samedi 31 août 2024

Benoît-Joseph Labre (1748-1783)

 CANDÉLABRE POUR BENOÎT


Les ossements de Benoît

brunissent délicatement

dans la cave romaine de

Sainte-Marie-des-Monts.


Seule à avoir réintégré

le village natal, celée

sous le maître-autel de

l'église d'Amettes, une

rotule témoigne. Sur la

route poussiéreuse bave

l'articulation épuisée.


Les sorciers démocrates

avaient exalté le virus

du travail, le laudanum

culturel, le paillasson

de l'ordre et la bougie

nauséeuse de la raison.


Voici Benoît Labre. Lui

sanctifie l'oisiveté en

ce siècle où la torture

machiniste commence ses

ravages dans les villes

anglaises pour déferler

à la fin sur la planète

dégradée. Lui sanctifie

la pauvreté en ce temps

où l'infâme bourgeoisie

se glorifie de la ponte

ininterrompue d'abjects

objets de consommation.


Lui sanctifie l'errance

à cette époque où enfle

l'arrogance gélatineuse

du moindre propriétaire

immobilier. Lui, le Job

artésien, qui sanctifie

la crasse, la saleté et

la pouillerie quand les

pommades hygiéniques et

les savons aromatiques,

les lotions et les sels

de bain ne parviendront

jamais à dissimuler les

fétidités scatologiques

émanant de l'âme de ces

philistins imperméables

à la grâce et à la vive

lumière du pur amour de

Jésus. Voici Benoît, le

vagabond absolu, le fou

de Dieu, l'ermite sorti

de l'Artois qui soulève

la poussière des routes

de l'Europe, qui saigne

des genoux sur la dalle

froide des sanctuaires.


Né dans une mercerie de

village et mort dans la

boucherie de Zaccarelli

à Rome, entre temps, il

aura, pédestrement, été

le voyageur déguenillé,

le roi de la gyrovagie,

le cul-terreux volatil,

le paresseux persécuté,

le poignant diététicien

des captifs de Calabre,

le trappiste itinérant,

le rouquin lentigineux,

ou le contemplatif zen.


Son corps se délabrera,

carcasse minée par trop

de kilométrage. La peau

de Benoît-Joseph tannée

par la neige, la pluie,

le soleil et l'angoisse

a perdu l'éclairage pur

qui était le sien quand

enfantin, il trottinait

dans la pâture en pente

qui séparait la demeure

familiale de l'église à

Amettes sur la colline.


Quand il suivait le fil

de la Nave, en rentrant

de Nédon, le soir, avec

la tête levée vers Dieu

Le Père scintillant sur

les cumulus de janvier,

il remuait les lèvres à

haute voix, se récitant

le rosaire, et le vent,

souffle glacial et vif,

lui jetait à l'oreille,

le meuglement butyrique

des vaches emprisonnées

pendant l'hiver boréal.


Plus tard, sur la route

de Rome, à travers Jura

et Alpes, il retrouvera

le cri familier mêlé au

tintement des clarines.

Il pensera encore à son

travail de vacher quand

la peste faisait gicler

la mort dans le village

d'Erin où il étudiait à

se démolir la cervelle,

les sermons oratoriens.


.......................


Benoît-Joseph Labre n'a

jamais mûri de projets.

Il n'a pas connu le gaz

homicide, ni le bestial

endoctrinement télévisé

par satellite, la folie

meurtrière programmée à

travers l'espace, le dé

pipé du vote universel.


Benoît-Joseph Labre n'a

vécu qu'au jour le jour

avec foi, sans lois. Il

laisse sa porte ouverte

au dada mystique. Amen.

Lucien Suel

Benoît-Joseph Labre né en 1748 à Amettes (Pas-de-Calais), mort à Rome en 1783, a été canonisé en 1881. 

J'ai composé ce poème en 1987 à la demande d'Ivar Ch'Vavar qui l'a publié dans le n° 3 de sa revue "L'Invention de la Picardie". Cette colonne en vers justifiés de 23 signes typographiques figure dans mon recueil "Petite Ourse de la Pauvreté" disponible sur le site des éditions du Dernier Télégramme.


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jeudi 2 novembre 2023

R.R. 2 Christophe Tarkos

 De 1993 à 2000, Christophe Tarkos (en compagnie de Nathalie Quintane et Stéphane Bérard) fut l'éditeur de la revue R.R. (4 pages au format A4)

Voici le fac-similé du numéro 2 avec des participations de Captain Cavern, Lucien Suel, Ivar Ch'Vavar, Tarkos, Julien Blaine, Thierry Dessolas, Michel Valprémy, Michel Seuphor, Charles Dreyfus et Jean-Pierre Bobillot






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lundi 7 août 2023

Eszalo - Les saules - Los sauses - De knotwilgen

Mon poème Eszalo (Les Saules) a été publié par Ivar Ch'Vavar en mars 1998 dans "le jardin ouvrier" n° 16. C'est mon deuxième poème écrit en langue picarde, après Duki son chévio (Où ont les veaux ?)

Il existe à ce jour trois autres versions de ce poème : en français, en néerlandais et tout récemment une version en occitan, traduction de Bruno Peyras qui a également traduit Patismit dans sa langue occitane pour la revue "OC". Nous avons lu ces deux poèmes, en picard et en occitan, pour le public présent à Sète à l'occasion du festival Voix Vives 2023.

Voici donc les quatre versions du poème avec une photo de Josiane Suel

los sauses

son los arbres que m’agradan mai los ai totjorn agachats

plan tendrament e mai quand èri jove

èron de bon escalabrar e sovent

de passerats pichons i nisavan pels traucs

ara es pas parièr soi pas mai pro sople

per escalabrar los arbres e mai de sauses e quant als passerats

los daissi en patz dins son nis mas demòra quicòm

ambe’ls sauses soi totjorn plan content quand

ne vesi un aquò’s pas talament las fuèlhas es segur que

son polidetas semblan lo peis que se ditz espinagueta

e i a tanben aquela bona nolença quand se passa dejós

mas cresi que se los aimi tant es perqué tenon

pas una fòrma naturala es l’òme que los cepa

segur qu’es el es l’òme que lor dona un

cap una cabassa plena de bòças e mai ieu

ne cepèri de sauzes los plantèri aicí al cap de mon

òrt ja fa qualquas annadas veses te cal préner

una branqueta jove de sauze la cal enfonsar dins la tèrra

aquò farà totjorn de fuèlhas e de raices puèi ba copas

e torna far de brancas a la cima l’annada d’apuèi e ben

las tornas copar, fas atal cada an ba fas metam

pendent cinc sièis ans a fòrça lo cap se fòrma

puèi ba cal pas copar tan sovent ba daissas venir gròs

ambe’ls sauzes se degalha pas res se poiriá dire

que lo sauze es lo porcèl de l’òrt tot i es bon

ambe las fuèlhas se fa de fems, s’utiliza los ramèls

per paisselar los plants de peses cal préner las brancas mai longas

pels favòls a ramas quand son bravament gròssas

se’n pòt servir de lenha e quand lo sauze ven

vièlh qu’es a mitat poirit se càmbia en terranha

ne metes dins los geraniums mas çò que i a de pus bèl

ambe’ls sauzes es qu’an lo cap a la meteissa nautura

que tu e ieu quand soi a costat d’un alavetz

me pòdi pas empachar d’i passar tot doçament

la man pel cap li careçi son capàs.

Adaptacion a l’occitan Bruno Peiràs
(ajudat per Josiana Ubaud pel vocabulari bontanic)

 

 

eszalo

chészap ekjalpuker jesza toudi ravizé
aveukgramin dtindrech memkankjétojonn
izétott facilagrimpé é yavokor souvin
déjonnmuchlo kiféjott leuni dinchétro
asteur chépuparel jénsumipu acésuptil
poumontéaszap mem edszalo épichémonio
jlélechtrankil dinleuni méyacorkitkos
ackeszalo echsu toudi finbénach kanké
jninvouin chépontanchéfeul chéssurkal
sonbélott aszarsonn adé tiott zépinok
épiya chbonsintimin kankonpassindzeur
méchkrouksi keusza ker chetakos kizon
pon ennformnaturel chéchlomm kiléform
ché sur chéli chéchlomm kileudonn enn
tett enn gross tett plennedboch mimem
jennafé dzalo eszaplanté ichioboudmin
gardin yadja kikzané tévou ifo printt
enn jonnbrankdalo ifolintiké dinlterr
chafétoudidéfeul édérachenn épitélkop
éyarfé débrank totin o lanédapré ébin
tzarkop téfékomchatouszan telfé méton
pindinchenksizan aforch eltett asform
aprételkoppu sisouvin tel lechgrochir
ackeszalo tenn gaspilpon mirin tédiro
klalo chélpourcho dechgardin touyébon
chéfeul chédufi-in chétitt zéramur in
léprin pouchétiopo é chélonkbrank ché
pouszarikoaram kankinna dévrémingross
téléprin poutkofé épikankchlalo i vi-
in viu kiéamitanpouri chafédutéro tel
médinché jéraniom mécor chakia dpubio
ackeszalo chékizonleutett almem oteur
kti é mi kankechsuakoté denn alo jenn
peuponfer otremin kedpassé touduchmin
em-min sustett jli karess esgrosstett
Lucien Suel

Photo Josiane Suel

les saules

ce sont mes arbres préférés je les ai toujours regardés
avec beaucoup de tendresse même dans ma jeunesse
on pouvait y grimper aisément et souvent
de jeunes moineaux y faisaient leur nid dans les trous
maintenant les choses ont changé je ne suis plus assez souple
pour grimper dans les arbres même les saules quant aux moineaux
je les laisse en paix dans leur nid mais il reste quelque chose
avec les saules je suis toujours content quand
j’en aperçois un ça n’est point tant à cause des feuilles c’est sûr qu’elles
sont jolies on dirait des petites épinoches
et il y a aussi cette bonne odeur lorsqu’on passe en dessous
mais je crois que si j’aime tant les saules c’est parce qu’ils n’ont
pas une forme naturelle c’est l’homme qui les forme
c’est sûr c’est lui c’est l’homme qui leur donne une
tête une grosse tête pleine de bosses j’ai moi-même
formé des saules je les ai plantés ici au bout de mon
jardin voilà déjà quelques années vois-tu il te faut prendre
une jeune branche de saule il faut l’enfoncer dans la terre
ça fera toujours des feuilles et des racines ensuite tu coupes
et d’autres branches repoussent au sommet l’année suivante eh bien
tu les coupes encore tu procèdes ainsi tous les ans tu fais ça disons
pendant cinq ou six ans à la fin la tête se forme
ensuite il ne faut plus couper aussi souvent tu laisses grossir
avec les saules on ne gaspille rien on pourrait dire
que le saule c’est le cochon du jardin tout est bon chez lui
on composte les feuilles on utilise les rameaux
pour tuteurer les plants de petits pois on prend les plus longues branches
pour les haricots à rames quand elles sont vraiment grosses
on peut s’en servir pour le chauffage et quand le saule
vieillit qu’il est à moitié pourri il se transforme en terreau
tu en mets dans les géraniums mais ce qu’il y a de vraiment bien
avec les saules c’est qu’ils ont leur tête à la même hauteur
que toi et pour ma part quand je suis à côté d’un saule je ne
peux pas m’empêcher de passer tout doucement
ma main sur sa tête je lui caresse sa grosse tête
Lucien Suel
(traduit du picard par l’auteur)
 
De knotwilgen betrekken de wacht langs de westgrens van de tuin. Het mooie jaargetijde zal ze weer hun zilvergroene camouflage geven. Ze hebben geen natuurlijke vorm. De mens vormt ze, het is de mens die ze een kop geeft, een dikke kop vol bulten. Aanvankelijk waren ze in de grond niet meer dan een simpele spriet, een fijne twijg, een tak die jaarlijks wordt bijgeknipt. De wonden helen en de wilg groeit koppig weer aan. Hij krijgt karakter. Dan draagt de opzwellende kop met trots een kroonluchter van bladeren in de vroege zomerlucht. Niets is verkeerd aan hem. De wilg, het varken van de tuin. Bladeren voor op de composthoop. Stokken voor de bonen en rijshout voor de erwten. Teelaarde geworden oude wilg voedt geraniums. Maar fier staat manshoog de volwassen wilg. De tuinman aait heel zachtjes over z’n dikke kop. De wilg leeft. De wilg houdt stand. Zijn blaadjes lichten op als stekelbaarsjes tussen de sterren. 
Texte néerlandais par Johan Everaers

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samedi 12 novembre 2022

50 années de poésie ordinaire et pratique

 

Lucien Suel en solo hors les murs | Propager le poème, vendredi 21 octobre 2022 from Cipm on Vimeo.

 

Lucien Suel en solo à L'art Hic & Hoc, La Ciotat

« La formule i.n.d.i.v.i.d.u brille magnifiquement dans le noir.  »

Lucien Suel vous parle de son parcours de poète ordinaire et de jardinier. Il présente les revues qu'il a publiées, ses poèmes express, ses traductions... Il déclame ses colonnes de mots, des extraits de son travail depuis la fin des années soixante-dix jusqu'à nos jours.

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vendredi 2 septembre 2022

Permaculteur - Rockeur du Langage Poétique

 Un entretien avec Lucien Suel mené par "Poésie is not dead" le 27 août 2022 au hameau de La Tiremande. 

 Un panorama de l'activité du poète interrogé dans divers lieux : le jardin, le bureau, la bibliothèque, la salle d'archives, le bois, la terrasse... 

 Le montage est encadré par deux lectures de poèmes en vers arithmogrammatiques "Ossuaire" (1994) et "Les Tas" (extrait du poème "Les Terrils" composé en 2005)



 

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mardi 27 avril 2021

Anthoveaulogie Delteil Queneau Ivar Ch'Vavar

70

Joseph Delteil

Choléra (1923)

Les Cahiers rouges, Grasset – achevé d’imprimer le 18 novembre 1983

 page 30

Elle les préférait en veau à tranches saignantes.

page 157

Force Veaux et force mules.

 

71

Raymond Queneau

Si tu t’imagines (1920-1951)

NRF Le point du jour – achevé d’imprimer le 8 février 1952

 page 37

Pendant que des cow-boys avec leurs haridelles

gardaient non sans humeur des vaches et des veaux,

pendant que des bandits travaillant du cerveau

cambriolaient selon des méthodes nouvelles,

pendant que des putains infidèles et belles

menaient au désespoir des jeunes élégants,

pendant que des malheurs pour le moins surprenants

arrivaient par milliers à de blondes pucelles,

pendant que sur la face étanche de la toile

les flots de l’Océan humide déferlaient,

pendant que par barils le sang humain coulait

sans teinter le tissu blanchâtre de ce voile,

je cherchais à revoir l’image palpitante

d’un enfant dont le sort tenait aux anciens jours

mais ne parvenais pas à remonter le cours

d’un temps que sectionna la défense humiliante.

page 40

« Tu chialais, enfant, comme un veau

et tu n’en faisais qu’à ta tête

tu hurlais pour une calotte

et tu ameutais les badauds

page 113

il a plus de deux-cents pages in-octavo

et moins de trois-cents ; on le vend couvert de veau

souple ; on le dit impartial et documentaire

son érudition couvre toute la terre

page 222

Quand les pleurs du veau tombent sur l’alène

du cordonnier têtu le soir des bourreaux

près de l’abattoir où gît le héros

de cette fête bovine et vache ou moutonnière

alors fondent les ceintures de culottés

les sacs les plus souasouas les godasses parfaites

alors sur les rayons coulent les maroquins

les vélins la basane et tous les parchemins

page 241

Nos noms nos mots nos herbes

sèchent en un vocabulaire

que lèche un veau qui a bu la prairie

 

72

Ivar Ch'Vavar

Bander en automne

L'invention de la picardie n°11 – 2ème trimestre 1994

 page 79

La misère n’est jamais belle à voir, mais quand les PRO-RICAINS !

Ont passé sur un pays, le Veau d’or luit haut

Et plaque sur tous les visages le plus laid des reflets,

Où bougent les babines, les canines…

page 81

Vlaù chés vaques pi chés vi œ-wes – chés loujus, chés ban.nières…

Voici les vaches et les veaux – voici les cercueils, les bannières…

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mardi 6 avril 2021

Anthoveaulogie Levy Gorenstein Ch'Vavar-Schmitt

56

d. a. levy

Poème sur la mort d’un monastère de banlieue (1968)

Station Underground d’Emerveillement Littéraire achevé d’imprimer le 12 août 1993

page 18

Filet de bœuf grillé, côtelette de veau, spaghetti, etc… tout ayant le même goût.

 

57

Friedrich Gorenstein

Psaume – Roman-méditation sur les quatre fléaux du Seigneur (1979)

NRF Gallimard achevé d’imprimer le 21 août 1984

page 141

Mais on ne peut recouvrir avec des journaux la foi spirituelle dans l’Être, ni lui substituer un garçon de bains assyrien, comme on n’avait pas réussi autrefois à lui substituer le veau d’or dans le désert du Sinaï.

page 299

L’été elle portait un chemisier blanc, une jupe grise et un fichu blanc, et l’hiver des bottes en box-calf, une jupe à petits carreaux et une veste à col roux et gris.

page 382

Ainsi, en chantant et dansant autour du veau d’or – idole païenne – le peuple renia Dieu.

 

59

Ivar Ch'Vavar / Konrad Schmitt

Berck (Un poème)

L'invention de la picardie n°10

2ème trimestre 1993

page 8

Comme un gros veau qui a sommeil.

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