La pensée née
de la lumière rit à la nuit.
Pas étonnant,
c’est la chanteuse de blues, esclave des cascades vitales qui trempe dans l’eau
tous les souvenirs comme un reflet de la ferme réalité et de ses divagations.
Le long du
métal hurlant, l’étranger est tombé sur le pare-brise gluant d’un camion. Se
détend les poings et salue les terriens.
Lancé sur la
courbure trépignante de l’espace temps, il enregistre à l’insu de tous le
contour multiple des forces désorganisées de cette planète. Regarde autour de
lui un déversoir d’images à éplucher .
À la recherche
de la carte de ce monde étrange, il frotte contre toutes les aspérités d’un
savoir de gratte-papier, une ébauche de l’alphabet des astres.
Le cristal de
sa conscience aspire la musique de blues perçue lors du passage sonore essuyé
lors de son atterrissage.
La musique
l’atteint encore par un ensemble de paramètres étrangers à son recyclage
de connaissances pourtant abouties noir sur blanc.
Retrouver la
source de cette musique pourtant surcharge banale strictement interdite du goût
divinatoire de sa planète.
Comprend qu’il
serait bon d’être sous la lumière du soleil depuis le premier jour, surtout du
printemps, mais ça peut prendre plus de temps que prévu.
Ces ondes
musicales, cri de l’étendu, sans doute aliment fantôme de ces êtres à deux
jambes. Le flairer, le débusquer, en suspecter le code.
Aligner,
synthétiser, analyser le dépôt des sons, matière première ni rare, ni précieuse
mais difficile à démêler.
Porosité des
sons organisés, malheureusement détournés par d’étranges et aveugles bruits
nocifs, bio-technologiques qui mordent de part et d’autre un corps encore
immesurablement mou.
Des voitures
poussent des hurlements atroces, cris intenables, quelque chose de très
décisif, déchirent ses aspérités. Rien ensuite.
Pas de mode
convenu, seuls des claquements stridents, impudents, angulaires, strangulaires.
Ces pouilleux
usurpateurs percent les circuits encore libres de ses réseaux internes, le
menacent jusqu’à évanouissement complet.
Parfois l’odeur
mobile de la musique hérissée de blues en foule lui revient.
Elle le caresse
comme une source avide, comme quoi vivante et fraîche. Couleur d’espoir
électrique de toute vraisemblance.
Manifestation
d’une nécessité impérative, il lui faut retrouver les contractions brutales qui
soufflent à angles de 90 degrés le volume du son.
Il retourne sur
ses pas, assez content de rester invisible au regard éteint des terriens trop
occupés à s’adresser à des êtres sur des bases solides.
Drôles
d’animaux domestiques, drôles de phénomènes, pense-t-il fasciné un moment sans
s’y complaire.
Ne peut encore
se concentrer autour d’une idée fixe. Ce semble que non. L’air terrestre
concentré passe difficilement à jamais dans ses branchies solaires.
Il manipule sa
réception verbo-visuelle sous son casque, bientôt arrive dans un lieu obscur.
La lumière
musicale croisée s’accroche, astuce de révélation dépouillée et cosmique, sans
intermédiaire dans sa partie supérieure, s’abandonne pure et simple.
Immense et seul
devant une bouche immense, espace-intro, cage ventrue précisément à l’inverse.
Se gave
d’urgence d’un délice sans cause, nourriture jusqu’à étranglement dans ce
temps, comme généralement.
De son côté,
veut éclater de cette voix, sans même fusionner en étoile limite.
Ne la trouve
prête. Hallucination stellaire pour lui tout seul ?
Se met en
interdit. Impersonnifié autant qu’il s’en insépare. En revient effeuillé.
Il s’approche
des lèvres noires suçoir, en canon de révolver, orchidée qui ne pousse pas chez
lui.
Se dénoue
lentement, se dilue, ruisselle, se répand aspiré à s’en couper le
souffle, se heurte sourd tramé à en devenir palpable.
Attention.
Risque de métamorphose incomplète qu’on ne sait pourquoi. Délivrance jointe à
l’effarement.
Colette Leinman, 9.2.2015