vendredi 2 septembre 2022

Permaculteur - Rockeur du Langage Poétique

 Un entretien avec Lucien Suel mené par "Poésie is not dead" le 27 août 2022 au hameau de La Tiremande. 

 Un panorama de l'activité du poète interrogé dans divers lieux : le jardin, le bureau, la bibliothèque, la salle d'archives, le bois, la terrasse... 

 Le montage est encadré par deux lectures de poèmes en vers arithmogrammatiques "Ossuaire" (1994) et "Les Tas" (extrait du poème "Les Terrils" composé en 2005)



 

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mardi 6 juillet 2021

Correspondant Tarkos (1)

 Publication au Silo des courriers envoyés par Christophe Tarkos à mon adresse entre novembre 1993 et mai 1999. Presque toutes les lettres sont manuscrites et, pour le confort du lecteur, feront l'objet d'une transcription.

Lettre 1, Paris, 10/11/1994

Christophe Tarkos

13 rue de l'Espérance 75013

45 81 44 05

Lucien Suel,

Merci pour votre envoi et pour ce texte trouvé collé sur l'enveloppe.

La situation générale :

*Pour R.R.: dont je vous envoie quelques numéros, feuillets légers, si vous voulez participer je serai content d'accueillir vos trouvailles et vos humeurs, et prendre le collage sur l'enveloppe.

*Pour L'évidence : un papier affichette sur "Les mots n'existent pas", thème spécial de ce numéro si ça vous dit / si ça peut rentrer

*Pour la revue qui n'existe pas encore les textes ne conviendraient pas (trop vivants pas assez choses, cela étant par rapport à ce qu'elle pourrait être)

par contre je voudrais y mettre de la pub des textes bien comme vous faites alors pour cela, il me faudrait des: titres + nom de l'édition - de votre association par exemple - de bons textes de votre connaissance ou d'amis à conseiller ou peu connus.

Voilà le boulot que je vous propose.

J'espère qu'il est bon vivre à Berguette (joli nom). Bonjour à Didier Moulinier.

Bon complotage

Cordialement

C.Tarkos.

_________________

Notes du destinataire

R.R. Revue éditée par Christophe Tarkos, 4 pages, format  A4, sur papier couleur, au contenu majoritairement rédigé ou dessiné par l'éditeur.

L'évidence Revue grand format éditée par Pierre Tilman et Marie-Hélène Dumas de1993 à  1998

Berguette : Village du Pas-de-Calais où j'habitais à l'époque. Est maintenant fusionné avec la ville d'Isbergues

Didier Moulinier, éditeur de La Poire d'angoisse (Revue de bondage linguistique et graphique paraissant tous les lundis à midi entre Août 1984 - Juillet 1987 m'a donné l'adresse de Christophe Tarkos et m'a conseillé de lui envoyer des textes "abrutis".

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samedi 25 avril 2020

Mes souvenirs de Christophe Tarkos


Pour bâtir un article sur Christophe Tarkos dans Le Nouveau Magazine Littéraire, Arnaud Viviant m'a posé cette série de questions dont je publie les réponses au Silo.

1°) Je ne sais presque rien de la biographie de Tarkos. Que savez-vous exactement de lui, de sa vie ?

J’ai pour la première fois entendu parler de Christophe Tarkos en 1994 par mon ami et éditeur Didier Moulinier1, à l’occasion d’une discussion autour de ce qu’il appelait « les textes abrutis », ce qui n’était assurément pas péjoratif dans nos bouches. Christophe habitait Paris à cette époque et apparemment travaillait comme gardien de nuit dans une usine. À l’automne 1994, je lui envoyai une grosse enveloppe pleine de différents travaux (collages, ready-made textuels, poèmes express caviardés, fragments écrits en vers justifiés, poèmes trouvés, poèmes-listes, exemplaires de Moue de veau, ma revue dada punk.) Il répondit avec beaucoup d’enthousiasme en joignant à son courrier plusieurs de ses poèmes et quelques exemplaires de sa revue RR. C’est ainsi que commença une correspondance amicale qui dura de 1994 à 1999 et au cours de laquelle il m’envoya près de 70 lettres ou cartes postales.
Tout au long de ces années, j’ai pu apprécier la radicale nouveauté de la poésie pour laquelle il vivait. Comme moi, il avait une famille et devait la nourrir. Autant que je sache, il était muni d’un Capes de lettres ou de documentation mais manifestement, il n’était pas fait pour servir dans l’éducation nationale et il a exercé d’autres métiers. Je sais qu’il a travaillé un moment dans une cabine de péage d’autoroute, qu’il a aussi été gardien d’une salle à la Bibliothèque Mitterrand. Il s’y occupait parfois à faire lire ses textes à voix haute par une machine-robot installée à destination des malvoyants. Il m’a envoyé quelques cassettes de ces lectures, et curieusement, la voix ressemblait à la sienne, avec un léger accent marseillais.
Né à Marseille, il faisait souvent l’aller-retour entre sa ville et Paris. Pendant un moment, après la naissance de son fils Micha, il avait entrepris de rénover un appartement dans le quartier de la Joliette à Marseille. Son activité dans le domaine de la poésie et de la performance a commencé à lui valoir une certaine notoriété. Il était invité dans de nombreux festivals de poésie, à Paris et en province, et aussi à Bruxelles et Rotterdam. Des liens s’étaient noués avec des poètes expérimentaux de longue date, des connaissances communes comme Julien Blaine, Joël Hubaut, Bernard Heidsieck ou Christian Prigent. Ses travaux étaient édités par Laurent Cauwet des éditions Al Dante, par Pierre Tilman (L’Evidence), par Thierry Weyd (Cactus) ou Vincent Tholomé (TTC). Il me sollicita aussi pour l’édition de son poème « Le Train2 » que je publiai en 1996 et il a aussi participé à la collection « Moue de veau » avec Le Sac et La Révolution. J’attirai l’attention d’Ivar Ch’Vavar sur l’écriture particulière de Christophe et à partir de 1996, il devint un des piliers de sa revue « Le Jardin Ouvrier3 ».
Il est venu deux fois à la maison, une fois seul et la seconde fois en famille avec sa femme Valérie Bendavid et son fils Micha, et en compagnie de Kati Molnar avec qui il réalisa la revue Poézi Prolétèr. De chez moi, ils se dirigèrent ensuite vers Amiens pour rendre visite à Ivar Ch’Vavar. Je sais qu’il est aussi allé à Bernay, en Normandie, invité par José Lesueur qui avait créé là un festival de poésie d’avant-garde. J’ai eu deux fois l’occasion d’être sur scène en sa compagnie, d’abord à Lyon, Villa Gillet, en octobre 1995, puis à Arras, en mars 1997, à l’Université d’Artois face aux étudiants, en compagnie de Jean-Pierre Bobillot et Sylvie Nève, et aussi de Christian Prigent et Bernard Heidsieck. Chaque fois, il me surprenait par sa capacité à improviser, notamment quand il « jouait » sa pièce Le petit bidon, avec une diction lente, appliquée, comme s’il mastiquait les mots, le visage sérieux, à la Buster Keaton, insensible aux rires du public. J’avais remarqué son attitude devant l’appareil-photo, comme il se figeait instantanément, fixant l’objectif sans le moindre sourire, avec quasiment un air farouche. J’avais l’impression qu’il voulait maîtriser au maximum son image.
Plus tard, nous avions abandonné le courrier papier et correspondions via internet. Je me souviens quand on lui a découvert cette tumeur au cerveau, au moment où il atteignait une certaine célébrité et que les éditions p.o.l. rééditaient ses premiers recueils. Il était de plus en plus sollicité et en même temps plus malade et fatigué mais essayant de conserver son calme et sa forme d’humour particulière.
Le 20 mars 2000, invité par Jean-Pierre Bobillot à l’Université Stendhal de Grenoble, j’avais lu en compagnie de Patrick Beurard-Valdoye et Bernard Heidsieck. Le lendemain à l’hôtel, je demande des nouvelles de la santé de Tarkos. Bernard Heidsieck nous parle du « Dîner d’adieu » organisé à Paris par Christophe pour ses amis. Je suis bouleversé.
Il devait nous quitter définitivement en novembre 2004, dix ans exactement après notre premier échange de lettres.

2°) Pouvez-vous raconter votre première et votre dernière rencontre avec lui ?

Nous avons eu de très nombreux échanges par courrier mais nous ne nous sommes vus qu’en quatre occasions. Avant la vulgarisation d’internet et des réseaux sociaux, une telle disproportion était fréquente, surtout pour moi qui habitais et continue d’habiter à l’écart des villes.
C’est donc à Lyon, à la Villa Gillet où Sylvie Ferré organise le festival « Poésie sonore/Poésie action », que, le samedi 28 octobre 1995, pour la première fois, je serre la main de Christophe Tarkos.
Sur le quai de Lyon-Part-Dieu, je suis accueilli par Jean-Pierre Bobillot, Julien Blaine, Charles Dreyfus, Sylvie Ferré, Joël Hubaut et Michel Giroud. Deux voitures nous emmènent Villa Gillet où, dans le parc, nous rejoignons Christophe Tarkos et Jacques Donguy. Pendant que nous bavardons, Christophe sort de son sac, un des sandwiches préparés par sa femme et le propose à Julien. Une première performance a lieu dans le parc avec Michel Giroud dont je me souviens qu’il faisait le coyote, son animal fétiche, en poussant des cris et en donnant des coups de marteau sur une canalisation en fonte. Les performances débutent ensuite dans la salle de spectacle. Pour ma part, je montre ma pièce « POESIE CONCRETE » dans laquelle j’enroule un de mes livres dans un grillage, le plonge dans un récipient transparent (étiquette POESIE) ; après quoi dans une auge je mélange sable gravier ciment et eau pour faire du béton avec lequel je recouvre le livre (étiquette CONCRETE). Je me souviens que Joël Hubaut termine sa performance prisonnier dans un pneu de voiture et que Julien Blaine enfile ses pieds dans deux carcasses de poulet en guise de pantoufles. La performance de Christophe Tarkos consiste en plusieurs déclamations-improvisations de ses textes mais je me souviens tout particulièrement de la fin où il enlève son pantalon. Debout en caleçon court à rayures, il transforme ensuite le pantalon en une sorte de sculpture arrondie munie d’un grand trou matérialisé par la ceinture dans les passants du pantalon. Il me semble qu’ensuite, il s’adresse au grand trou, mais que lui dit-il ? j’ai oublié. Je sais juste que je suis stupéfait par sa « prise de risque » et en même temps, je ris à gorge déployée.
Après les performances, pendant le pot chez Sylvie Ferré, Christophe et moi avons enfin la possibilité d’une longue conversation en tête à tête. On parle de la paternité, de Marseille, du jardinage, de Claude Pélieu avec qui je corresponds depuis une vingtaine d’années. On se retrouve ensuite en ville au restaurant Le Comptoir du Bœuf mais les poètes doivent payer leur repas. Christophe n’a pas beaucoup d’argent et il choisit de rester dehors. Je suis toujours embarrassé quand je repense à cette soirée… Je me souviens que plus tard, nous étions quatre à marcher la nuit dans Lyon pour rejoindre notre hôtel, Julien Blaine, Joël Hubaut, Christophe Tarkos et moi. Le dimanche matin, on se retrouve au petit déjeuner pour une autre conversation, Julien, Christophe, Katy Molnar et moi évoquant la Mittel Europa et les restes du communisme. Après quoi, nous continuons à bavarder en marchant le long du Quai des Célestins. Nous nous rassemblons l’après-midi chez Sylvie Ferré et de là, Jean-Pierre Bobillot nous emmène à La Part-Dieu. On se quitte rapidement car mon train est le premier à partir et que le temps est compté. Je reverrai Christophe deux ans plus tard après d’autres dizaines d’échanges de lettres, de poèmes, de cassettes et de livres.
Pour ce qui concerne notre dernière rencontre, voir ma réponse à la question suivante.

3°) Quel meilleur souvenir gardez-vous de lui ? 

Mon meilleur souvenir de Christophe, c’est quand il est venu me rendre visite dans les collines d’Artois en avril 1997. En fait, je ne le savais pas alors, mais c’était aussi notre dernière rencontre en chair et en os. J’en parle dans mon roman « Mort d’un jardinier4 » : Un soir de printemps Christophe fumait assis dans le jardin, tête levée vers le gros cerisier en fleurs, il t’a dit que toutes ces grosses boules blanches qui se détachaient sur le fond de la nuit étaient des feuilles de papier roulées en boules, les poèmes ratés que tu avais jetés dans la corbeille à papier, tu ne savais pas que ta corbeille à papier était le ciel d’ici…

4°) Selon vous, qu’a-t-il apporté à la poésie ?

Au vu du nombre de gens qui ont plus ou moins essayé de l’imiter dans son écriture, effectivement, il a bien dû apporter quelque chose à la poésie.
D’abord lui-même. Je considère qu’il était en soi le poème, sur scène ou dans la vie quotidienne. Et bien sûr, il y a la profusion des textes imprimés ou proférés ; la banalité des sujets choisis : le pot, les caisses, le train, le compotier, le damier, le lait, le carton ; le caractère brut de l’écrit, et parfois, le passage de l’écrit au dessin et inversement ; l’utilisation irraisonnée des listes, du ready-made ; le côté hypnotique de la répétition d’où l’expression de « texte abruti » dont je parlais au début de ce questionnaire.
Cette simplicité voulue est bouleversante et courageuse car elle entraîne le risque du ridicule, alors que le poète-poème se débat avec la matérialité du langage, ce qu’il appelle la pâte-mot (qu’il écrit « patmo ») et qui m’est apparue de suite comme une évidence lumineuse. En effet, quand on parle, quand ça parle, ça sort de la bouche tout collé toutcolléensemble il n’y a plus l’article, le nom, le verbe, etc… Tout est de la patmo. Et quand on entend le flot de patmo qui coule sans discontinuer dans les radios, les cinémas, les assemblées, les tribunaux, les réseaux dits sociaux, on ne peut que se taire et avoir envie de se terrer pour peut-être germer à nouveau dans le silence
Lucien Suel (pour Arnaud Viviant)
La Tiremande, janvier 2020
 
1 Il éditera en 1995 un volume consacré à Tarkos dans sa collection Les Contemporains Favoris
2 Station Underground d’Emerveillement Littéraire, ISBN 2-909834-27-1
3 Voir Ivar Ch’Vavar & camarades Le Jardin ouvrier 1995-2003, Flammarion, 2008
4 Folio Gallimard n° 5105

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mercredi 10 janvier 2018

L Suel à l'aveuglette en 2001 avec Dragibus et Merzbow (4/5)

En août 2001, Philippe Robert m’a interviewé longuement sous la forme d’un blind test. Il m’a donc envoyé par la poste (hé oui!) une cassette d’une dizaine de morceaux, à charge pour moi de les reconnaître et de répondre aux questions ayant un lien avec ce que j’avais entendu. Cet entretien a été publié en septembre 2001 à Grenoble dans le n° 49 de « Revue et corrigée ».
Nous le publions en cinq parties au Silo. Voici le quatrième épisode (bande-son : Dragibus et Merzbow.)


7.
Dragibus "Un roi si capable"
Là, je suis désolé mais je ne connais pas du tout. C'est un collage, une parodie, je pense à Spike Jones...

Tu as aussi une passion pour l'art brut et tous les artistes singuliers...
Je suis touché par ces gens qui, sans souci du qu'en dira-t-on poursuivent une vision, créent dans tous les sens, sans référence à une école, à un enseignement. Ici, près de chez moi, ont vécu des artistes singuliers comme Augustin Lesage, Joseph Crépin, des personnages étonnants comme Benoît-Joseph Labre au XVIIIème siècle, un moine vagabond et pouilleux, un ancêtre des beatniks (le patron des inadaptés sociaux !). Lorsque j'ai écrit le Mastaba d'Augustin Lesage, je n'ai eu qu'à me replonger dans mes propres souvenirs d'enfance, et j'avais l'ambiance, la simplicité et le fantastique quotidien.

Comment définirais-tu ton travail par rapport à ce que l'on appelle traditionnellement poésie ?

D'une manière générale, j'ai justement tendance à identifier poésie et travail. Et quand je dis que je suis un poète ordinaire, c'est à la fois parce que je travaille de manière ordinaire avec des objets ordinaires, mais c'est aussi parce que je mets de l'ordre ou tout au moins, j'essaie d'ordonner les choses, de lutter contre l'entropie. La poésie, c'est aussi un état d'esprit, une façon d'observer le monde. Le poème est de l'ordre de la prophétie, souvent, indépendamment du poète.
Mon écriture est précise, ordonnée, justifiée. Mes collages, ma poésie élémentaire ont au contraire un aspect chaotique et désordonné, mais c'est aussi une façon de réarranger (réenchanter ?) le monde.
Je me souviens que j'avais, en 1989, répondu aux deux questions : "Qui êtes-vous ? " et "A quoi pensez-vous ? ". Mes réponses avaient encadré mes Morceaux Choisis parus en 1990, dans la collection des Contemporains Favoris (Didier Moulinier éd.), y servant à la fois d'exergue et de conclusion. J'écrivais à l'époque :
"Quand je ne pense ni à la mort, ni à la stupidité du monde, ni aux pluies acides, je passe un doigt mouillé sur les filles de papier. Je suis un humaniste...
Maintenant, je suis devenu un peu trop gros pour faire du strip-tease. Et ça n'intéresserait plus grand monde. Je préfère manger des frites de ducasse et avaler de la bière en canettes de 25 cl. Les filles de papier sont plus fidèles que les filles électroniques. Je suis un passéiste."
Douze ans plus tard, l'état du monde ne s'est guère amélioré. De ce point de vue, il est bien évident que je peux continuer à affirmer que je suis un passéiste (Les progressistes sont un peu rances !). Je ne passe plus de doigt mouillé sur les filles de papier. Je n'achète plus ni magazines, ni journaux. Je n'ai même plus de récepteur de télévision. Je jette un regard mouillé sur les silhouettes dénudées des arbres, bouleaux, saules, peupliers, se détachant sur l'horizon gris, bleu ou rose. Je regarde le ciel, la ligne des Collines d'Artois ou celle des Monts de Flandre. Je préfère ça à n'importe quelle visite d'exposition artistique.
Comme disait d.a. levy, j'essaie simplement de rester un être humain malgré la technologie. Il m'est difficile de préciser à quoi je pense, je peux seulement dire que ma pensée est un flux. J'essaie de garder le contrôle au présent, entre passé et futur, entre espace et temps, entre forme et contenu, entre poire et fromage. Pour ce qui est de la bière, j'ai considérablement agrandi mon champ gustatif et je lève mon verre de Westmalle à la santé des amies et amis, lectrices et lecteurs.
Mémoire, résistance, vision, humour, voilà mes quatre vérités.

8.
Merzbow "#1, 21.42
Masami Akita, j'ai reçu ses premières cassettes en 1981, Lowest Music & Arts. Il était très engagé dans le mail art network. Il fait preuve d'une belle constance puisque 20 ans après il continue de fabriquer ces musiques concrètes. Un fan de Schwitters comme moi ne peut qu'apprécier et le nom (Merzbau, c'était le nom de la maison qu'il avait bâtie à Hanovre) et la démarche.

Tu récupères beaucoup de déchets...
T'intéresses-tu aux musiques qui se servent de la récupération pour créer de nouveaux environnements sonores ? (noise, techno, musiques électroniques actuelles ?)


C'est notre société qui produit beaucoup de déchets. J'ose dire qu'elle ne produit pratiquement que des déchets. Il y a peu de choses vraiment utiles dans les supermarchés ou les pages des catalogues (et internet, quel fantastique réservoir de déchets !). A la limite, beaucoup de nouveaux produits sont fabriqués directement pour la poubelle. C'est tout naturellement que je recycle ce que je trouve. C'est un principe naturel, lié au jardinage (l'idée de compost culture). Les déchets de toutes sortes et notamment pour ce qui me concerne, dans le domaine du papier imprimé, textes ou images ont tellement proliféré ces dernières années qu'ils deviennent eux-mêmes source de matière première (même dans l'industrie). Pour paraphraser Genesis P. Orridge, on ne dira plus Industrial Music for Industrial People mais "poésie de déchets pour un monde de déchets". Ce qui est vrai pour l'écrit et le visuel l'est aussi pour la matière sonore. Je n'ai pas trop le temps de m'y mettre ou d'en écouter, mais le sampling est pour moi analogue au poème express, au cut-up. Ce n'est pas un hasard si Burroughs a été souvent sollicité par des musiciens travaillant dans ce domaine.

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mardi 12 juillet 2016

Mauricette Beaussart - Vapeurs (1)


J'extrais des archives de la Station Underground d'Emerveillement Littéraire les huit chroniques intitulées « Vapeurs » que Mauricette Beaussart écrivit pour le poézine « Le Dépli amoureux » en 1987 et 1988.

En octobre, c'était la rentrée des classes et, invariablement, la maîtresse d'école donnait, comme sujet de première rédaction, aux grandes du certificat d'études : "C'est l'automne. Décrivez la nature à cette époque de l'année." Quand j'atteignis le Cours de Fin d’Études, comme les filles des années précédentes, je rédigeai les clichés habituels sur les jours qui raccourcissent, le brouillard matinal, les labours fumants ou la récolte des fruits. Je n'écrivais rien sur l'ouverture de la chasse car déjà, je pensais que les chasseurs avaient l'esprit aussi boueux que leurs bottes. Par contre, je m'attardais longuement sur la cueillette des noisettes, le ramassage des noix, les promenades à la recherche des rosés dans les prairies (on n'osait pas écrire "dans les pâtures"). Maintenant, je cueille les fruits littéraires en toutes saisons. Suis-je aussi mûre que les fruits de mon enfance ? C'est ce que semblent penser Dan et Guy Ferdinande qui ont pris le risque de me confier cet espace dans Le Dépli.
En cet automne de 1987, la récolte des poires né sera pas ce qu'elle aurait dû être. Elle va me manquer cette POIRE D'ANGOISSE dont je me tartinais les neurones depuis bientôt quatre ans. Elle disparaît à son 132éme numéro, sur une dernière image, ô combien symbolique ! "Autant en emporte le vent !", semble nous dire le gracieux postérieur féminin de la quatrième de couverture. En vérité, le vent a déjà emporté beaucoup de ces revues que nous aimons ; mais l'esprit souffle toujours, même pendant les accalmies. Je veux ici saluer le travail de http://contemporains-favoris.blogspot.fr/. A travers les 132 numéros de sa revue, il m'a fait découvrir tout un monde, la laideur et la beauté, la douleur et le plaisir, la poésie et l'humour, la mort et le rire. Lorsque j'appris qu'il cessait de publier sa revue, et la tristesse première évacuée, un sentiment de satisfaction me remplit en pensant au soulagement qui devait être le sien. Ce n'est pas impunément que l'on publie, à cette cadence, et dans l'esprit de liberté qui la caractérisait, une telle revue dans un environnement général de plus en plus avachissant. Didier Moulinier a choisi de publier LA POIRE D'ANGOISSE. Il a choisi d'en faire cesser la parution. Tout est bien.
Je ne chroniquerai donc jamais LA POIRE D'ANGOISSE, mais bien d'autres revues ont trouvé ou trouvent l'entrée de ma boîte aux lettres. J'en parlerai donc, ici ou ailleurs, maintenant ou demain. A l'heure ou le tube fécal cathodique nous propose des émissions dites littéraires, dans lesquelles des politiciens parasites, des viandes sportives ou des vampires publicitaires viennent faire étalage de leur fatuité, de leur bêtise ou de leur cynisme, il est réconfortant de voir que le monde des revues reste actif, vigilant et risque-tout.
J'en veux pour preuve l'existence d'une revue comme L'INVENTION DE LA PICARDIE. Je n'en finirais pas d'aligner les adjectifs qualificatifs à son propos. Je me contente d'écrire que L'INVENTION DE LA PICARDIE est une revue admirable et essentielle. En voici le deuxième numéro dans lequel nous retrouvons le tripode primordial : Ivar Ch'Vavar, Flip-Donald Tyètdégvau et Martial Lengellé, accompagnés d'invités de choix comme Pierre Garnier et la poésie spatialiste, Gilles Laprévotte élargissant l'espace, Michel Debray qui manipule le condensateur à lames variables, - nostalgiquement, Gaston Criel en bricoleur de mots qui sait de quoi il écrit, Guy Ferdinande qui dresse le constat à l'amer puis redresse la bête de son stylo, Christophe Petchanatz aux paupières serrées saisissant des visions braisées.
L'INVENTION DE LA PICARDIE arpente le versant provincial historique et linguistique avec une étude sur Jean-Baptiste-Louis Gresset (17O9-1777), l'injolemint de Coula é Miquèle publié anonymement en 1634, l'origine de Gayant, le géant douaisien... Mais ce qui motive encore davantage mon admiration, ce sont les textes signés Ivar Ch'Vavar, Martial Lengellé, Flip-Donald Tyètdégvau et aussi Ghislain Biblocque et Konrad Schmitt. Ceci est de la poésie, celle qui vous fait vibrer, qui vous exalte, qui vous hallucine, qui vous fait éclater de rire ou sangloter, qui vous met mal à l'aise ou qui vous fait fourmiller la cervelle. Je ne voudrais pas trop dithyramber, mais les "Colonnes" de Martial Lengellé, en même temps qu'elles renouvellent la forme du vers, fournissent naturellement un aliment combustible pour ma carburation névrotique. Ça sent l'être humain, ça n'est pas de la purée de vocables ! La suite de textes de Konrad Schmitt intitulée "La Libidoche" est à couper le souffle. Dans sa série "A la communale", Ch'Vavar réussit le prodige d'une écriture nostalgique à la fois grinçante et émouvante. Je retiens encore le "Premier Fragment Berckois" de Flip-Donald Tyètdôgvau, un texte hallucinant de malaise et de mystique argileuse qui vaut son pesant d'antibiotiques ! A quoi répond l'hilarant voyage psychédélique de Ghislain Biblocque sur la même plage de Berck. La polémique n'est pas absente avec une lettre de Roland Wulverdinghe qui s'en prend aux poètes chiants, et j'en connais aussi. Et Riquier Carrette qui règle leur compte aux cuistres universitaires, charognards perchés sur la tombe du grand Verlaine. "Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce que l'on y ajoute vient du malin." (Matth. 5-37). Pourtant, une chose encore, lisez et relisez L'INVENTION DE LA PICARDIE.
"Oui, oui", j'ai lu bien d'autres choses. "Non, non", je n'ai pas toujours cet enthousiasme. Peut-être serait-ce épuisant ! Pourtant, avant de conclure cette première chronique, j'aimerais vous entretenir de deux parutions récentes d'un intérêt certain. "Le Michel Champendal Illustré" sous-titré "Ingrédients" est un bel ouvrage, épais, bien imprimé (à 6O exemplaires) sur un très beau papier vert (très à la mode, cette année ! Michel Champendal qui a cessé ses activités de libraire, publie ici un échantillon de ce qu'il aima et rend ainsi hommage à la chose imprimée intelligente ; cela va de Jarry aux Freak Brothers, en passant par Clovis Trouille, Glen Baxter, Gaston Chaissac et bien d'autres. C'est un encouragement à la curiosité, à l'effort en fait, mais fouiner dans les revues de presse, dans les cartons de livres poussiéreux des marchés aux puces, dans les catalogues de livres d'occasion, est-ce vraiment douloureux ?
Par exemple, feuilleter dans la collection ELECTRE le dernier ouvrage de Sylvie Nève et de Mireille Désidéri est un plaisir d'ordre supérieur. Ce livre intitulé "Erotismées" est un enchevêtrement luxu(r)-riant, une forêt vierge (!) dans laquelle les dessins (desseins) de Mireille Désidéri et les mots (l'émoi) de Sylvie Nève se fondent dans l'imaginaire du lecteur qui se surprend à remuer les lèvres en même temps que ... les yeux. Oserais-Je les appeler consœurs ?

Le Dépli amoureux n° 41, octobre 1987.
Mauricette Beaussart
À suivre...

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vendredi 22 février 2013

Adresses en salade

1. Souvenirs de mon passage récent à Nantes invité par la Maison de la Poésie pour les Poèmes en Cavale.
- Lecture-performance à l’Université en partenariat avec Radio Prun’ : Rose devant rose derrière ; Trois  poèmes extraits de Visions d’un jardin ordinaire (Capucine, haricots, fumier) ; D’azur et d’acier ; Patismit. Écouter la lecture
Entretien et débat avec le public. Écouter l'entretien.
- Au Pannonica, lecture des trois derniers chapitres de Mort d’un jardinier avec le contrebassiste Bruno Chevignon. Lire la réaction d’un spectateur sur le blog Interférences.

 2.  Lecture embarquée sur le grand canal, lors du festival Voix Vives à Sète : Fille du Nord d’après Bob Dylan, poème extrait de Canal mémoire. Voir la vidéo de Françoise Lonquety
Une autre version du même poème avec Cheval23 à la Java, Paris. Voir la vidéo de Pierre Lamassoure.

3.  Les voleurs,  extrait du Manifeste sur le plagiat par William Burroughs (trad. L. Suel) sur le site de la Nouvelle Revue Moderne, avec un colhommage de Benjamin Noël. Lire le texte intégral.

4. Sur le blog de L’Autre Hidalgo (Christophe Bouvier), un extrait de Sombre ducasse (version justifiée) illustré par le calendrier de L’impossible ;  un extrait de La Foire, publié jadis dans 47 poètes une anthologie, Flammarion (La Foire a été le titre provisoire du recueil Canal mémoire). Toujours sur L’Autre Hidalgo, mes échanges avec Christophe Tarkos avant la publication du Train.

5. Quatre ans après la publication de Mort d’un jardinier, un nouvel article sur ce roman lu par Cécile Favereaux ici ou .

6.Sur son blog « Au hasard de connivences, art et poésie à 4 mains », jlmi22 accompagne d’un collage un court poème à propos de ma lecture de Sur la route. En prime, un film canadien de 54mn sur Jack Kerouac. 

7. Eric Dussert, préfet maritime, revisite, dans son Alamblog, la collection des Morceaux choisis, éditée par Didier Moulinier aux Contemporains favoris

8. Poème express n°363, un de mes préférés sur le Tumblr de My Four Sided Memory Machine.


10. La page de Canal mémoire, lexique des mots picards sur le blog La France qui s’évapore.

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jeudi 7 juillet 2011

Curiosités

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mercredi 6 avril 2011

Mais lis mes lots (2)

Sur le site de Parade, revue d'art et de littérature, un entretien réalisé par des étudiants de l'Ersep de Tourcoing en janvier 2003 pour le n° 1 de la revue.

Ce n’est pas dans le journal que j’ai appris la mort de Pierre Courtaud par une matinée d’oiseaux blancs dans le ciel. Un bel hommage de Sylvain Courtoux au poète éditeur de La Main courante.

Frank Doyen poèmexpresse sur le blog Tapages.

Souvenir du Café-Poésie à la Bibliothèque municipale de Liévin.

Opération Sauvegarde du sourire sur le blog de Jérôme Leroy. Voir l'ensemble des participations. Voir une participation particulière.

Contribution à une histoire de la poésie concrète, un article de Didier Moulinier.

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