mardi 11 janvier 2022

Un poème de Pierre Tilman

 Larmor Plage, 1981

 

que se taisent les images du monde

que cessent les injonctions de l'Histoire

et le parasitage

de mon bavardage intérieur

pour que quelque chose qui ressemble à l'amour

puisse enfin parler sans rien dire

ici dans cette pièce

de location

où bébé joue sur le sol de la

cuisine

avec des cubes de couleurs

en poussant des cris et des rires

et où sa maman

écoute de la musique

à la radio

avec la couronne bleue du gaz

et la table de formica rouge

et sur le mur une affiche d'Erró

près de l'horloge

avec le temps qui passe

et tout ce bruit est aussi léger que du silence

 

elle ouvre la porte du frigidaire

et nous sert deux verres de vin blanc

et son beau regard tragique et

fatigué comprend tout cela

et sa main se pose sur mon visage

 

et tout ce bruit est aussi léger que du silence

car il est fait de vie familière

et de non discours

il est le temps qui passe

ici dans cette pièce

(le temps sans espace à posséder

à conquérir et à défendre)

 

Ce poème de Pierre Tilman figure dans son "Anthologie immédiate", un ouvrage publié en juin 2021 aux éditions aérolithe dirigées par F.-X. Farine.

>> Contacter l’éditeur pour acheter le livre (12+3€ de FP en lettre suivie) : aerolitheeditions@gmail.com

>> Le blog des éditions : https://aerolitheeditions.blogspot.com/

 

 

Libellés : , , ,

posted by Lucien Suel at 07:31 1 comments

mercredi 9 janvier 2013

Un poème de François-Xavier Farine

Docker
C'était l'un
de mes premiers boulots
je devais me lever
à l'aube
pour rejoindre des
entrepôts désaffectés
à l'autre bout de la ville

le premier jour
j'ai sympathisé
avec un gars
qui venait de
sortir
de prison
nous passions notre temps
à remplir des caisses
de cartons
que nous empilions
ensuite les uns sur les autres
du sol jusqu'au plafond
ça a duré comme
ça toute la semaine

le midi
je mangeais par terre
adossé à un arbre
près de la grand-route
où les voitures défilaient
continuellement

Le soir j'avais des mollets
durs comme des cristaux de glace
et le corps complètement esquinté
je m'endormais
dès la première page
d'un livre
que je prenais
pour me vider la tête
de toute cette merde
accumulée toute la journée
mon cerveau paraissait
fondre à vue d’œil
dégouliner comme une sauce blanche

Le type
m'a rappelé
il était content de moi
tu veux revenir
la semaine prochaine
qu'il m'a fait
& j'ai dit non
merci vraiment
je dois retourner
à la faculté
Et d'après le silence confus du type
de l'autre côté de la ligne
j'ai compris
que c'était comme une improbable météorite
qui venait de s'écraser lourdement
sur ses chaussures.

© François-Xavier Farine - 6/12/2012. Inédit.
Ne manquez pas de visiter POEBZINE, le blog de F.-X. Farine.

Libellés : , ,

posted by Lucien Suel at 07:59 1 comments