mardi 27 décembre 2022

The Starscrewer n° 12 (1979)


 

 « StarScrewer » n° 12, publié durant le deuxième trimestre 1979, déposé au Service des périodiques de la préfecture du Pas-de-Calais le 8 février 1980. Tirage de 500 exemplaires. Prix du numéro 5 F. Format A4. Abonnement annuel 25 F. 29 pages en offset.

Avec ce n° 12 s’achève la publication de la seconde série du « StarScrewer. »

Couverture : Dessin-collage d’Henry-Le-Welche

pages 2 à 5 : A bon entendeur, salut un essai sur le pouvoir par William Burroughs, traduction de Lucien Suel ; illustrations, deux collages, l’un de Lucien Suel, l’autre d’Henry-Le-Welche

pages 6-7 : Comment j’ai écrit certains de mes livres par Nanos Valaoritis, dédié à Raymond Roussel, traduit de l’américain par Lucien Suel. Portrait de l’auteur par Josiane Suel.

pages 8 à 11 : extrait du Journal d’Amirat par Daniel Biga

page 13 : liste récapitulative des auteurs publiés dans « Star Screwer » depuis 1972. Vissez-vous une étoile, dessin d’Henry-Le-Welche

pages 14 à 19 : Nous n’avons rien à perdre et nous n’avons rien à gagner, cut-up arrangé de Lucien Suel en cinq parties avec cinq portraits au bout d’un fusil

pages 20 à 23 : Carnalval, texte d’Henry-Le-Welche, avec deux collages de l’auteur, dédié à Walter Lobster Artman

pages 24 à 26 : Tantric pin balls par Walter Hartmann, extrait de « Aquis Submersus » copyright Walter Hartmann, 1979, traduit de l’allemand vers le français par Robert ‘O Fisher

pages 27 à 29 : Night-fall et Les tours rôdent aux parages de l’infini, deux poèmes de Florent Chopin

page 29 : Punk Rock Your My Big Crybaby, poème d’Allen Ginsberg, non traduit, lu par l’auteur à l’ouverture de la « Nova Convention » à N. Y. C. pour célébrer les 70 ans de WSB. Poème publié dans « The Village Voice » #50

Libellés : , , , , , , , ,

posted by Lucien Suel at 07:55 0 comments

mercredi 7 décembre 2022

The Starscrewer n° 007 janvier 1978

« The Starscrewer » n° 007, publié le 23 janvier 1978, déposé à la Bibliothèque nationale le 30 mars 1978. Tirage de 400 exemplaires. Prix du numéro 5 F. Format A4. Abonnement annuel 25 F. 25 pages en offset et en ronéo (stencil électronique).

Couverture : Our Enemy, collage de Claude Pélieu (1977)

Editorial : Portrait d’Elvis Presley

page 3 : Table des matières

pages 4 à 6 : Le Temps des Assassins par William Seward Burroughs, traduction de Lucien Suel, © William Burroughs 1977, extrait du magazine Crawdaddy, janvier 1977.

pages 7 à 12 : Bouffe la poussière, chien menteur ! par Charles Bukowski, traduction de Lucien Suel, © Charles Bukowski 1977 (inédit aux Etats-Unis). Cette nouvelle nous a été confiée par Carl Weissner. Nous publions à la suite une copie (non-traduite) du fait divers paru dans le « Los Angeles Time » dont l’auteur s’est inspiré.

page 13 : Psychogramme, un dessin de Marie Wilson.

pages 14-15 : Ode to Zsa Zsa Gabor, un poème en anglais de Carl Weissner.

pages 16 à 24 : Nous vivons l’histoire dans un cauchemar par Claude Pélieu-Washburn avec un collage inédit de l’auteur, © C. P. Washburn, Space Civic Center, Silver City, septembre 1977.

page 25 : Pensées Européennes – 1959 par Gregory Corso, extrait de Sentiments élégiaques américains, 1977, bilingue, traduit de l’américain par Pierre Joris, © l’auteur et Christian Bourgois éditeur, que nous remercions.

4ème de couverture : Portrait de Bob Dylan 


 

Libellés : , , , , , ,

posted by Lucien Suel at 07:41 0 comments

samedi 12 novembre 2022

50 années de poésie ordinaire et pratique

 

Lucien Suel en solo hors les murs | Propager le poème, vendredi 21 octobre 2022 from Cipm on Vimeo.

 

Lucien Suel en solo à L'art Hic & Hoc, La Ciotat

« La formule i.n.d.i.v.i.d.u brille magnifiquement dans le noir.  »

Lucien Suel vous parle de son parcours de poète ordinaire et de jardinier. Il présente les revues qu'il a publiées, ses poèmes express, ses traductions... Il déclame ses colonnes de mots, des extraits de son travail depuis la fin des années soixante-dix jusqu'à nos jours.

Libellés : , , , , , , , , , , , , ,

posted by Lucien Suel at 08:01 5 comments

mercredi 21 septembre 2022

William Burroughs Délégué à l’Assainissement

Cet essai de William Burroughs a été publié en 1978 dans le magazine américain CRAWDADDY où l’écrivain avait une rubrique mensuelle intitulée « Time of the Assassins ». Ce texte a paru en France en 1979 dans le n° 12 du magazine « STARSCREWER »

 

Après avoir donné des cours sur la Création Littéraire, il y a quelques années, mes propres facultés de création étaient descendues à un niveau très bas jamais atteint précédemment. Vraiment, j'étais dans la situation de l'écrivain bloqué et mon jeune assistant, un idéaliste, se plaignait de ce que je restais tout bonnement assis à mon bureau à ne rien faire de la journée et c'était la vérité. Ceci me donna à penser (comme disent les Français) : peut-on enseigner l'Art d'Ecrire ? Et les Muses ne me punissaient-elles pas à cause de mon impiété et des graves indiscrétions que j'aurais commises en révélant les Secrets à des auditeurs totalement incapables de les recevoir ? - comme si vous distribuiez des billets de 100 dollars et que personne n'en veuille. Je m'étais aussi aperçu que dans l'esprit de mes étudiants, l'image de « William Burroughs » avait très peu de rapports avec la réalité. Ils étaient déçus parce que je donnais mes cours avec une cravate et en complet-veston. Ils avaient espéré, je présume, me voir apparaître nu comme un ver, une lanière de cuir à la main. Tout compte fait, une expérience décevante.

Mais au juste, que diable enseignais-je ? « La Création Littéraire », mon dieu, qu'est-ce que ça veut dire ? J'aurais aimé leur faire passer à tous l'envie de faire une carrière d'écrivain. A la place, devenez plombier - (J'avais envie de hurler) - et remplissez votre foutu réfrigérateur géant avec des saucisses de Strasbourg, de la gnole glacée et de l'eau minérale Malvern, et regardez votre télé couleurs à télécommande et pelotez la 90-90 assise sur vos genoux en attendant l'ouverture de la chasse aux daims quand tous les citoyens respectables seront planqués dans leurs caves protégés par des piles de sacs de sable. Ou devenez médecin pour l'amour du ciel - une fois que vous aurez été reconnu comme le meilleur trou du cul de docteur qui puisse être, vous n'aurez pas à vous tracasser au cas où, l'année prochaine, il n'y aurait plus de trous du cul à opérer. Mais peut-être que l'année prochaine, il n'y aura plus un seul trou du cul pour acheter mes livres...

Soyons justes, peut-être que dans la classe, deux ou trois ne seront pas dissuadés. Eh bien, mon conseil est le suivant : trouvez-vous un bon agent littéraire et un bon conseiller fiscal si jamais vous arrivez à vous faire de l'argent et rappelez-vous : la renommée ne se mange pas. Et vous ne pouvez écrire que si vous voulez écrire et vous ne pouvez vouloir que si vous le ressentez vraiment. Admettons que vous soyez docteur avec une clientèle intéressante. Aujourd'hui vous ne vous sentez pas trop en forme - des ennuis de famille et autre chose sur quoi vous ne pouvez même pas mettre un nom - et vous êtes salement de mauvaise humeur, vous glissez cette tablette de chlorophylle dans votre bouche pour dissimuler ces trois verres bus en vitesse - (cette vieille pute en parlerait à tout Palm Beach, « Ma chère, il était ivre... ») Bon, vous pouvez quand même y aller et que diable, un quart de grain de morphine à chaque malade. Pas la peine de chercher à savoir ce qui ne va pas chez eux, ils se sentiront tout de suite mieux et me loueront comme le meilleur des « guérit-tout ». Et si la brigade des Stups me cherche des poux dans la tête, je n'aurai qu'à leur dire « Bon, je pars m'installer aux Isles Bahrein, alors prenez ma clientèle et foutez-vous la au cul ». Je veux dire que même si vous ne vous en ressentez pas trop pour la pratique médicale, vous pouvez quand même continuer. Même chose pour les hommes de loi ; si tel ou tel cas ne vous intéresse pas, tout ce que vous avez à faire, c'est de vous trouver un suppléant et vous pourrez aller passer un mois à Martha's Vineyard à fumer le cigare.

Dans ces autres professions, vous pouvez toujours faire semblant. Par contre, si vous écrivez sans y croire, vous ne produirez que de la merde. Le métier a beaucoup d'inconvénients ? Bien sûr, vous pouvez sortir d'une villa aux Bahamas en chevauchant un requin blanc ou vous pouvez passer vingt ans à écrire Le Grand Livre que personne ne pourra lire. James Joyce a écrit quelques-unes des meilleures pages de prose en littérature - Les Morts, Gens de Dublin - mais pouvait-il en rester là et se cantonner à des histoires délicieuses à propos des Catholiques Irlandais malheureux ? Si ç'avait été le cas, le monde l'aurait récompensé en lui accordant le prix Nobel. Maintenant personne n'a jamais dit à un docteur : « Écoute, toubib, tes opérations du cul sont vraiment extra, beaucoup de tantouzes te sont reconnaissantes de pouvoir continuer à se faire enculer mais faudrait qu'tu trouves quelque chose de nouveau » --. Naturellement, il n'a pas à trouver quelque chose. C'est toujours le même bon vieux cul. Mais un écrivain doit produire du neuf, ou il doit standardiser son produit - l'un ou l'autre. Ainsi je pourrais standardiser le produit Peter Pan-Pédé-Garçon Sauvage, et en sortir un tous les ans comme la série des Tarzan ; ou bien je pourrais écrire un Finnegans Wake. Aussi, j'ai cette idée au sujet d'un privé et des Cités de la nuit rouge. Quien sabe ?

Prenons le monde du spectacle ; aujourd'hui, vous pouvez être le premier du hit parade, la coqueluche du show business... comme Dwight Fisk qui faisait ces horribles sketches à double sens dans les années trente. « C'est l'homme qui m'a piquée à l'hôtel Astor, juste sous l'entresol et pendant plusieurs jours, on n'a plus vu ta mère, comme ça mon petit cœur, tu sais maintenant à quoi tu dois ton départ, ça vient d'une piqûre juste sous l'entresol ». A l'époque actuelle, ce genre de connerie, on n'en a plus rien à foutre.

Mais vous ne verrez jamais un médecin, un homme de loi, un ingénieur, un architecte à qui on demandera d'être le champion du monde dans sa branche ou bien il n'aurait plus qu'à vendre des cravates au coin de la rue ou à se faire sauter la cervelle.

Le physicien atomiste n'a pas de raison de s'inquiéter, les gens voudront toujours s'entre-tuer sur une grande échelle. Évidemment, son frigo est bourré de saucisses et d'eau minérale, comme chez un plombier. Rien ne peut lui arriver ; subventions, bourses d'étude, un arc-en-ciel sur sa sépulture et une pierre tombale qui brille dans le noir. Cependant, les artistes ont un certain pourcentage de liberté. Un écrivain a peu de pouvoir, mais c'est vrai qu'il a de la liberté, du moins en Occident, Mr Evtouchenko. Pensez bien à cela. Vous ne voulez qu'être le porte-parole du pouvoir ? Plus il y a de pouvoir, moins il y a de liberté. Un politicien n'a pratiquement pas de liberté. On me demande souvent « Que feriez-vous si vous étiez le dictateur de l'Amérique ? Que feriez-vous si vous aviez un milliard de dollars ? » Selon le mot de mon ami Ahmed Jacoubi « Ce question (sic) n'est pas d'opinion personnelle ». Il faut poser une question préalable : Comment feriez-vous pour être président, dictateur, milliardaire ? De la réponse à cette question dépend ce que vous feriez. Parce qu'on n'est pas téléporté magiquement dans ces situations. On y arrive pas à pas, d'une manière discontinue, et chaque pas a sa contrepartie en conditions et en prix.

Pour prendre un exemple microcosmique : mon humble désir d'être Délégué à l'Assainissement pour la ville de St Louis, et mes rêves puérils quand j'imaginais ce que je ferais après avoir décroché cette situation. Ces rêveries ont été esquissées dans un essai que j'ai écrit pour les Éditions Harper en réponse à la question « Quand arrêterez-vous de vouloir être le président?  ». J'avais imaginé une tranquille sinécure, des marchés véreux de canalisations d'égouts, ma maison remplie de jeunes gens langoureux et vicieux dont la presse dirait qu' « ils ne sont que des laquais au service de Sa Majesté, Le Sultan des Égouts ». Je supposais que ma position était assurée par ma connaissance de certaines saloperies concernant le gouverneur et que j'occuperais mes après-midis dans des orgies sauvages ou alors que je fumerais l'herbe du Chef de la Police en me livrant avec délices à la paresse dans la puanteur dégagée à des lieues à la ronde par les canalisations rompues du tout à l'égout.

Mais d'abord pourquoi m'aurait-on nommé Délégué à l'Assainissement ? La fonction n'en a que le nom. On ne vous demande pas d'avoir des compétences. On ne m'a pas nommé sur mes connaissances en matière d'égouts ou sur mes capacités à faire ce boulot - Alors, pourquoi ? Eh bien ! Peut-être que j'ai travaillé pour le Parti pendant un certain nombre d'années et qu'on me doit bien une récompense ? Cependant, il faudra que je donne quelque chose en échange. Peut-être que je peux exercer mon influence sur quelques votes. Quelle action attend-on de moi pour que je puisse justifier de cette rémunération ? Peut-être qu'ils espèrent me faire payer les pots cassés concernant le marché des canalisations. Si c'est ça, il faudra que je fasse attention à l'utilisation de ma signature. Peut-être qu'ils espèrent de moi des contributions aux fonds de la campagne électorale, je suis dans une position favorable, ayant mes entrées chez les gens à pognon. Une chose est sûre - ils attendent de moi quelque chose en retour. Et puis maintenant un marché de dessous de table sur des canalisations au rabais, cela suppose des adjudicataires, des experts-comptables, et tout un tas d'emmerdements, avec des emmerdeurs et des prête-noms qu'il faut payer en faveurs et en espèces. Donc ma maison n'est pas remplie de jeunes gens langoureux et vicieux, elle est pleine d'emmerdeurs et de politiciens au gros cul, imbibés de bourbon et fumant des cigares. Je sais quelque chose sur le gouverneur ? J'aurais intérêt à faire vachement gaffe qu'il ne sache pas quelque chose sur moi. Le Délégué, à l'instar de la femme de César doit être au-dessus de tout soupçon, et qui plus est, au-dessus de tout soupçon concernant des orgies sexuelles et l'usage de stupéfiants. Il faudrait que je sois cinglé pour me compromettre avec le Chef de la Police. Bien sûr, je peux toujours lui passer un coup de fil pour faire sauter une contravention de stationnement interdit, mais j'ai plutôt intérêt à ne pas toucher à la marijuana saisie par ses services à moins que d'autres dans des situations plus élevées ne soient impliqués dans l'affaire.

Et même si j'arrivais à dégotter quelques extras pour protéger les égouts contre le sabotage communiste, ça ne serait pas des jeunes gens élégants. Plus probablement, j'aurais sur le dos le beau-frère taré du shérif, celui qui n'est même pas capable d'être veilleur de nuit, et aussi deux ou trois débiles du même acabit. Donc si je ne peux pas faire ce que je veux en tant que simple Délégué à l'Assainissement, je pourrais encore moins faire ce que je voudrais en étant président des Etats-Unis. Je supprimerais l'Armée et la Marine et j'utiliserais tout le budget de la Défense pour faire construire des centres de thérapie sexuelle n'est-ce-pas ? Je légaliserais la marijuana ? Annulerais l'Oriental Exclusion Act ? Supprimerais l'impôt sur le revenu pour les artistes et taxerais lourdement les riches ? Je voudrais bien vivre longtemps. Je pense que Richard Nixon restera dans l'histoire comme un véritable héros populaire, celui qui a porté un coup fatal au concept morbide de l'idole vénérée et qui a rendu au peuple américain la vertu de l'irrévérence et du scepticisme.

William Burroughs

Traduction de Lucien Suel

Libellés : , , ,

posted by Lucien Suel at 07:23 0 comments

mercredi 26 janvier 2022

L'Opium

2

 

Avec des pieds de silence, elles couraient vers le placard à balais sans souci des lois de la pesanteur.

Il y eut quelques pertes dans les parages, à l’endroit où, les unes sur les autres, elles essayaient leurs philtres de flicardes maléfiques,

Éperdues dans les escaliers glauques derrière les barreaux de la centrale de Leavenworth,

Accroupies au sous-sol du poste, outres silencieuses face à de muets rats d’eau,

Pendues en effigie jour et nuit.

Il paraît que ce fut fait avec une échelle dont le haut s’aplanissait en grinçant.

 

Une foule sans nombre, une foule d’élites avec assez d’aiguilles dans le corps.

Les glaçons sauvages pleuraient des larmes vertes.

Je redescendis ennuyé, effectivement pendu dans le Connecticut, embrassant les degrés de verre brisé.

Des poulets étaient tombés dans l’escalier à mes pieds au bas des marches,

Leurs cils collés et leurs lèvres bavant.

La drogue s’entoure de magie et de tabou à l’horizon éloigné.

Avec mon corps terrestre de rites, j’étais capable de dénicher un bras sans le pouvoir réchauffer.

Dans cette rue-ci, la prochaine à droite aux marches de lentille m’aveugla.

Elles étaient encore là avec leurs masques de vieilles femmes, casques sur les oreilles.

« C’est pas tout ça », écrivis-je en un mail aux veines bleu de Sèvres.

« Qu’elles se reposent », comme disait le juge de paix dans la coupe aux flots d’huile fauve.

Il faut savoir être arbitraire aux vapeurs de soufre sur l’enfant.

Derechef, je me retrouvai au self service où mon paletot volé me faisait ressembler à un corps de limace.

Lucien Suel

(cut-up réalisé à partir d'extraits
du Festin mémorial de William Jarry
et de Minutes de sable nu d'Alfred Burroughs)

Libellés : , , ,

posted by Lucien Suel at 07:12 0 comments

mercredi 19 janvier 2022

L’Opium

1

 

Suçant de leurs lèvres brûlantes de fièvre la maquerelle de Peoria

Des barmen en fauteuil lavaient mes mains de cadavre béant.

 

Bart allait de l’un à l’autre.

 

Des augures volèrent au ciel blanc où les patients se laissaient couler en spirales sonores

Dans les battements d’ailes des engoulevents exsangues.

 

Et mon corps astral frappait du talon.

En mes nerfs un frémissement de guitariste ajoutait à l’envie de vomir rien qu’à les voir.

J’entrai dans une morgue immense.

Tous les vieux pareils à ma seule vue, tête repliée et les bras croisés.

Le beau thanatopracteur tendait le mollet droit.

On entendait gargouiller le liquide pendant qu’il mitonnait les poitrines.

Un travailleur du menton.

Tu connais les vieux : « Ils ont le ventre clapoteux et le peu de peau intacte qui leur reste sur les os se dissout. Tu t’attends à voir de grosses éponges là où ce sont des cervelles. »

Le contenu de la seringue retombait en pluie sur les morts glacés.

Comme du gras, pensai-je avec philosophie, l’eau des étangs se fige sur les dalles.

Je reprends le métro vers le centre.

On gazait des vitrines vers Sheridan Square.

Lucien Suel

(cut-up réalisé à partir d'extraits
du Festin mémorial de William Jarry
et de Minutes de sable nu d'Alfred Burroughs)

Libellés : , , ,

posted by Lucien Suel at 10:20 3 comments