mercredi 26 octobre 2005

Alfonsina Vandenbeulque

Alfonsina Vandenbeulque figure dans l'anthologie CADAVRE GRAND M'A RACONTE au même titre que Dédée ou Mauricette Beaussart. Nous présentons ci-dessous sa notice biographique telle qu'elle figure dans la dite anthologie et nous la faisons suivre par l'un de ses sept poèmes publiés.


Alfonsina Duporge naît à Dunkerque en 1932. Son père est grutier sur le port, sa mère travaille dans une saurisserie industrielle. Durant le Front Populaire, Abel Duporge, qui a le physique et le charisme de Mermoz mais des idées radicalement opposées (il est anarcho-syndicaliste) se voit chasser de son emploi à la suite d'une cabale montée par la SFIO avec la complicité du PCF. Il décide de faire la contrebande du tabac et la famille s'installe à Bailleul.
La jeune Alfonsina accompagne son père dans ses expéditions dès sa douzième année. Mais ce « temps héroïque »* prend fin quand, en 1948, elle doit épouser Michel Vandenbeulque, dont elle est enceinte. Michel est le fils d'un gros commerçant d'Armentières. C'est dans cette ville qu'elle vivra désormais, tenant la caisse de la quincaillerie Vandenbeulque.
Son bébé est mort-né. L'accouchement a été extrêmement difficile, Alfonsina ayant à peine seize ans. On lui annonce qu'elle ne pourra pas avoir d'autre enfant.
Elle aime son mari, mais bientôt la vie qu'elle mène lui paraît trop étroite. Elle est bien obligée de s'y faire, pourtant. Elle se réfugie dans le rêve et commence à écrire des poèmes.
Elle n'en conservera aucun.
En 1971, Michel Vandenbeulque décède à la suite d'un accident peu banal, survenu au cours d'une fête foraine : la voiture du « Circuit des Neiges » où il se trouvait avec sa femme se détache et vient s'écraser sur la cabine de billetterie. Il expire deux heures plus tard. Alfonsina a la jambe gauche broyée et doit être amputée.
Ce malheur affecte gravement sa santé mentale et elle est internée à l'hôpital psychiatrique de Saint-Venant. Elle y restera un peu plus de deux ans.
En 1974, elle découvre l'œuvre d'Arthur Rimbaud, où elle retrouve, dira-t-elle, l'atmosphère même de ses courses transfrontalières et l'esprit d'insoumission que son père lui inculquait. Elle décide de « mettre [ses] pas dans ceux de l'Homme aux semelles de vent »** et d'écrire désormais ses poèmes en « prenant élan » sur les siens.


Lucien Suel et Ivar. Ch'Vavar.


*. L'expression se trouve dans une lettre à Lucien Suel en date du 8 octobre 1999. Dans cette même lettre, Alfonsina raconte comment, en 1946, elle a pissé sur les mains d'un douanier qui fouillait « avec un peu trop d'insistance » sous ses jupes !
**. Id.

L'ÉTERNIT...

Elle est ondulée.
Quoi ? - La tôle.
C'est l'amiante
Mêlée au ciment.

Fibre nocive
Provoquant la toux
En un poème si nul
Et les joues en feu.

Des poumons humains,
Des bronches bouchées
Là tu t'engages
Et creuse ton trou.

Puisque de toi seul,
Fibre asphyxieuse,
Le Cancer s'exhale
Et l'on dit : enfin.

Là, pas d'espérance,
Nul charabia.
Science sans conscience
Le supplice est mûr.

Elle est ondulée.
Quoi ? - La plaque.
C'est l'Éternit
Sur la toiture.

Alfonsina Vandenbeulque

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posted by Lucien Suel at 12:07