. C’est à ce moment-là qu’il a traduit « Electric Banana ». Ensuite, deux semaines à S. F. et puis New York, au Chelsea, jusqu’en octobre 1970. De là, nous sommes partis pour l’Angleterre, Londres d’abord, puis ici depuis septembre 1971. On est là depuis 8 mois.
CLAUDE : Sylvia Beach a découvert Joyce ; Mary Beach, sa petite-cousine a découvert Pélieu. Mary est une fleur du Connecticut. Elle a travaillé pendant des années pour rien, pour les choses qu’elle aimait et même pour celles qu’elle n’aimait pas. Total self-sacrifice.
Chez Mary Beach et Claude Pélieu en 1972, dans la campagne anglaise ; une conversation recueillie par Jacqueline Starer sous le titre « Beatology and other things », et publiée en 1976 dans le n° 9 de la revue Soft Need (Pociao / Expanded Media Editions).
Texte inédit en français, traduction de Lucien Suel (janvier 2006).
Libellés : Beat, Pélieu, Traduction
5 Comments:
Merci pour la suite.
Si je me souviens bien - et je crois que c'est de lui, mais je ne suis pas sûr ( c'est pour ça que je te le demande étant spécialiste de la question )j'ai lu de Claude Pelieu un livre qui s'intitulait " le bleu le bleu le bleu" (j'avais à l'époque vingt berges). Bien sûr ce livre je ne l'ai plus. Est-ce donc bien lui qui a écrit ce livre ? Et si ce livre est bien de lui, pourquoi ne le trouve-t-on pas et pourquoi n'en parle-ton jamais dans ses bios ? Mais si on n'en parle pas je comprendrais facilement que je suis bon pour l'hôpital d'Altzeimer !
A plouche !
Si c'est bien du même livre qu'on parle, c'est plutôt dans les bios de Melmoth/Dashiell Hedayat/Jack-Alain Léger qu'on pourrait en trouver. (De toute façon introuvable, comme quasiment tous les Bourgois de cette époque, sauf dans les bibliothèques de quelques amateurs éclairés)
LE trouver (ou EN parler) : voilà ce qui arrive quand on veut éviter les répétitions
L'Ibis a raison, et toi aussi. Je m'explique. Christian Bourgois a publié au début des années 70, trois livres de Dashiell Hedayat : "Being", "Le Bleu, Le Bleu" et "Le Livre des morts-vivants". "Le Bleu, Le Bleu" a été écrit de janvier 1968 à juin 1970. Dans l'édition publiée par Christian Bourgois en 1971, les dix dernières pages sont constituées par un texte de Claude Pélieu (comme une postface). C'est un cut-up de 1970 intitulé "Yippie cut-up", un texte très violent.
Dans "Le Livre des Morts-Vivants", c'est Marc Cholodenko qui a publié une postface.
Ainsi Dominique, tu n'es pas encore gâteux. Il y a bien des pages de Pélieu dans "Le Bleu, Le Bleu"...
Peut-être les publierai-je un jour dans SILO...
Ce serait effectivement une excellente idée que de publier "Yippie cut-up" dans SILO...
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