Alexander Trocchi : Lettre à Samuel Beckett
Cette lettre d'Alexander Trocchi a été publiée par Philippe Billé en 1995 (Lettre documentaire n° 140)
30 août 1954
Cher M. Beckett,
Je ne vois pas très bien quelle sorte de réponse vous attendez ou espérez de moi. Le ton glacial de votre dernier courrier ne me rend pas la tâche facile pour dire quoi que ce soit.
En ce qui concerne votre texte dans le dernier numéro de Merlin, la décision de l'utiliser ici et pas dans le n° suivant fut prise à brûle-pourpoint, et Seaver m'avait assuré que le texte manuscrit était passé par vous. Je dois d'abord vous dire que je suis parfaitement convaincu que Seaver m'a dit la vérité sur ce point. Il a beaucoup trop de respect pour vous pour tenter de déroger à vos souhaits. De même pour les épreuves, les circonstances de l'impression de Merlin cette fois-ci ont fait qu'il a été impossible de vous les envoyer, et nos propres vérifications sur le manuscrit ont été si minutieuses que nous étions persuadés que vous seriez pleinement satisfait. Je suis sincèrement désolé que ce ne soit pas le cas. Je n'ai pas grand chose à ajouter à cela.
Quant à la question de nos dettes envers vous, je l'ai déjà expliquée. Toute la complication vient du fait que vous étiez en Irlande et que vous n'aviez pas laissé d'instructions précises. Comme vous le savez, c'est Girodias d'Olympia Press qui a conclu la vente et calculé les comptes pour Watt. Quand j'ai reçu votre dernière lettre, il traversait une période de vaches maigres et il lui était plutôt difficile de fixer une date précise pour le règlement. Heureusement, maintenant, sa situation s'est améliorée et je peux vous assurer que 85 000 francs seront versés sur votre compte parisien avant la fin de cette semaine.
Le fait que vous ayez pu, à propos d'une seule petite page, fournir autant de récriminations directes ou allusives, est à porter au crédit de votre talent littéraire, mais montre le peu de cas que vous faites de ce que je croyais être notre amitié. Je suis vraiment triste, à un point que je ne saurais dire, que vous vous soyez cru obligé d'adopter ce ton dans votre lettre.
Si vous vous trouviez à Paris, j'espère que vous changeriez d'idée à propos de votre manuscrit. En vérité, je ne pense pas que vous ayez beaucoup de raisons de vous plaindre de notre attitude à votre égard. Toute l'équipe a travaillé dur pendant longtemps et avec beaucoup de loyauté en vue de votre propre intérêt, et chaque fois qu'il aurait pu y avoir un éventuel désaccord, nous avons toujours fait passer vos désirs avant toute autre considération.
(traduit de l'anglais par Lucien Suel)
30 août 1954
Cher M. Beckett,
Je ne vois pas très bien quelle sorte de réponse vous attendez ou espérez de moi. Le ton glacial de votre dernier courrier ne me rend pas la tâche facile pour dire quoi que ce soit.
En ce qui concerne votre texte dans le dernier numéro de Merlin, la décision de l'utiliser ici et pas dans le n° suivant fut prise à brûle-pourpoint, et Seaver m'avait assuré que le texte manuscrit était passé par vous. Je dois d'abord vous dire que je suis parfaitement convaincu que Seaver m'a dit la vérité sur ce point. Il a beaucoup trop de respect pour vous pour tenter de déroger à vos souhaits. De même pour les épreuves, les circonstances de l'impression de Merlin cette fois-ci ont fait qu'il a été impossible de vous les envoyer, et nos propres vérifications sur le manuscrit ont été si minutieuses que nous étions persuadés que vous seriez pleinement satisfait. Je suis sincèrement désolé que ce ne soit pas le cas. Je n'ai pas grand chose à ajouter à cela.
Quant à la question de nos dettes envers vous, je l'ai déjà expliquée. Toute la complication vient du fait que vous étiez en Irlande et que vous n'aviez pas laissé d'instructions précises. Comme vous le savez, c'est Girodias d'Olympia Press qui a conclu la vente et calculé les comptes pour Watt. Quand j'ai reçu votre dernière lettre, il traversait une période de vaches maigres et il lui était plutôt difficile de fixer une date précise pour le règlement. Heureusement, maintenant, sa situation s'est améliorée et je peux vous assurer que 85 000 francs seront versés sur votre compte parisien avant la fin de cette semaine.
Le fait que vous ayez pu, à propos d'une seule petite page, fournir autant de récriminations directes ou allusives, est à porter au crédit de votre talent littéraire, mais montre le peu de cas que vous faites de ce que je croyais être notre amitié. Je suis vraiment triste, à un point que je ne saurais dire, que vous vous soyez cru obligé d'adopter ce ton dans votre lettre.
Si vous vous trouviez à Paris, j'espère que vous changeriez d'idée à propos de votre manuscrit. En vérité, je ne pense pas que vous ayez beaucoup de raisons de vous plaindre de notre attitude à votre égard. Toute l'équipe a travaillé dur pendant longtemps et avec beaucoup de loyauté en vue de votre propre intérêt, et chaque fois qu'il aurait pu y avoir un éventuel désaccord, nous avons toujours fait passer vos désirs avant toute autre considération.
(traduit de l'anglais par Lucien Suel)
Libellés : Traduction, Trocchi
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