Ci-dessous, un extrait d'une conversation enregistrée en mai 1996 chez Alfonsina Vandenbeulque et retranscrite par nos soins.
(Ajouté le 11-1-11 : Cette conversation apparaît dans le roman "La patience de Mauricette")
"- Ah ça, intervint la mère, elle a toujours aimé la lecture. Quand elle était petite, on pouvait crier cinq fois « A table ! » avant qu'elle s'arrête pour poser son livre et venir manger, et même en mangeant, elle continuait à lire. Elle lisait les étiquettes des bouteilles et des paquets.
- Oui mais ce que je préférais quand même, c'était de la poésie. J'en avais appris par coeur à l'école et au collège. J'aimais bien Emile Verhaeren, Albert Samain et Paul Verlaine. Et puis, au collège, le professeur de français nous avait raconté la vie de Verlaine et de son ami Arthur Rimbaud. Je m'en souvenais, et un jour dans la librairie sur la place d'Armentières, j'ai trouvé un livre de poche bleu clair avec les poésies de Rimbaud. Ah, il y avait des trucs culottés là-dedans mais ça me plaisait, même si je ne comprenais pas tout. Alors je me suis dit que moi aussi j'allais écrire des poèmes. Et voilà une chose qui m'a vraiment fait du bien.
- Et vous écriviez quel genre de poèmes ?
- Eh bien, justement, des poèmes comme Rimbaud. C'est à dire, j'en choisissais un que j'aimais bien, par exemple
Ma Bohême, et je le recopiais. Alors sur la page d'en face, j'écrivais le mien pour lui ressembler, comme
Mes Troènes, vous voyez. C'était comme si je marchais dans les chaussures de Rimbaud."
Silo vous présente aujourd'hui un autre poème d'Alfonsina Vandenbeulque :
QU'ON SONNE
B boum, G Grr, P prout, F ffuit, D ding : qu'on sonne,
Je dirai quelque jour vos essences patentes :
B, bibelot aboli boum boum du big bang
Qui bombine autour des blockhaus et les bétonne,
Grognements gris, G, gorges graviers grimaçants,
Grumes des glaviots verts, gros, gras, grr, ça grisonne ;
P, papa, pan pan prout, pue la pute piétonne
Dans le purin ou la paresse pénitente ;
F, ffuit, fébrile fissure du fût facile,
Follet des feux fourrés d'amis mots, fruits des fils
Que la chimie imprimait aux fesses des filles ;
D, divin diapason plein des strideurs des anges,
Dimanches diguedonguant où Dieu se dérange
- D dodo, D qu'on sonne, Dieu ! Dieu ! God ! God ! Godille !
Libellés : Alfonsina V., Poésie