mercredi 23 février 2022

SOUVERINNERUNGEN

 Rhin ça coule ruhig fliesst der RHein(e) sereinement

À Düsseldorf le poète écrit ciel bleu adorable in lieblicher Bläue

Hölderlin qu’as-tu appris à l’école mein Kind ?

La couronne du roi des aulnes glisse dans la neige so spät

Qui chevauche si tard ? L’empereur tombe de son « pié-de-stal »

Le livre de Germaine de Stahl sera réimprimé (Danke, Gutenberg !)

Le malheur de Sophie engendre die Hymnen an die Nacht

Novalis dans la nuit chante comme le rossignol de Schwitters

Mit « der blaue Reiter » in Mün(i)chen und Ball Karawane

Mélodie de Lorelei Rosa ist Rosa est Rosa ça coule et c’est bleu

 

Lucien Suel 2019

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lundi 27 août 2012

Je ne suis pas mort

Je ne sais pas en quelle année Kurt Schwitters est né mais je sais qu’il est mort en 1948. Je suis né en 1948 mais je ne pense pas être la réincarnation de Kurt Schwitters même si comme lui je ramasse des bouts de ficelle des clous et des morceaux de carton imprimé.
William Gibson, Dan Simmons, Henning Mankell et James Ellroy sont nés en 1948. J’ai dévoré presque tous leurs livres.
Jimmy Cliff est né en 1948. A une époque je connaissais par cœur les paroles de sa chanson reggae
Under The Sun, Moon And Stars.

Je ne sais pas en quelle année le Mahatma Gandhi est né mais je sais qu’il a été assassiné en 1948. Je suis né en 1948 mais je ne pense pas être la réincarnation du Mahatma Gandhi même si j’ai lu à 20 ans avec beaucoup d’émotion Le Pèlerinage aux sources de son disciple Lanza Del Vasto.
Robert Plant et John Bonham sont nés en 1948. J’ai écouté plusieurs dizaines de fois l’album Led Zeppelin II.
Ian Paice est né en 1948. J’ai assisté ébahi abasourdi au premier concert de Deep Purple en France.

Je ne sais pas en quelle année Sergueï Eisenstein est né mais je sais qu’il est mort en 1948. J’étais dans la poussette en 1948 mais je n’ai pas descendu les escaliers d’Odessa avec Sergueï Eisenstein.
Hubert-Félix Thiéfaine est né en 1948. J’ai eu la chair de poule en découvrant Alligators 427.
Cat Stevens est né en 1948. Je fredonne encore parfois
My Lady d’Arbanville.
Brian Eno est né en 1948. J’ai perdu mes cheveux en même temps que lui.

Je ne sais pas en quelle année Antonin Artaud est né mais je sais qu’il est mort en 1948. Je suis né en 1948 mais je ne pense pas être la réincarnation d’Antonin Artaud même s’il m’arrive de temps de temps de pousser des hurlements sur une scène de spectacle.
Nathalie Baye et Gérard Depardieu sont nés en 1948. Je n’ai pas vu tous les films dans lesquels ils ont joué ensemble, ni tous ceux dans lesquels ils ont joué séparément.

Je ne sais pas en quelle année Louis Lumière est né mais je sais qu’il a inventé le cinéma et qu’il est mort en 1948. Je suis né en 1948 mais bien que portant un prénom dérivé de « lumière », je ne pense pas être sa réincarnation.
Grace Jones, Jean-Pierre Raffarin, Noël Mamère et Bernard-Henri Lévy sont nés en 1948. Hé oui !
Rory Gallagher et Johnny Ramone sont nés en 1948. Ils ont déjà donné leur dernier concert.

Je ne sais plus en quelle année Georges Bernanos est né mais je sais qu’il est mort en 1948. Je suis né en 1948 mais je suis un homme de trop peu de foi pour être la réincarnation de Georges Bernanos même si comme lui je souhaite retrouver au jour de ma mort l’enfant que je fus.

Ce poème est la version lue en public d'un extrait de "Nous ne sommes pas morts", livre composé en collaboration avec la plasticienne Hélène Leflaive sur une commande des éditions du Dernier Télégramme.

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mardi 6 mars 2012

Kurt Witter 3ème saison

« KURT WITTER » est un roman expérimental. Chaque chapitre est constitué des dix blocs de texte (« tweets » de 140 signes) publiés au cours d'une semaine sur Twitter. Pour une lecture plus aisée, les blocs ont été regroupés en paragraphes « normaux ».
7 chapitres constituent une "saison".
Le roman terminé comprendra 28 chapitres, soit 280 tweets à suivre en direct pendant toute une année sur mon compte Twitter.
Première saison : été 2011
Deuxième saison : automne 2011
Troisième saison
hiver 2011-2012

I

Saut majeur, l'intégration de la Dream Machine à la sculpture permet aux explorateurs de patrouiller dans le temps du Merz. Un championnat de dadas a entériné la sélection des zones temporelles et des artefacts récupérables dans l'hémisphère Nord. De Zurich à Hanovre, Blanche Sélavie et Hugues Haubal collectent, numérisent cylindres, rouleaux et disques de phonographe. Scrutant les menus évènements de l'année 2023, an XI de l'ère nouvelle, Anna Bloom et Kurt Witter recherchent Costume Noir.

Georges Permeke-Spilliaert alias Han-Ri Mishoko, ouvrier agricole dans un élevage de rennes en Laponie ; il peint la neige. Blanc sur blanc, il entasse ses toiles dans un congélateur. Il crée des statues de neige, armée de fantômes sur la toundra. G.P.S. rêve parfois de ses vieux amis, croit les reconnaître dans une marine peinte par Schwitters sur une île norvégienne. Un quartet de bonhommes de neige monte la garde devant l'entrée de l'étable. On entend les rennes qui ruminent leur lichen.

La bulle temporelle dépose Blanche et Hugues, Spiegelgasse à Zurich, explorateurs invisibles aux yeux des passants de 1916. Anna et Kurt naviguent dans les données de l'Académie 23, traquant les occurrences de Turing Stephenson Gibson & Burroughs.

II

De son propre chef, Anna propose à Omer et Pénélope de l'accompagner dans une dérive originale. Ithaque-Troie aller-retour. Kurt n'apprécie guère l'initiative et laisse éclater sa colère. Il préfère que la découverte de l'effet Merz reste secrète. Le vif éclat de Kurt détruit les relations déjà distendues avec Omer et la tisseuse. Anna se sent très desperate housewife. Pour se dérider, elle décide de créer une ligne inédite de dadas en mâchant ensemble chewing-gums et Léonidas (autre Grec).

Ailleurs, outre-temps. Blanche se sent coupable. Malaise. L'ingratitude du groupe vis à vis de L'Impossible Naoko. Oubliée. En s'appropriant passé et avenir, le royaume des morts et le pays de ceux qui ne sont pas nés, ils abandonnent les vivants. Spiegelgasse, l'astropataphysicienne et son partenaire de translation avancent main dans la main, vers le Cabaret Voltaire.
De son (leur) côté, KurtAnnaWitterBloom a (ont) localisé la signature numérique de Costume Noir dans une database orbitale. Pendant l'interfaçage au serveur de l'Irréalité, les sbires du Bureau de Salubrité Mentale cognent à la porte de la maison. Ils sont toujours à la recherche de G.P.S. Anna se déconnecte pour les accueillir. Ils sont deux et jouent Bad Cop/Bad Cop.

III

Badcop 1 : "On a retracé les tweets que Mishoko a échangés avec vous après son évasion du Therapy Center. Où est-il ? Now."
Anna : "Nao ! Elle est peut-être impossible, mais n'a rien à voir Han Ri. Et lui, il est loin, parti dans la tweetosphère."
Badcop 2 : "Tweetosphère ! Tweetosphère ! Est-ce qu'on a des gueules de tweetosphère ? Faut changer de refrain, Mme Bloom !"
Anna : "Si vous voulez, je peux vous imiter le pinson dll rrrrr beeeee bö dll rrrrr beeeee bö fümms bö rrrrr beeeee bö wö."

Soudain surgit Kurt Witter, générateur à la main. Les premières syllabes de l'Ursonate ont joué un rôle de signal d'alarme. Les deux flics ont le souffle coupé. Kurt les braque avec le générateur de champ temporel et les expédie à l’ère glaciaire.
Débarrassé des fâcheux, le duo WitterBloom se branche de nouveau à la MerzDreamMachine. Direction le Cloud de Costume Noir. Les explorateurs se glissent à l'intérieur du Simulacron, trouent le mur de glace noire et fusent dans la purée de données. Enfoncés dans le fouillis des fichiers, ils entendent un marmonnement "whisper" qui va crescendo, voix mp3 de Costume Noir. Calling partisans of all nations/Shift linguals/Cut word lines/Vibrate tourists/Free doorways/Break through in grey room...

IV

Zurich. Hugues Haubal se fraie un chemin dans la foule qui encombre le trottoir. Avec Blanche, ils entrent dans le cabaret. L'endroit est bondé. À travers la fumée de tabac, ils observent la scène cernée sur trois côtés par les amateurs de poésie. Blanche et Hugues marchent vers le frontstage, se glissent entre les spectateurs. Ils remarquent des Turcs et des Japonais.

Krippenspiel en cours sur la scène. Assistance silencieuse, surprise par la rencontre entre récitatif et concert bruitiste. Après les applaudissements, Blanche Sélavie se tourne vers son partenaire pour partager l'émerveillement. Hugues a disparu.

Sur chaque côté de la scène, on installe maintenant trois pupitres supportant chacun un manuscrit rédigé en lettres rouges. Les lampes s'éteignent. Silence. Dans la pénombre, on distingue des silhouettes déplaçant une masse sur l'estrade. Lumière.
Oh et ah stupéfaits. Le personnage en scène a les jambes prises jusqu'aux hanches dans un brillant cylindre de carton bleu. Il arbore un énorme col-manteau, couvert de papier, rouge à l'intérieur et doré à l'extérieur, qu'il remue comme des ailes. Avec son chapeau de chaman à rayures blanches et bleues, on dirait un obélisque. Blanche, sidérée, reconnaît Hugues Haubal.

V

Whou whououou whououou... En même temps, mais à une autre époque, au même endroit, mais en un autre lieu. Whouououououou... Le vent souffle hurle en mode blizzard. Devant l'étable laponne, les bonhommes de neige sont devenus des gros tas. Tumulus.

A l'intérieur, Georges se fait chauffer les doigts par son couple de rennes préférés. La vapeur se condense sur ses ongles. Il ferme les yeux, se focalise sur les méandres de sa tapisserie interne, devine des ombres amies dans l'entrelacs méningé. Les rennes s'ébrouent, déchirant le voile méditatif alors que la mise au point sur les quatre silhouettes devient optimale.
Georges sait ce qu'il doit faire. Il avale une jatte de lait jaune, enfile sa pelisse en peau de loup et coiffe son feutre. Dehors les monticules luisent sous le soleil de minuit. Georges se met au centre du carré, commence à tourner sur lui-même. Élevant et abaissant les bras, tourne, tourne, tourne. Dans un sens, dans l'autre. Soudain s'arrête, commence à psalmodier. "Gadji beri bimba. Glandridi laul lauli lonn lonni cadori. Gadjama bim beri glassala. Glandradi glassla tuffm i zimbrahim." Blocs de neige remués de l'intérieur, vibrant sous les consonnes. Bimba bimba. Ils enflent et se redressent face à Georges.

VI

En même temps, à une autre époque, au même endroit, en un autre lieu, Kurt et Blanche pérégrinent dans un orage électrique. Voix nasillarde de Costume Noir. Les particules chargées leur hérissent le poil, font crépiter la laine de leurs vêtements. Parole Stalkerisée les guide dans la zone grise. Les électrons clignotent autour d'eux comme des moucherons ou des flocons.

Hiver nucléaire de 2023. Bégaiement pop. World Destruction. This is war to extermination. Les nouvelles du futur suckent... La machine à rêver vire au cauchemar. Blanche serre le cou de sa poupée Pat et Kurt broie la tête de Walt. Celluloïd Crash. Le logiprog pirate de la Brigade de Salubrité Mentale secoue la carcasse du M.E.R.Z., relance les jumeaux BadBad et CopCop.
Par un violent effort de concentration, Kurt se dégage de la sinusoïde maléfique et active son accumulateur d'orgone perso. Détachant les doigts de Blanche de l'avatar pseudo-dickien, d'un coup de pied virtuel, il catapulte celui-ci hors du temps. Blanche revient à elle et lui. Junkjumeaux avalés par la poubelle du hardisque. Nuage électronique devenu tempête de neige. Au sein de la brume, Kurt et Blanche entrevoient quatre figures fantomatiques s'agitant et gazouillant de façon brownienne.

VII

Même temps, autre époque. Même endroit, autre lieu. Podium du Cabaret Voltaire, Hugues Haubal en transe, remue ses "ailes". Sans peur du ridicule, il brame hardiment Le Chant de Labada aux nuages. Au milieu du public, Blanche ébahie bat des mains.

L'éclairage faiblit. On distingue des silhouettes qui se dirigent vers le second pupitre. Voix modulant le murmure du vent.
Lumière revenue, quatre ombres dansantes et bruissantes encerclent un géant couvert de fourrures planté face à l'auditoire.


Hugues annonce "La Caravane des éléphants". Bung ! Bunga! La créature tape convulsivement du pied le plancher de l'estrade. Les deux "artistes" bougent et récitent de concert. Grossiga égiga tumba. Soudain, Blanche reconnaît la voix du géant velu. Elle se souvient. Han Ri Mishoko, ses bonbons farcis, sa fuite au Nord, son nouvel alias. Georges ! Sous une peau de loup !
Une main se pose sur le dos de Blanche. Elle se retourne. Anna est là. Du doigt, désignant la scène, le troisième pupitre. Trop d'évènements simultanés ! L'astropataphysicienne beugue. Se reprend, assimile puis redémarre. Kurt hurle avec le loup. Animés par la foule, les trois déclamateurs slamment blago bung blago bung. Anna et Blanche balancent des wulubu ssubudu...

Fin de la troisième saison

La prochaine et dernière saison de "Kurt Witter" sera publiée au printemps 2012.

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samedi 7 janvier 2012

KURT WITTER (3.I)

KURT WITTER est un roman-feuilleton expérimental.
Chaque chapitre est constitué de 10 blocs de texte (épisodes tweets de 140 signes) publiés sur mon compte Twitter.
(#KurtWitter)

Première saison : été 2011
Deuxième saison : automne 2011

Troisième saison

I

Saut majeur, l'intégration de la Dream Machine à la sculpture permet aux explorateurs de patrouiller dans le temps du Merz. Un championnat de dadas a entériné la sélection des zones temporelles et des artefacts récupérables dans l'hémisphère Nord. De Zurich à Hanovre, Blanche Sélavie et Hugues Haubal collectent, numérisent cylindres, rouleaux et disques de phonographe. Scrutant les menus évènements de l'année 2023, an XI de l'ère nouvelle, Anna Bloom et Kurt Witter recherchent Costume Noir. (141-144)

Georges Permeke-Spilliaert alias Han-Ri Mishoko, ouvrier agricole dans un élevage de rennes en Laponie ; il peint la neige. Blanc sur blanc, il entasse ses toiles dans un congélateur. Il crée des statues de neige, armée de fantômes sur la toundra. G.P.S. rêve parfois de ses vieux amis, croit les reconnaître dans une marine peinte par Schwitters sur une île norvégienne. Un quartet de bonhommes de neige monte la garde devant l'entrée de l'étable. On entend les rennes qui ruminent leur lichen. (145-148)

La bulle temporelle dépose Blanche et Hugues, Spiegelgasse à Zurich, explorateurs invisibles aux yeux des passants de 1916. Anna et Kurt naviguent dans les données de l'Académie 23, traquant les occurrences de Turing Stephenson Gibson & Burroughs. (149-150)

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mercredi 30 novembre 2011

Kurt Witter 2ème saison

« KURT WITTER » est un roman expérimental. Chaque chapitre est constitué des dix blocs de texte (« tweets » de 140 signes) publiés au cours d'une semaine sur Twitter. Pour une lecture plus aisée, les blocs ont été regroupés en paragraphes « normaux ».
7 chapitres constituent une "saison".
Le roman terminé comprendra 28 chapitres, soit 280 tweets à suivre en direct pendant toute une année sur mon compte Twitter.


Première saison : été 2011


Deuxième saison

I

Kurt plane en rase-mottes au-dessus du M.E.R.Z. Au pays fantasmé de Costume Noir, Flight Simulator remplace le jeu de dadas. Le paysage planétaire garnit les murs de l’habitation, s’étend au plafond. Kurt domine le hérisson damé, pâquis de piquants. Bras tendus, il survole les moules Broodthaers, mine de schistes marins à ciel ouvert. Les déchets palpitent artistiquement. Épaves stellaires. Éléments récupérés du satellite crashé dans le jardin de L’Impossible Naoko, une amie de Blanche Sélavie.
Kurt sent la robuste énergie symbolique présente dans la sculpture. Choix, collecte, recyclage. Moteur d’Éclosion. Rite Zen. L’eau utilisée pour fabriquer les objets fixés aux parois sourd et ruisselle en cascade sous les yeux de l’aviateur endormi. Le pétrole brut réintègre également le circuit sous la forme de filaments irisés qui surnagent dans les méandres aquatiques.
Kurt est en vol stationnaire. C’est l’appartement au complet qui semble tourbillonner. Les couleurs du M.E.R.Z se coagulent. Tout est blanc étincelant, comme la nacre de ses yeux. Le rêveur aérien flotte dans l'ardeur lumineuse. L’horizon a disparu.
Comme des feux dans la nuit, trois trajectoires cernent Kurt : Anna et Blanche sur les ailes, Hugues à l'arrière du quatuor.

II

L'escadrille des joueurs de dadas dessine un + au-dessus du bas-relief merzien. Constellation positive sur l'univers recréé. Les quatre sont unis dans le temps du rêve, interconnectés en altitude. La distance autorise un panoramique spatio-temporel. Ils se voient bébés au sein, enfants aux genoux écorchés, adolescents romantiques écrivant des poésies gorgées de Sehnsucht.
Anna Bloom lit un roman de James Joyce. Blanche Sélavie coupe les cheveux de Tonton Marcel. Hugues Haubal loue une caravane. Kurt entend les bombes s'écraser sur Hanovre. Il trempe son pinceau dans l'huile de térébenthine et joue sa première sonate.
Tout arrive simultanément. Le temps s'abolit comme un bibelot d'inanité. L'espace est parcouru de vibrations synesthésiques. La tapisserie de papiers de chewing-gum clignote dans les éclairs orangés des orages qui se succèdent en une longue théorie. L'amas de prospectus dégouline d'encres de couleurs et de pâte à papier. Le M.E.R.Z. bouillonne dans l'électricité statique. Le grondement du tonnerre couvre toutes les pistes sonores. Les quatre oniromanciens décontenancés font face au pot au noir.
"TOWERS! OPEN FIRE!". Médiocre parodie de Darth Vador, la voix de Costume Noir émerge du chaos ambiant. Kurt éclate de rire. (90)

III

Au ciel de lit, les quatre cavaliers manœuvrent à l'unisson au milieu des éclairs engrenés par l'injonction de Costume Noir. Anna repère le thaumaturge juché sur la porte ouverte de la salle de bains. Il tient à la main un tuyau métallique flexible. Kurt envoie aux trois copilotes l'image d'un sous-marinier marmonnant dans un tube. Le cylindre s'étire, palpitant vers lui.

Serpent annelé rivant sa bouche grande ouverte à l'oreille du rêveur volant. Voix de Costume Noir enserrant la tête de Kurt. "Vous décodez hier maintenant instantanément image par image avec accélération efficace. Ensemble inside the dream machine." Kurt veut poser la question de l'énergie noire, mais le flexible se rétracte comme le cordon d'alimentation d'un aspirateur. En même temps, le costume de Costume Noir se brouille. Un crrrépitement parasite monte et descend comme une tornade blanche.

23:23, Kurt remarque les diodes du radioréveil. Il se souvient de tout, et notamment du vol en commun initié par le M.E.R.Z. De son lit, il twitte @AnnAbloom @ugobal @blanche_selavie : Merci de noter vos visions pour le tournoi de jeudi. #dada #rêve
En se rendormant, Kurt voit Georges fuyant vers le nord radical sur un traîneau tiré par des chiens à pattes télescopiques.

IV

La grande ourse blanche est invisible dans le ciel norvégien. Midnight Sun over les logogrammes dessinécrits dans la neige. Georges Permeke-Spilliaert s'imagine Jack-James-Oliver London-Curwood filant au nord sur les traces de Christian Dotremont. En fuite loin des sbires du Bureau de Salubrité Mentale, depuis qu'il a quitté ses amis, G.P.S. avance vers le Septentrion. Il a traversé la Flandre et les Pays-Bas, de Breda à Rotterdam. Il a trouvé le bon dosage pour ses bonbons à la mescaline.

Dans sa réalité norvégienne, Georges se transporte en commun, autocar ou train. Il atteint Molde, Comté de Møre og Romsdal. De là, il prendra le Hurtigruten vers Kirkenes et le Cap Nord. Pour l'instant, il observe le trafic maritime dans le fjord. Un ferry blanc et bleu contourne paisiblement l'île de Hjertøya. Un couple de touristes français bavarde à côté de Georges.
La femme en tailleur sombre désigne l'île à son compagnon barbu. "C'est là que Kurt Schwitters venait passer les vacances."En l'entendant, Georges tressaille. Il pensait être à la poursuite du COBRA à trois têtes et voici qu'il rencontre le MERZ.Il comprend qu'il n'est pas arrivé à Molde par hasard. Il prendra l'Express Côtier un autre jour. D'abord, aller sur l'île.

V

Tandis que G.P.-S. arpente l'île de Hjertøya sur les traces du grand dadaïste, ses amis se réunissent dans le logis de K.W. Mardi, traditionnelle partie de dadas opposant par tirage au sort Bloom-Sélavie à Witter-Haubal. À l'ordre du jour : rêves.
Le jeu commence sous le signe de la méditation. On n'entend que les dés roulant sur le tapis et le piétinement des chevaux. Chacun rassemble les bribes intimes des rêves de la semaine passée en regardant le déplacement discontinu des dadas durcis.

Quand tous les chevaux sont sortis des stalles, Kurt prend la parole pour décrire son vol aéronirique au-dessus du M.E.R.Z. L'ahurissement se lit sur les visages des auditeurs. Anna est si surprise qu'elle renverse le premier dada d'Hugues Haubal. Kurt relève l'animal et achève son récit par l'épisode Costume Noir Dream Machine. Blanche, Hugues et Anna sont bouche bée.

Stade suprême de la connexion, ils ont expérimenté pour la première fois le rêve partagé. Blanche est la plus enthousiaste. L'astropataphysienne, en notant la présence bénéfique du M.E.R.Z., pense qu'il faut aussi prospecter la voie de la Machine. Kurt est OK. Il reste assez de place au centre du living pour l'installation. Hugues accepte de réunir tous les composants.

VI

"Toute révolution autre qu'électronique ne peut qu'échouer." Encore une phrase que Costume Noir avait tatouée dans sa tête. Kurt la voit scintiller sur les parois de son crâne comme un de ces slogans maléfiques au sommet des tours du centre-ville.

De son côté, Hugues récupère un baril métallique dans le jardin-jungle de l'Impossible Naoko et le charge dans son pick-up. Chez Pénélope et Omer (ils sont réconciliés), Anna emprunte une débobineuse d'écheveau à moteur électrique et axe vertical. Pour la cause, Blanche accepte de se séparer de sa lampe de chevet globe orange verre dépoli 4 x 25 watts design années 70.

Pendant que Kurt cogite sur les mots qui tombent dans la chambre grise, ses camarades déchargent et installent le matériel. Le vacarme de la meuleuse découpant des alvéoles dans la tôle du baril suspend les spéculations de Kurt. Le M.E.R.Z. vibre. Avec des écrous, Hugues fixe le fond du tonneau troué aux bras de la débobineuse. Un rhéostat règle la vitesse de rotation. Pendu à la potence d'un pied de micro, le globe orange oscille au centre du baril ; rais lumineux jaillissant des alvéoles.
Blanche branche la prise du moteur. Le gros cylindre commence à tourner sur sa base. La Machine à rêver est opérationnelle.

VII

La confrérie est debout devant la machine. Yeux clos, face à face, deux par deux, les voyageurs encerclent le baril ajouré. Le clignotement coloré sur les paupières fermées modifie les ondes alpha de Kurtannablanchehugues Witterbloomsélaviehaubal. Sur le tapis rétinien, torsades d'arabesques chamarrées, aurore boréale cérébrale. Solénoïde invisible reliant les rêveurs. En arrière-plan, cette pensée commune : La Dream Machine est l'unique objet d'art que l'on puisse examiner les yeux fermés.

Pendant que les quatre synchronisent la sphère de leur rêve, Georges Permeke-Spilliaert essaie de maîtriser son mal de mer. Il quitte Hjertøya en bateau pour explorer l'archipel de Bjørnsund, sur les traces des paysages peints par Kurt Schwitters.

Dans l'alentissement de la rotation, mouvement et couleur s'harmonisent pour devenir flux et reflux dans un bleu océanique. Les dreamers se polylocalisent. Debout dans le salon et, en même temps, ailleurs, allongés sur l'eau. Étoile de mer géante. Kurt Nord, Anna Sud, Blanche Est, Hugues Ouest, soulevés par la houle, dérivent psychogéographiquement dans le Gulf Stream. Goût de sel. Sillage d'un bateau. Éclaboussures. Éructations. Crachats. Soudain, ils VOIENT Georges vomissant dans l'océan.

Fin de la deuxième saison

La 3ème saison commencera en janvier 2012...

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samedi 19 novembre 2011

KURT WITTER (2.VII)

KURT WITTER est un roman-feuilleton expérimental.
Chaque chapitre est constitué de 10 blocs de texte (épisodes tweets de 140 signes) publiés sur mon compte Twitter.
(#KurtWitter)

Kurt Witter, Saison 1

VII

La confrérie est debout devant la machine. Yeux clos, face à face, deux par deux, les voyageurs encerclent le baril ajouré. Le clignotement coloré sur les paupières fermées modifie les ondes alpha de Kurtannablanchehugues Witterbloomsélaviehaubal. Sur le tapis rétinien, torsades d'arabesques chamarrées, aurore boréale cérébrale. Solénoïde invisible reliant les rêveurs. En arrière-plan, cette pensée commune : La Dream Machine est l'unique objet d'art que l'on puisse examiner les yeux fermés. (131-134)

Pendant que les quatre synchronisent la sphère de leur rêve, Georges Permeke-Spilliaert essaie de maîtriser son mal de mer. Il quitte Hjertøya en bateau pour explorer l'archipel de Bjørnsund, sur les traces des paysages peints par Kurt Schwitters.(135-136)

Dans l'alentissement de la rotation, mouvement et couleur s'harmonisent pour devenir flux et reflux dans un bleu océanique. Les dreamers se polylocalisent. Debout dans le salon et, en même temps, ailleurs, allongés sur l'eau. Étoile de mer géante. Kurt Nord, Anna Sud, Blanche Est, Hugues Ouest, soulevés par la houle, dérivent psychogéographiquement dans le Gulf Stream. Goût de sel. Sillage d'un bateau. Éclaboussures. Éructations. Crachats. Soudain, ils VOIENT Georges vomissant dans l'océan. (137-140)

Fin de la deuxième saison.


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samedi 30 juillet 2011

KURT WITTER (II)


Kurt progressait, tête courbée vers le sol, traquant les matériaux intéressants. Tout en se méfiant des dépôts inappropriés. Une boîte de bière aplatie avait pris une forme de hérisson. Kurt la ramassa, l'examina, la huma et l'enfila dans son cabas. Près du centre commerzial, les ocelles noircies des gommes à mâcher abandonnées, puis écrasées, grouillaient sur le dallage. L'idée était de filmer numériquement le sol de son circuit habituel et de donner des valeurs sonores aux taches du trottoir. Kurt imaginait la prochaine partie de petits chevaux avec Anna, Hugues et Han Ri dans une ambiance musicale louigirussolote. (11 - 15)

Rentré chez lui, il amalgama le hérisson d'aluminium à la fresque polychrome et tintinnabulante qui colonisait les cloisons. Kurt avait donné au collage monstre le titre de Manifeste Entropique du Recyclage Zaoum. Anna avait suggéré Zazou. En vain ! (16 - 17)

Le jeudi, les amis vinrent à 8 h pour le rituel tournoi de dadas. Kurt diffusa son film de trottoir et sa musique de taches. Anna s'autorisa la blague coutumière « Si vous ne venez pas à 8 h, Kurt ira à vous ! » Le trio pouffa poliment « Ha ha ha. » Han Ri Mishoko offrit sans succès des pralines à la mescaline. Hugues Haubal disposa la caravane d'équidés et lança les dés. (18 - 20)
à suivre...

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dimanche 24 juillet 2011

KURT WITTER (I)

Voici le premier chapitre de « KURT WITTER », roman expérimental. Chaque chapitre est (sera) constitué des dix blocs de texte (tweets de 140 signes) publiés au cours de la semaine précédente sur Twitter. Pour une lecture plus aisée, les blocs ont été réassemblés en paragraphes « normaux ».
Le roman terminé comprendra 14 chapitres. Il reste donc 130
tweets à écrire dans les semaines qui viennent... et à suivre en direct sur mon compte Twitter (le feuilleton de l'été).

KURT WITTER

I

Il se dégagea des draps et redressa deux figurines du jeu de dadas renversées sur le marbre de la table de nuit. Un coq cria. Kurt fut ravi de constater que le chewing-gum avec lequel il avait façonné les petits chevaux était dur. Anna apprécierait. (1-2)
Le coq s'était tu. Le chant d'un pinson déclencha le sourire de Kurt qui tenta une imitation : ziiuu ennze ziiuu rinnzkrmüüü. Ayant fini sa toilette, Kurt envoya un tweet à sa fiancée. Anna Bloom lui répondit : "Goo goo g'joob" sur son adresse google. (3-4)

Sur le trottoir devant la maison, une boîte de métal écrasée luisait rouge et noire sous le soleil rasant. Sélection du tri. Kurt avait parlé du choix aléatoire des matériaux avec Hugues Haubal et Han Ri Mishoko qui l'aidaient pour la construction. Le trio coopérait ; le capharnaüm proliférait dans tous les sens. De loin, il s'apparentait à une casse automobile rutilante. (5-7)

En mastiquant son bloc de pâte à mâcher, Anna Bloom pensait à la pauvre Pénélope. Omer avait été ignoblement cruel avec elle. Anna, fière de son statut palindromique, préférait la sculpture, même avec du chewing-gum, au travail à la chaîne du tissage. Elle mâchait. Des Malapartes jaunes et des Bollywoods roses. Elle était la maman des dadas, mais c'est Kurt qui les nommait. (8- 10)
à suivre...

Exemple : Ci-dessous, le premier tweet écrit le 21 juillet 2012
KURT WITTER 1. Il se dégagea des draps et redressa deux figurines du jeu de dadas renversées sur le marbre de la table de nuit. Un coq cria.

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jeudi 26 août 2010

Cheval23 en concert (1/10)

Le 6 avril 2010, à l'invitation de Jean-Michel Espitallier, "Cheval 23" a donné un concert à La Java (Paris 10e). Ce concert a été filmé par Pierre Lamassoure.
Silo vous présentera dans les jours qui viennent l'intégralité du concert, les 10 morceaux joués ce soir-là en incluant à chaque fois le texte du poème.
La première vidéo présente "Souffler dans le ciel, taper dans la terre", un poème figurant dans l'anthologie "Poèmes accordés" paru aux Editions du Marais du Livre.

SOUFFLER DANS LE CIEL
TAPER DANS LA TERRE


Je préférerais être une flûte en bois plutôt qu'un "écrivain américain".
J. Kerouac, Dharma


Yahweh modela l'homme
dans la glaise du sol
souffla dans ses narines
il insuffla en lui
une haleine de vie
l'homme devint un être
vivant vivant vivant

cet homme au corps troué
galope dans le vent
attire les danseuses
leur ventre brillant sue
dans le soleil hirsute

chirimia petit homme
bonhomme en terre cuite
mon souffle donne vie
mon souffle fait chanter
je souffle dans ta tête
je caresse tes pieds
je caresse tes jambes
des points de compression
sur tout ton corps de terre

je modifie module
ta voix tes cris ton chant
lance tes jambes en l'air
je crache dans ton corps
soupir contentement
soupir satisfaction
tu essaies tu essaies
soupir dans l'impatience
ultime soupir d'aise
& last beat of my heart

la molécule d'air
c'est vingt-deux litres quatre
respirez inspirez
c'est toujours la musique
j'appelle ça musique
air vibrant dans le tube
soupir sacré soupir
visible ou invisible
le souffle de l'esprit
le grand vent sous la porte

la kena flûte en os
les morts sont musiciens
take off your skin and dance
dance round & round your bones
Pan Pan Pan Jajouka
sur la flûte de Pan
les os de Dyonisos
& les os d'Osiris
Ezra take off your skin
souffle pour réunir
tous les os dispersés
dans les sept directions

momie os à musique
Milou souffle sa soupe
pachacamac pacha
viracocha vira
vibra la vibration
qui fit naître le monde

l'os le bois le roseau
souffle aussi dans la terre
la flûte lakota
tremble sur Wounded-Knee
tremble sur Manhattan
souffle souffleur de verre
les hommes s'évaporent

le vent joue dans les arbres
les couloirs des montagnes
les bouteilles échouées
tous les souffles mêlés
le total est le vent
les souffles exhalés
les vivants et les morts
jusqu'au tout dernier souffle

chansons des vents stellaires
le vent pousse le ciel
la pluie tape sur toi
taptape sur les toits
djembé ou derbouka

Allah donne à la Terre
le souffle qui nourrit
c'est son haleine ha ha
qui donne vie ha ha
à toutes choses ha ha
s'il retenait son souffle
tout s'anéantirait

trois-cent-quarante mètres
de seconde en seconde
la musique voyage
blues en douze mesures
le souffle de la terre
souffle Charlie Parker
souffle Marshall Allen
souffle Sonny Rollins
souffle Don Cherry souffle
& soufflent Albert Ayler
John Coltrane John Gilmore
Steve Lacy Lol Coxhill
& Dizzy Gillespie
ce souffle nous inspire

passereau de Schwitters
cui-cui petit poumon
mélodie arythmique
rythme au cœur des neurones
soupir soulagement

souffle vibrant dedans
vibrant dedans ton souffle
vibrant dans ta voix ha
c'est le souffle de Dieu
tu respires ce souffle
si tu retiens ton souffle
la musique s'arrête
Lucien Suel (juin 2001)

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vendredi 16 octobre 2009

Kurt Schwitters en Norvège


Dans les années 30, Kurt Schwitters venait tous les étés sur la petite île de Hjertøya dans le fjord en face de la ville de Molde. C'est de là qu'il réussit à s'enfuir, au moment de l'invasion nazie en avril 1940, quand la ville fut complètement détruite par les bombardements allemands.
Il a peint ce tableau sur l'île de Bjørnsund située plus loin dans la mer. La maison du milieu est celle de Grete Kleppen, qui vient de traduire « Mort d’un jardinier » en norvégien.

Ce tableau, peinture sur bois, 74 x 74 cm, se trouve au Sprengel Museum à Hanovre.

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posted by Lucien Suel at 11:31 0 comments