vendredi 15 septembre 2023

Mauricette à bicyclette

 Sur la route à la brune entre Haverskerque et Guarbecque.

Traverse des effilochures de brume respiration du marais.

Mains serrées autour des poignées de plastique bleu pétrole.

De la force des mollets le cerveau transmet aux pédales pédalier chaîne dents de la roue libre moyeu jante et pneu.

 

Le caoutchouc frottefrotte la molette crantée de la dynamo.

Shhuintronronnement mécaniquement produit d'énergie humaine.

Lumière jaune devant rouge petit point tremblotant derrière.

La selle de cuir dur enveloppée dans un torchon à carreaux noué sous les ressorts pour améliorer le confort du siège.

 

Au bord de la jupe genoux ronds se frôlent au-dessus du cadre.

Tout le mouvement des muscles jumeaux des mollets fabrique transportsécurité rendementefficacité déplacementlumière.

Vélocité de la lumière au carré multipliée par poids du corps.

Lumière avance accélère ralentit en même temps que le vélo.

 

Rayon jaune danse sur le bas-côté de la route transperce déchiquette colorévèle les flaques grises du brouillard.

L'ombre déhanchée projetée par la lune s'esquinte à coller à la roue passe silencieusement au-dessus des profonds fossés.

Fraîcheur inodore sur la peau sur les gares debout du vélo.

 


Sur le pont de bois tout à coup d'un coup tout hoquette tout tout toutoutout tressautesausaute clicliclicqueticlette vévélolo cacatadioptre momolélé bouboudédénénénéné de Mauricette.

Dans la nuit qui vient les silhouettes des vaches et veaux plongés dans l'herbe haute de la nouvelle pâture ruminant.

 

Voici lune au fond de l'eau aperçue par-dessus la rambarde.

Vol silencieux d'une chouette paquet de viscères au bec.

Friss-chairdepoule-sson rapide chevilles tricotent le trajet.

Prisonnière Mauricette dans les phares de longue portée avec le vacarme du camion qui se rue vers la petite lumière rouge.

 

Gifle énorme du vent accumulé derrière le monstre et bbarrkk bouffée de diesel brûlé aspiré vaporisé au fond des narines.

Gros yeux rouges s'éloignent traînée de gaz et de poussière.

Corpsvélo titubant pour retrouver stabilité et régularité.

Oreille tendue chaîne et roulement route sous les roues.

 

De chaque côté du vélo maisons fenêtres bleuies par la maladie de télévision incurable cancerahlzeimer d'enfance à mort.

Voitures stationnées jusqu'à l'aube prochaine se pelliculant fin voile de buée et de molécules chimiques carbone et plomb.

Vélo immobile c'est le macadam un tapis autour de la terre.

 

Debout sur les pédales cheveux soulevés par la brise à l'aube à la nuit tombante au soleil en route infiniment direction paricilà droit devantderrière en rond en ronde toutoujours rouleroute parfum de sueur odeur d'éther retour en route sans fin sur soi-même éternel là-bas à rebours sur la route erout al rus…

Lucien Suel

Ce poème a été publié pour la première fois dans le recueil "Je suis debout" aux Éditions de La Table Ronde en mars 2014

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vendredi 9 juillet 2021

Correspondant Tarkos (3)

 Lettre 3 (à Mauricette Beaussart)


 

Paris 18/01/1995

Mauricette

Je te remercie beaucoup pour ton pot de confiture et pour les autres menues victuailles qui me nourrissent bien ici dans la grande ville, il faudrait que tu envoies ton lapin à Joël Hubaut mais il risque de le manger, j’aimerais bien en goûter un morceau, je m’excuse mais j’aime ta 102 dix petits collages, c’est bête, mais j’aime ça, je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire avec cet amour de ces conneries, parce qu’à mon avis il faut faire quelque chose avec ça, en tous cas tu es très gentille de m’envoyer des trucs comme ça ah ça oui alors je peux le dire sans me dédire, c’est con que je n’ai pas un restaurant à l’heure qu’il est.

Tata Rkos

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lundi 1 octobre 2018

Liste des arbres - RDO 56


Récupération des données ordinaires
dans
un extrait du roman « La Patience de Mauricette »

Liste des arbres du parc de l'Établissement Public de Santé Mentale d'Armentières établie par Mauricette Beaussart

Je le prouve et j’écris le poème des arbres du parc avec mes souvenirs et le livre « Quel est cet arbre ? ». Grâce à la dame de la bibliothèque.

Généalogie des arbres et des arbustes - 

le cèdre bleu généra le palmier phénix - 
le palmier phénix généra le catalpas des haricots verts - 
le catalpas généra le cerisier automnalis qui fleurit dans l'hiver boréal - 
le cerisier généra le fusain - 
le fusain généra l'if taxol qui soigne le cancer - 
le liquidambar généra le viburnum thymus qui sent bon - 
le viburnum généra la symphorine - 
la symphorine généra le cornouiller - 
le cornouiller généra le métaséquoia pour les mâts de bateau - 
le métaséquoia généra le tulipier d'Amérique - 
le tulipier généra le noisetier d'Abyssinie - 
le noisetier généra le mûrier du ver à soie - 
le mûrier généra le cognassier - 
le cognassier généra l'arbre aux mouchoirs - 
l'arbre aux mouchoirs généra le paulownia à fleurs bleues - 
le paulownia généra le cèdre bleu - 

Fin et commencement de la généalogie des arbres et des arbustes par Mauricette Beaussart, Retraitée de la Végétation Nationale -


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lundi 6 novembre 2017

Liste des pochettes de disques 45t et 33t sur lesquelles apparaissent des lunettes - RDO 17

Récupération des données ordinaires
dans

« Scruter pochettes »

(liste établie par Mauricette Beaussart avant sa disparition en tant qu'hétéronyme de Lucien Suel)



Les amies et les amis de mon (mon)espace connaissent l’éclectitude de mes marottes discographiques. Mais je n’avais jamais guidé les visites dans l’accumulation temporelle de ma passion vinyliphile.

Isolant la caractéristique « lunettes », chaussant les miennes, merci de me suivre d’abord dans la pièce de collection réservée aux disques de petit diamètre en pile désordonnée 
PIL Public Image John Lydon petites lunettes de soleil rondes / Plastic Ono Band Cold Turkey radiographies vertes des deux crânes de John & Yoko avec lunettes / Snake Finger The Spot lunettes coques opaques en plastique doigt de naja serpent à lunettes / Vibrators Bye Bye Baby gros plan avec lunettes noires de rocker / X RAY SPEX comme le nom l’indique / T. Rex The Groover Marc Bolan à quatre pattes grandes lunettes carrées verres colorés / The Rolling Stones Satisfaction ep photo couleurs les cinq dans la rue seul Keith Richards avec lunettes noires / Country Joe Mac Donald F.U.C.K. à Woodstock bandeau lunettes de soleil noires / Spherical Objects Seventies Romance photo une belle star lèvres peintes et grandes lunettes noires / The Dickies Banana Split portraits dessinés des quatre Dickies dont deux avec lunettes dont une paire noire / Ray Charles What’d I Say superbes lunettes noires sur toutes les pochettes.

Ensuite lentement arpentons ensemble la pièce de collection des disques de grand diamètre majoritairement classés dans l’ordre de l’alphabet, rangés dans les compartiments de mon étagère blanche Hic & Ha 
Agitation Free Malesh lunettes de soleil pour un musicien assis sur un rocher brûlant / Laurie Anderson Big Science lunettes high tech robotiques / The Beatles Revolver au dos Paul Georges Ringo lunettes noires Lennon les siennes NB John Lennon sans lunettes sur les photos des premiers albums / William Burroughs The Nova Convention avec John Giorno Frank Zappa & Patti Smith pour les 70 ans de WSB continue de porter ses lunettes / Captain Beefheart & His Magic Band Safe As Milk un musicien avec lunettes noires Trout Mask Replica back cover tous les magiciens musiciens avec des lunettes Doc At The Radar Station Eric Drew Feldman et Bruce Lambourne Fowler lunettes ordinaires / The Clash Sandinista seul Topper Headon le plus petit chapeau & lunettes noires / John Cooper Clarke Disguise In Love 1er album masque lunettes et moustache en plastique et au dos avec les lunettes noires Snap Crackle [&] Bop 2ème album badge John Cooper Clarke lunettes noires NB John Cooper Clarke lui-même dans son rôle vu récemment dans Control un beau film j’ai pleuré buée sur mes lunettes / Ivor Cutler Jammy Smears portrait en pied torse nu avec ses lunettes / The Damned 1er album Neat Neat Neat deux damnés entartés avec lunettes noires en plastique / Deep Purple In Rock intérieur pochette Ian Paice lunettes noires / Devo Are We Not Men cover le leader style lunettes de plongée au dos trois autres avec lunettes de soleil en plastique coloré cachées sous collants ou bas / Bo Diddley Where It All Began lunettes bleues / Dillinger Funky Punk Rock To The Music lunettes noires carrées / The Doors L.A. Woman Ray Manzarek organiste à lunettes / Bob Dylan Bringing It All Back Home back cover Dylan en noir & blanc avec lunettes noires de correction et aussi Allen Ginsberg & Peter Yarrow de Peter Paul & Mary lunettes normales de correction / Etron-Fou-Leloublan Les trois fous perdégagnent (au pays des...) au dos Guigou Chenevier casquette foulard lunettes de soleil / Ferré Grignard Captain Disaster cover lunettes rondes back avec grandes lunettes noires très anciennement je participai discrètement à l’enregistrement de ce LP / Lucien Francoeur Le retour de Johnny Frisson toute la panoplie du rocker pantalon moulant en cuir tatouages et lunettes noires / The Fugs Virgin Fugs lunettes noires sur un dessin de William Blake / Half Japanese Half Japanese Half Gentlemen Not Beasts les frères Fair David & Jad posent au dos du coffret tous deux lunettes à reflets jaunes / Richard Hell and The Voidoids Blank Generation back cover seul le batteur ne porte pas de lunettes les trois autres lunettes de soleil / Jefferson Airplane Crown Of Creation Paul Kantner avec lunettes à la WSB Jack Casady lunettes noires rondes Spencer Dryden grandes lunettes noires / Krackhouse The Whole Truth lunettes de Mike Sappol / Longshoremen Grr Huh Yeah sur Subterranean Dave "Dog" Swan avec lunettes à la WSB / Melmoth La devanture des ivresses Melmoth a.k.a. Dashiell Hedayat alias Jack-Alain Léger inner sleeve pose de star avec lunettes noires / Mothers Of Invention Uncle Meat rear cover portraits de Zappa Sherwood Estrada Gardner et Tripp avec lunettes noires / The Move Something Else From The Move lunettes noires du chanteur Carl Wayne / Patti Smith Group Horses 1er album au dos Lenny Kaye grandes lunettes teintées Radio Ethiopia 2ème album au dos Patti Smith lunettes noires à côté d’elle Lenny Kaye mêmes lunettes teintées Easter 3ème album toujours au dos en couleurs mêmes lunettes pour Lenny Kaye / The Psychedelic Furs India 1er album seul sur six le bassiste Tim Butler avec lunettes noires / Pulp Little Girl (With Blue Eyes & Other Pieces) grandes lunettes transparentes de Jarvis Cocker / The Ramones Rocket To Russia (Missiles pour Moscou) le grand Ramone et le petit Ramone à gauche et à droite avec des lunettes noires encadrant les deux moyens Ramones sans lunettes / Soft Machine vol. 2 Pataphysical Introduction Hugh Hopper lunettes Third 3ème album page intérieure allongés sur un grand lit, Hugh Hopper mêmes lunettes et Mike Rattledge étroites lunettes fumées 4 4ème album couverture Mike Rattledge mêmes lunettes et au dos Hugh Hopper mêmes lunettes / Specials 1er album A Message To You Rudy sept hommes tous en costumes cinq Blancs deux Noirs lunettes noires pour un Blanc et pour un Noir quatre ou cinq cravates deux ou trois cols ouverts / The Stranglers The Raven tous debout à l’avant d’un drakkar seul Jean-Jacques Burnel ne porte pas de lunettes noires / Suicide 1er album Ghost Rider au dos Alan Vega Martin Rev grandes lunettes noires / Wire Pink Flag guitariste bassiste B. C. Gilbert blue eyes lunettes rondes / Yellowman Live At Kilimandjaro featuring Sqiddly Non Stop Music lunettes carrées à verres jaunes (vert jaune) / 

Cette blanche étagère s’apparente de plus en plus dans le temps qui passe à un cénotaphe pour le souvenir des disparus de rock musique. Où sont passées leurs lunettes ? Je ne sais qui, de David ou de Rico, les leur a posées une dernière fois sur le nez. C’est ma vie, pour l’instant je ne suis pas morte même si c’est maintenant la fin de ma (notre) visite à thème lunetier des rayons de ma discothèque dans la Mapad de X...


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mardi 12 juillet 2016

Mauricette Beaussart - Vapeurs (1)


J'extrais des archives de la Station Underground d'Emerveillement Littéraire les huit chroniques intitulées « Vapeurs » que Mauricette Beaussart écrivit pour le poézine « Le Dépli amoureux » en 1987 et 1988.

En octobre, c'était la rentrée des classes et, invariablement, la maîtresse d'école donnait, comme sujet de première rédaction, aux grandes du certificat d'études : "C'est l'automne. Décrivez la nature à cette époque de l'année." Quand j'atteignis le Cours de Fin d’Études, comme les filles des années précédentes, je rédigeai les clichés habituels sur les jours qui raccourcissent, le brouillard matinal, les labours fumants ou la récolte des fruits. Je n'écrivais rien sur l'ouverture de la chasse car déjà, je pensais que les chasseurs avaient l'esprit aussi boueux que leurs bottes. Par contre, je m'attardais longuement sur la cueillette des noisettes, le ramassage des noix, les promenades à la recherche des rosés dans les prairies (on n'osait pas écrire "dans les pâtures"). Maintenant, je cueille les fruits littéraires en toutes saisons. Suis-je aussi mûre que les fruits de mon enfance ? C'est ce que semblent penser Dan et Guy Ferdinande qui ont pris le risque de me confier cet espace dans Le Dépli.
En cet automne de 1987, la récolte des poires né sera pas ce qu'elle aurait dû être. Elle va me manquer cette POIRE D'ANGOISSE dont je me tartinais les neurones depuis bientôt quatre ans. Elle disparaît à son 132éme numéro, sur une dernière image, ô combien symbolique ! "Autant en emporte le vent !", semble nous dire le gracieux postérieur féminin de la quatrième de couverture. En vérité, le vent a déjà emporté beaucoup de ces revues que nous aimons ; mais l'esprit souffle toujours, même pendant les accalmies. Je veux ici saluer le travail de http://contemporains-favoris.blogspot.fr/. A travers les 132 numéros de sa revue, il m'a fait découvrir tout un monde, la laideur et la beauté, la douleur et le plaisir, la poésie et l'humour, la mort et le rire. Lorsque j'appris qu'il cessait de publier sa revue, et la tristesse première évacuée, un sentiment de satisfaction me remplit en pensant au soulagement qui devait être le sien. Ce n'est pas impunément que l'on publie, à cette cadence, et dans l'esprit de liberté qui la caractérisait, une telle revue dans un environnement général de plus en plus avachissant. Didier Moulinier a choisi de publier LA POIRE D'ANGOISSE. Il a choisi d'en faire cesser la parution. Tout est bien.
Je ne chroniquerai donc jamais LA POIRE D'ANGOISSE, mais bien d'autres revues ont trouvé ou trouvent l'entrée de ma boîte aux lettres. J'en parlerai donc, ici ou ailleurs, maintenant ou demain. A l'heure ou le tube fécal cathodique nous propose des émissions dites littéraires, dans lesquelles des politiciens parasites, des viandes sportives ou des vampires publicitaires viennent faire étalage de leur fatuité, de leur bêtise ou de leur cynisme, il est réconfortant de voir que le monde des revues reste actif, vigilant et risque-tout.
J'en veux pour preuve l'existence d'une revue comme L'INVENTION DE LA PICARDIE. Je n'en finirais pas d'aligner les adjectifs qualificatifs à son propos. Je me contente d'écrire que L'INVENTION DE LA PICARDIE est une revue admirable et essentielle. En voici le deuxième numéro dans lequel nous retrouvons le tripode primordial : Ivar Ch'Vavar, Flip-Donald Tyètdégvau et Martial Lengellé, accompagnés d'invités de choix comme Pierre Garnier et la poésie spatialiste, Gilles Laprévotte élargissant l'espace, Michel Debray qui manipule le condensateur à lames variables, - nostalgiquement, Gaston Criel en bricoleur de mots qui sait de quoi il écrit, Guy Ferdinande qui dresse le constat à l'amer puis redresse la bête de son stylo, Christophe Petchanatz aux paupières serrées saisissant des visions braisées.
L'INVENTION DE LA PICARDIE arpente le versant provincial historique et linguistique avec une étude sur Jean-Baptiste-Louis Gresset (17O9-1777), l'injolemint de Coula é Miquèle publié anonymement en 1634, l'origine de Gayant, le géant douaisien... Mais ce qui motive encore davantage mon admiration, ce sont les textes signés Ivar Ch'Vavar, Martial Lengellé, Flip-Donald Tyètdégvau et aussi Ghislain Biblocque et Konrad Schmitt. Ceci est de la poésie, celle qui vous fait vibrer, qui vous exalte, qui vous hallucine, qui vous fait éclater de rire ou sangloter, qui vous met mal à l'aise ou qui vous fait fourmiller la cervelle. Je ne voudrais pas trop dithyramber, mais les "Colonnes" de Martial Lengellé, en même temps qu'elles renouvellent la forme du vers, fournissent naturellement un aliment combustible pour ma carburation névrotique. Ça sent l'être humain, ça n'est pas de la purée de vocables ! La suite de textes de Konrad Schmitt intitulée "La Libidoche" est à couper le souffle. Dans sa série "A la communale", Ch'Vavar réussit le prodige d'une écriture nostalgique à la fois grinçante et émouvante. Je retiens encore le "Premier Fragment Berckois" de Flip-Donald Tyètdôgvau, un texte hallucinant de malaise et de mystique argileuse qui vaut son pesant d'antibiotiques ! A quoi répond l'hilarant voyage psychédélique de Ghislain Biblocque sur la même plage de Berck. La polémique n'est pas absente avec une lettre de Roland Wulverdinghe qui s'en prend aux poètes chiants, et j'en connais aussi. Et Riquier Carrette qui règle leur compte aux cuistres universitaires, charognards perchés sur la tombe du grand Verlaine. "Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce que l'on y ajoute vient du malin." (Matth. 5-37). Pourtant, une chose encore, lisez et relisez L'INVENTION DE LA PICARDIE.
"Oui, oui", j'ai lu bien d'autres choses. "Non, non", je n'ai pas toujours cet enthousiasme. Peut-être serait-ce épuisant ! Pourtant, avant de conclure cette première chronique, j'aimerais vous entretenir de deux parutions récentes d'un intérêt certain. "Le Michel Champendal Illustré" sous-titré "Ingrédients" est un bel ouvrage, épais, bien imprimé (à 6O exemplaires) sur un très beau papier vert (très à la mode, cette année ! Michel Champendal qui a cessé ses activités de libraire, publie ici un échantillon de ce qu'il aima et rend ainsi hommage à la chose imprimée intelligente ; cela va de Jarry aux Freak Brothers, en passant par Clovis Trouille, Glen Baxter, Gaston Chaissac et bien d'autres. C'est un encouragement à la curiosité, à l'effort en fait, mais fouiner dans les revues de presse, dans les cartons de livres poussiéreux des marchés aux puces, dans les catalogues de livres d'occasion, est-ce vraiment douloureux ?
Par exemple, feuilleter dans la collection ELECTRE le dernier ouvrage de Sylvie Nève et de Mireille Désidéri est un plaisir d'ordre supérieur. Ce livre intitulé "Erotismées" est un enchevêtrement luxu(r)-riant, une forêt vierge (!) dans laquelle les dessins (desseins) de Mireille Désidéri et les mots (l'émoi) de Sylvie Nève se fondent dans l'imaginaire du lecteur qui se surprend à remuer les lèvres en même temps que ... les yeux. Oserais-Je les appeler consœurs ?

Le Dépli amoureux n° 41, octobre 1987.
Mauricette Beaussart
À suivre...

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mercredi 12 août 2015

Une lettre de Mauricette à Evelyne



Des archives de Mauricette Beaussart, nous exhumons cette lettre en vers justifiés à Evelyne S. Nourtier écrite en 1988.

Chère amie je propose à
vivre une folie vitale.
Monde pauvre ! Pelotons
Dans ton giron, rayonne
D’extase en la chapelle
Close amoureusement : ô
Con aspirant le paradis
Et rêvant des tripes au
Chaud, ô con, je ne ris
Pas à part entière tous
Les jours. Continuelle,
Une poésie au cœur sale
Naufragé de sauvage île
Déserte. Elle, nue, est
La volonté de notre âme
Faible. Des centaines à
Préparer, à chaque coin
De rue, à tendre la vie
De notre isolement. Les
Tabous dans la rue pour
S’y avilir, s'y noyer à
L’œil et au doigt ! Con
Tact Ricochet ! Elle se
Touche elle-même. Nous,
Nous sentons dans leurs
Kiosques nécessaires et
Consacrées, uniques car
Différentes. Ô Evelyne,
Êtes-vous partante ? On
Créera un parti pourri.
La vie franco de port à
Cohabiter. Seriez-vous,
Souriez-vous ? Partons.
Lançons l'opération : À
Geindre au fond du veau
Général libre. Les cors
Donnés de toute barmaid
Seront insérés tous les
Deux mois dans chacune.
C'est le gage important
De ce contrôle chez les
Revendeurs. Nous trions
Les fiches éventuelles.
Action gratuite bien de
Ces attendus. Aucune de
Ces responsabilités n'a
Cours dans le matériel.
Bien entendu, nous nous
Communiquons cette vie.
Quoiqu'il puisse nous y
Encourir. Sororalement.
Mauricette Beaussart.

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mercredi 3 juin 2015

JOURNAL INCOMPLET DE MME B. - octobre 2007 - V



Lundi
Les gelées blanches cuisent les dernières scaroles. Je les lave et ça me nettoie aussi les ongles. J’ai réussi à retirer ma bague avec le doigt luisant de liquide vaisselle. C’est une rage. Mousseuse.
Tous les médicaments mélangés à jeun au milieu du repas matin midi et soir à sucer ou à croquer. Est-ce que ma vie s’allonge ? C’est moi qui m’allonge. Tapis ou paillasson.
Mardi
Quand le téléphone sonne, c’est presque toujours une erreur ou on me demande si je suis satisfaite de la qualité de mon eau. Je sais qu’il ne faut pas répondre ou sinon la semaine suivante un représentant vient me voir et me dit que je suis une famille témoin pour l’adoucisseur. Moi, une famille témoin ! Toute ma famille est alignée dans des albums photos poussiéreux.
Mercredi
J’ai réussi à économiser 23 euros.
Demain c’est la Toussaint. Je reste au lit ou dans le fauteuil.
Journal de Kierkegaard : « Saisissant d’y penser ! Hors de la ville sont les jardins des morts – un lopin de tenancier, à peine même la taille d’une tenure, et qui enferme pourtant tout le contenu de la vie. Un compendium fidèle de tout le réel, un bref sommaire, une édition de poche ! ». Il écrit pour moi.

Note de l'éditeur : Ainsi s'achève la publication de ce "Journal incomplet de Madame B." Si d'autres extraits de ce journal  nous viennent sous les yeux, les lectrices et lecteurs du Silo en seront avertis.

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mercredi 27 mai 2015

JOURNAL INCOMPLET DE MME B. - octobre 2007 - IV



Mardi
Je suis ma seule lectrice. Je me berce en relisant. Je me berce en lisant d’une voix monotone. Avec France-Musique en sourdine, la voix contralto de Kathleen Ferrier.
Parfois la maison me semble un décor en réduction de l’hôtel de Shining. Je me rappelle de cette phrase écrite des milliers de fois par l’acteur : « all work and no play makes jack a dull boy ».
Mercredi
Sans doute l’évocation du film et le vent qui souffla sur la vitre la nuit entière et le résultat fut un sommeil éparpillé dans des draps qui piègent les mollets s’enroulent en tortillons. Les tempes qui m’écrasent comme un serre-livres. Obligée d’avaler un gros paracétamol 1000 avec mon premier café. Je n’ai plus de Spartan. Je mange la moitié d’une Belle-Fleur-Double. Ces pommes sont trop grosses pour ce qui reste d’appétit à entretenir ma carcasse allégée.
Vendredi
Plus jeune, je goûtais volontiers l’acrimonie et la précision du Journal de Léautaud mais trop de ragots, pas de compassion. J’ai besoin de compassion même feinte, sans doute toujours feinte. Alors je préfère celui de Kierkegaard. Et aussi celui de Kafka qui me fait rire et pleurer d’une page à l’autre.
Dimanche
J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends. J’attends.

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