mercredi 10 février 2021

Anthoveaulogie Dick Mauriac Pélieu

10

Philip K. Dick

L'invasion divine (1981)

Editions Denoël, Présence du futur n° 338, achevé d'imprimer en avril 1984


page 54

Un jour un veau qui allait être abattu courut chercher protection auprès d'un rabbin et posa sa tête entre les genoux de celui-ci.

page 158

Et tu t'échapperas comme le veau libéré de l'étable.

11

Claude Mauriac

L'éternité parfois (1977)

Editions Pierre Belfond, achevé d'imprimer le 6 janvier 1978


page 11

Il suffisait, me dit-il, que j'accroche un foie de veau dans ma cheminée.


12

Claude Pélieu

The cold summer of 1816 (spécial police)

in catalogue de l'exposition 23, I.C.B.M./Editions Cactus, 1er trimestre 1992


page 18

Sous une pluie tiède, seul, dans une ville coupée dans le vent d'atout... dans le mou de veau et la poussière postale débarquée du Saint Banana...

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mardi 9 février 2021

Anthoveaulogie Reyes Dick Acremant

7

Alina Reyes

Le Boucher (1988)

Editions du Seuil, Fiction & Cie, achevé d'imprimer en juillet 1988


page 12

Dans la vitrine, exposés comme autant d'objets précieux, les différents morceaux de porc, veau, bœuf, agneau excitaient l'envie de la clientèle.

page 28

Entre les rangées de carcasses suspendues de mouton et de veau, la bouchère s'était agrippée des deux mains à deux gros crochets de fer au-dessus d'elle, comme on le fait dans le métro ou dans le bus pour garder l'équilibre.


8

Philip K. Dick

Siva (1980)

Editions Denoël, Présence du futur n° 317, achevé d'imprimer en décembre 1986


page 133

"Pour vous qui craignez mon nom, le soleil de justice se lèvera, portant la guérison dans ses rayons. Vous sortirez et vous gambaderez comme des veaux à l'engrais1."

1. Malachie, III, 20 (N.d.T.).


9

Germaine Acremant

Ces dames au chapeau vert (1922)

Librairie Plon, 16ème édition, 1922


page 70

Je réponds : "Du veau" et je continue :
Et nul ne se connaît lorsqu'il n'a point souffert...

page 240

- J'ai une tête de veau avec une sauce vinaigrette et du beurre noir, un bon gigot aux haricots, du jambon avec de la salade et le dessert...

page 241

L'attention générale se porte alors sur Ernestine, qui présente à M. le Grand Doyen un plat sur lequel sont disposés, entre des bouquets de persil, la langue, la joue, les narines piquées, de la tête de veau.

page 242

- J'aime beaucoup la tête de veau.


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mardi 6 mars 2012

Kurt Witter 3ème saison

« KURT WITTER » est un roman expérimental. Chaque chapitre est constitué des dix blocs de texte (« tweets » de 140 signes) publiés au cours d'une semaine sur Twitter. Pour une lecture plus aisée, les blocs ont été regroupés en paragraphes « normaux ».
7 chapitres constituent une "saison".
Le roman terminé comprendra 28 chapitres, soit 280 tweets à suivre en direct pendant toute une année sur mon compte Twitter.
Première saison : été 2011
Deuxième saison : automne 2011
Troisième saison
hiver 2011-2012

I

Saut majeur, l'intégration de la Dream Machine à la sculpture permet aux explorateurs de patrouiller dans le temps du Merz. Un championnat de dadas a entériné la sélection des zones temporelles et des artefacts récupérables dans l'hémisphère Nord. De Zurich à Hanovre, Blanche Sélavie et Hugues Haubal collectent, numérisent cylindres, rouleaux et disques de phonographe. Scrutant les menus évènements de l'année 2023, an XI de l'ère nouvelle, Anna Bloom et Kurt Witter recherchent Costume Noir.

Georges Permeke-Spilliaert alias Han-Ri Mishoko, ouvrier agricole dans un élevage de rennes en Laponie ; il peint la neige. Blanc sur blanc, il entasse ses toiles dans un congélateur. Il crée des statues de neige, armée de fantômes sur la toundra. G.P.S. rêve parfois de ses vieux amis, croit les reconnaître dans une marine peinte par Schwitters sur une île norvégienne. Un quartet de bonhommes de neige monte la garde devant l'entrée de l'étable. On entend les rennes qui ruminent leur lichen.

La bulle temporelle dépose Blanche et Hugues, Spiegelgasse à Zurich, explorateurs invisibles aux yeux des passants de 1916. Anna et Kurt naviguent dans les données de l'Académie 23, traquant les occurrences de Turing Stephenson Gibson & Burroughs.

II

De son propre chef, Anna propose à Omer et Pénélope de l'accompagner dans une dérive originale. Ithaque-Troie aller-retour. Kurt n'apprécie guère l'initiative et laisse éclater sa colère. Il préfère que la découverte de l'effet Merz reste secrète. Le vif éclat de Kurt détruit les relations déjà distendues avec Omer et la tisseuse. Anna se sent très desperate housewife. Pour se dérider, elle décide de créer une ligne inédite de dadas en mâchant ensemble chewing-gums et Léonidas (autre Grec).

Ailleurs, outre-temps. Blanche se sent coupable. Malaise. L'ingratitude du groupe vis à vis de L'Impossible Naoko. Oubliée. En s'appropriant passé et avenir, le royaume des morts et le pays de ceux qui ne sont pas nés, ils abandonnent les vivants. Spiegelgasse, l'astropataphysicienne et son partenaire de translation avancent main dans la main, vers le Cabaret Voltaire.
De son (leur) côté, KurtAnnaWitterBloom a (ont) localisé la signature numérique de Costume Noir dans une database orbitale. Pendant l'interfaçage au serveur de l'Irréalité, les sbires du Bureau de Salubrité Mentale cognent à la porte de la maison. Ils sont toujours à la recherche de G.P.S. Anna se déconnecte pour les accueillir. Ils sont deux et jouent Bad Cop/Bad Cop.

III

Badcop 1 : "On a retracé les tweets que Mishoko a échangés avec vous après son évasion du Therapy Center. Où est-il ? Now."
Anna : "Nao ! Elle est peut-être impossible, mais n'a rien à voir Han Ri. Et lui, il est loin, parti dans la tweetosphère."
Badcop 2 : "Tweetosphère ! Tweetosphère ! Est-ce qu'on a des gueules de tweetosphère ? Faut changer de refrain, Mme Bloom !"
Anna : "Si vous voulez, je peux vous imiter le pinson dll rrrrr beeeee bö dll rrrrr beeeee bö fümms bö rrrrr beeeee bö wö."

Soudain surgit Kurt Witter, générateur à la main. Les premières syllabes de l'Ursonate ont joué un rôle de signal d'alarme. Les deux flics ont le souffle coupé. Kurt les braque avec le générateur de champ temporel et les expédie à l’ère glaciaire.
Débarrassé des fâcheux, le duo WitterBloom se branche de nouveau à la MerzDreamMachine. Direction le Cloud de Costume Noir. Les explorateurs se glissent à l'intérieur du Simulacron, trouent le mur de glace noire et fusent dans la purée de données. Enfoncés dans le fouillis des fichiers, ils entendent un marmonnement "whisper" qui va crescendo, voix mp3 de Costume Noir. Calling partisans of all nations/Shift linguals/Cut word lines/Vibrate tourists/Free doorways/Break through in grey room...

IV

Zurich. Hugues Haubal se fraie un chemin dans la foule qui encombre le trottoir. Avec Blanche, ils entrent dans le cabaret. L'endroit est bondé. À travers la fumée de tabac, ils observent la scène cernée sur trois côtés par les amateurs de poésie. Blanche et Hugues marchent vers le frontstage, se glissent entre les spectateurs. Ils remarquent des Turcs et des Japonais.

Krippenspiel en cours sur la scène. Assistance silencieuse, surprise par la rencontre entre récitatif et concert bruitiste. Après les applaudissements, Blanche Sélavie se tourne vers son partenaire pour partager l'émerveillement. Hugues a disparu.

Sur chaque côté de la scène, on installe maintenant trois pupitres supportant chacun un manuscrit rédigé en lettres rouges. Les lampes s'éteignent. Silence. Dans la pénombre, on distingue des silhouettes déplaçant une masse sur l'estrade. Lumière.
Oh et ah stupéfaits. Le personnage en scène a les jambes prises jusqu'aux hanches dans un brillant cylindre de carton bleu. Il arbore un énorme col-manteau, couvert de papier, rouge à l'intérieur et doré à l'extérieur, qu'il remue comme des ailes. Avec son chapeau de chaman à rayures blanches et bleues, on dirait un obélisque. Blanche, sidérée, reconnaît Hugues Haubal.

V

Whou whououou whououou... En même temps, mais à une autre époque, au même endroit, mais en un autre lieu. Whouououououou... Le vent souffle hurle en mode blizzard. Devant l'étable laponne, les bonhommes de neige sont devenus des gros tas. Tumulus.

A l'intérieur, Georges se fait chauffer les doigts par son couple de rennes préférés. La vapeur se condense sur ses ongles. Il ferme les yeux, se focalise sur les méandres de sa tapisserie interne, devine des ombres amies dans l'entrelacs méningé. Les rennes s'ébrouent, déchirant le voile méditatif alors que la mise au point sur les quatre silhouettes devient optimale.
Georges sait ce qu'il doit faire. Il avale une jatte de lait jaune, enfile sa pelisse en peau de loup et coiffe son feutre. Dehors les monticules luisent sous le soleil de minuit. Georges se met au centre du carré, commence à tourner sur lui-même. Élevant et abaissant les bras, tourne, tourne, tourne. Dans un sens, dans l'autre. Soudain s'arrête, commence à psalmodier. "Gadji beri bimba. Glandridi laul lauli lonn lonni cadori. Gadjama bim beri glassala. Glandradi glassla tuffm i zimbrahim." Blocs de neige remués de l'intérieur, vibrant sous les consonnes. Bimba bimba. Ils enflent et se redressent face à Georges.

VI

En même temps, à une autre époque, au même endroit, en un autre lieu, Kurt et Blanche pérégrinent dans un orage électrique. Voix nasillarde de Costume Noir. Les particules chargées leur hérissent le poil, font crépiter la laine de leurs vêtements. Parole Stalkerisée les guide dans la zone grise. Les électrons clignotent autour d'eux comme des moucherons ou des flocons.

Hiver nucléaire de 2023. Bégaiement pop. World Destruction. This is war to extermination. Les nouvelles du futur suckent... La machine à rêver vire au cauchemar. Blanche serre le cou de sa poupée Pat et Kurt broie la tête de Walt. Celluloïd Crash. Le logiprog pirate de la Brigade de Salubrité Mentale secoue la carcasse du M.E.R.Z., relance les jumeaux BadBad et CopCop.
Par un violent effort de concentration, Kurt se dégage de la sinusoïde maléfique et active son accumulateur d'orgone perso. Détachant les doigts de Blanche de l'avatar pseudo-dickien, d'un coup de pied virtuel, il catapulte celui-ci hors du temps. Blanche revient à elle et lui. Junkjumeaux avalés par la poubelle du hardisque. Nuage électronique devenu tempête de neige. Au sein de la brume, Kurt et Blanche entrevoient quatre figures fantomatiques s'agitant et gazouillant de façon brownienne.

VII

Même temps, autre époque. Même endroit, autre lieu. Podium du Cabaret Voltaire, Hugues Haubal en transe, remue ses "ailes". Sans peur du ridicule, il brame hardiment Le Chant de Labada aux nuages. Au milieu du public, Blanche ébahie bat des mains.

L'éclairage faiblit. On distingue des silhouettes qui se dirigent vers le second pupitre. Voix modulant le murmure du vent.
Lumière revenue, quatre ombres dansantes et bruissantes encerclent un géant couvert de fourrures planté face à l'auditoire.


Hugues annonce "La Caravane des éléphants". Bung ! Bunga! La créature tape convulsivement du pied le plancher de l'estrade. Les deux "artistes" bougent et récitent de concert. Grossiga égiga tumba. Soudain, Blanche reconnaît la voix du géant velu. Elle se souvient. Han Ri Mishoko, ses bonbons farcis, sa fuite au Nord, son nouvel alias. Georges ! Sous une peau de loup !
Une main se pose sur le dos de Blanche. Elle se retourne. Anna est là. Du doigt, désignant la scène, le troisième pupitre. Trop d'évènements simultanés ! L'astropataphysicienne beugue. Se reprend, assimile puis redémarre. Kurt hurle avec le loup. Animés par la foule, les trois déclamateurs slamment blago bung blago bung. Anna et Blanche balancent des wulubu ssubudu...

Fin de la troisième saison

La prochaine et dernière saison de "Kurt Witter" sera publiée au printemps 2012.

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mercredi 30 novembre 2011

Kurt Witter 2ème saison

« KURT WITTER » est un roman expérimental. Chaque chapitre est constitué des dix blocs de texte (« tweets » de 140 signes) publiés au cours d'une semaine sur Twitter. Pour une lecture plus aisée, les blocs ont été regroupés en paragraphes « normaux ».
7 chapitres constituent une "saison".
Le roman terminé comprendra 28 chapitres, soit 280 tweets à suivre en direct pendant toute une année sur mon compte Twitter.


Première saison : été 2011


Deuxième saison

I

Kurt plane en rase-mottes au-dessus du M.E.R.Z. Au pays fantasmé de Costume Noir, Flight Simulator remplace le jeu de dadas. Le paysage planétaire garnit les murs de l’habitation, s’étend au plafond. Kurt domine le hérisson damé, pâquis de piquants. Bras tendus, il survole les moules Broodthaers, mine de schistes marins à ciel ouvert. Les déchets palpitent artistiquement. Épaves stellaires. Éléments récupérés du satellite crashé dans le jardin de L’Impossible Naoko, une amie de Blanche Sélavie.
Kurt sent la robuste énergie symbolique présente dans la sculpture. Choix, collecte, recyclage. Moteur d’Éclosion. Rite Zen. L’eau utilisée pour fabriquer les objets fixés aux parois sourd et ruisselle en cascade sous les yeux de l’aviateur endormi. Le pétrole brut réintègre également le circuit sous la forme de filaments irisés qui surnagent dans les méandres aquatiques.
Kurt est en vol stationnaire. C’est l’appartement au complet qui semble tourbillonner. Les couleurs du M.E.R.Z se coagulent. Tout est blanc étincelant, comme la nacre de ses yeux. Le rêveur aérien flotte dans l'ardeur lumineuse. L’horizon a disparu.
Comme des feux dans la nuit, trois trajectoires cernent Kurt : Anna et Blanche sur les ailes, Hugues à l'arrière du quatuor.

II

L'escadrille des joueurs de dadas dessine un + au-dessus du bas-relief merzien. Constellation positive sur l'univers recréé. Les quatre sont unis dans le temps du rêve, interconnectés en altitude. La distance autorise un panoramique spatio-temporel. Ils se voient bébés au sein, enfants aux genoux écorchés, adolescents romantiques écrivant des poésies gorgées de Sehnsucht.
Anna Bloom lit un roman de James Joyce. Blanche Sélavie coupe les cheveux de Tonton Marcel. Hugues Haubal loue une caravane. Kurt entend les bombes s'écraser sur Hanovre. Il trempe son pinceau dans l'huile de térébenthine et joue sa première sonate.
Tout arrive simultanément. Le temps s'abolit comme un bibelot d'inanité. L'espace est parcouru de vibrations synesthésiques. La tapisserie de papiers de chewing-gum clignote dans les éclairs orangés des orages qui se succèdent en une longue théorie. L'amas de prospectus dégouline d'encres de couleurs et de pâte à papier. Le M.E.R.Z. bouillonne dans l'électricité statique. Le grondement du tonnerre couvre toutes les pistes sonores. Les quatre oniromanciens décontenancés font face au pot au noir.
"TOWERS! OPEN FIRE!". Médiocre parodie de Darth Vador, la voix de Costume Noir émerge du chaos ambiant. Kurt éclate de rire. (90)

III

Au ciel de lit, les quatre cavaliers manœuvrent à l'unisson au milieu des éclairs engrenés par l'injonction de Costume Noir. Anna repère le thaumaturge juché sur la porte ouverte de la salle de bains. Il tient à la main un tuyau métallique flexible. Kurt envoie aux trois copilotes l'image d'un sous-marinier marmonnant dans un tube. Le cylindre s'étire, palpitant vers lui.

Serpent annelé rivant sa bouche grande ouverte à l'oreille du rêveur volant. Voix de Costume Noir enserrant la tête de Kurt. "Vous décodez hier maintenant instantanément image par image avec accélération efficace. Ensemble inside the dream machine." Kurt veut poser la question de l'énergie noire, mais le flexible se rétracte comme le cordon d'alimentation d'un aspirateur. En même temps, le costume de Costume Noir se brouille. Un crrrépitement parasite monte et descend comme une tornade blanche.

23:23, Kurt remarque les diodes du radioréveil. Il se souvient de tout, et notamment du vol en commun initié par le M.E.R.Z. De son lit, il twitte @AnnAbloom @ugobal @blanche_selavie : Merci de noter vos visions pour le tournoi de jeudi. #dada #rêve
En se rendormant, Kurt voit Georges fuyant vers le nord radical sur un traîneau tiré par des chiens à pattes télescopiques.

IV

La grande ourse blanche est invisible dans le ciel norvégien. Midnight Sun over les logogrammes dessinécrits dans la neige. Georges Permeke-Spilliaert s'imagine Jack-James-Oliver London-Curwood filant au nord sur les traces de Christian Dotremont. En fuite loin des sbires du Bureau de Salubrité Mentale, depuis qu'il a quitté ses amis, G.P.S. avance vers le Septentrion. Il a traversé la Flandre et les Pays-Bas, de Breda à Rotterdam. Il a trouvé le bon dosage pour ses bonbons à la mescaline.

Dans sa réalité norvégienne, Georges se transporte en commun, autocar ou train. Il atteint Molde, Comté de Møre og Romsdal. De là, il prendra le Hurtigruten vers Kirkenes et le Cap Nord. Pour l'instant, il observe le trafic maritime dans le fjord. Un ferry blanc et bleu contourne paisiblement l'île de Hjertøya. Un couple de touristes français bavarde à côté de Georges.
La femme en tailleur sombre désigne l'île à son compagnon barbu. "C'est là que Kurt Schwitters venait passer les vacances."En l'entendant, Georges tressaille. Il pensait être à la poursuite du COBRA à trois têtes et voici qu'il rencontre le MERZ.Il comprend qu'il n'est pas arrivé à Molde par hasard. Il prendra l'Express Côtier un autre jour. D'abord, aller sur l'île.

V

Tandis que G.P.-S. arpente l'île de Hjertøya sur les traces du grand dadaïste, ses amis se réunissent dans le logis de K.W. Mardi, traditionnelle partie de dadas opposant par tirage au sort Bloom-Sélavie à Witter-Haubal. À l'ordre du jour : rêves.
Le jeu commence sous le signe de la méditation. On n'entend que les dés roulant sur le tapis et le piétinement des chevaux. Chacun rassemble les bribes intimes des rêves de la semaine passée en regardant le déplacement discontinu des dadas durcis.

Quand tous les chevaux sont sortis des stalles, Kurt prend la parole pour décrire son vol aéronirique au-dessus du M.E.R.Z. L'ahurissement se lit sur les visages des auditeurs. Anna est si surprise qu'elle renverse le premier dada d'Hugues Haubal. Kurt relève l'animal et achève son récit par l'épisode Costume Noir Dream Machine. Blanche, Hugues et Anna sont bouche bée.

Stade suprême de la connexion, ils ont expérimenté pour la première fois le rêve partagé. Blanche est la plus enthousiaste. L'astropataphysienne, en notant la présence bénéfique du M.E.R.Z., pense qu'il faut aussi prospecter la voie de la Machine. Kurt est OK. Il reste assez de place au centre du living pour l'installation. Hugues accepte de réunir tous les composants.

VI

"Toute révolution autre qu'électronique ne peut qu'échouer." Encore une phrase que Costume Noir avait tatouée dans sa tête. Kurt la voit scintiller sur les parois de son crâne comme un de ces slogans maléfiques au sommet des tours du centre-ville.

De son côté, Hugues récupère un baril métallique dans le jardin-jungle de l'Impossible Naoko et le charge dans son pick-up. Chez Pénélope et Omer (ils sont réconciliés), Anna emprunte une débobineuse d'écheveau à moteur électrique et axe vertical. Pour la cause, Blanche accepte de se séparer de sa lampe de chevet globe orange verre dépoli 4 x 25 watts design années 70.

Pendant que Kurt cogite sur les mots qui tombent dans la chambre grise, ses camarades déchargent et installent le matériel. Le vacarme de la meuleuse découpant des alvéoles dans la tôle du baril suspend les spéculations de Kurt. Le M.E.R.Z. vibre. Avec des écrous, Hugues fixe le fond du tonneau troué aux bras de la débobineuse. Un rhéostat règle la vitesse de rotation. Pendu à la potence d'un pied de micro, le globe orange oscille au centre du baril ; rais lumineux jaillissant des alvéoles.
Blanche branche la prise du moteur. Le gros cylindre commence à tourner sur sa base. La Machine à rêver est opérationnelle.

VII

La confrérie est debout devant la machine. Yeux clos, face à face, deux par deux, les voyageurs encerclent le baril ajouré. Le clignotement coloré sur les paupières fermées modifie les ondes alpha de Kurtannablanchehugues Witterbloomsélaviehaubal. Sur le tapis rétinien, torsades d'arabesques chamarrées, aurore boréale cérébrale. Solénoïde invisible reliant les rêveurs. En arrière-plan, cette pensée commune : La Dream Machine est l'unique objet d'art que l'on puisse examiner les yeux fermés.

Pendant que les quatre synchronisent la sphère de leur rêve, Georges Permeke-Spilliaert essaie de maîtriser son mal de mer. Il quitte Hjertøya en bateau pour explorer l'archipel de Bjørnsund, sur les traces des paysages peints par Kurt Schwitters.

Dans l'alentissement de la rotation, mouvement et couleur s'harmonisent pour devenir flux et reflux dans un bleu océanique. Les dreamers se polylocalisent. Debout dans le salon et, en même temps, ailleurs, allongés sur l'eau. Étoile de mer géante. Kurt Nord, Anna Sud, Blanche Est, Hugues Ouest, soulevés par la houle, dérivent psychogéographiquement dans le Gulf Stream. Goût de sel. Sillage d'un bateau. Éclaboussures. Éructations. Crachats. Soudain, ils VOIENT Georges vomissant dans l'océan.

Fin de la deuxième saison

La 3ème saison commencera en janvier 2012...

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mardi 22 novembre 2011

Ici ou là

Christine Jeanney écrit une "To Do List" d'après une de mes photos sur son blog "Tentatives"

Creative Writing French, Poèmes express : l'atelier d'écriture dirigé par Abdourahman A. Waberi, écrivain et professeur de français aux aux Claremont Colleges, en Californie.

Parution de "Mort d'un jardinier" en Norvège chez Solum Forlag sous le titre "Ein gartnar døyr" dans une traduction de Grete Kleppen.

Ma participation au projet "Tours et détours en bibliothèque : Carnet de voyage 1992-2012" pour les 20 ans de l'Enssib. L'Albatros est le nom de la médiathèque d'Armentières (à suivre).

Ma préface aux "Dérives immobiles" de Jean-Pierre Sautreau et Jean-François Bourasseau, ouvrage qui vient de paraître aux éditions Soc et Foc.

Philip K. Dick interviewé par Charles Platt en 1979, un document rare. (2 h en anglais)

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lundi 5 septembre 2011

KURT WITTER saison 1

KURT WITTER est un roman-feuilleton expérimental.
Chaque chapitre est constitué de 10 blocs de texte (épisodes tweets de 140 signes) publiés hebdomadairement (2 par jour) sur mon compte Twitter.
Voici la première saison de la série : 7 chapitres, soit 70 tweets publiés entre le 18 juillet et le 2 septembre 2011.


I

Il se dégagea des draps et redressa deux figurines du jeu de dadas renversées sur le marbre de la table de nuit. Un coq cria. Kurt fut ravi de constater que le chewing-gum avec lequel il avait façonné les petits chevaux était dur. Anna apprécierait.

Le coq s'était tu. Le chant d'un pinson déclencha le sourire de Kurt qui tenta une imitation : ziiuu ennze ziiuu rinnzkrmüüü. Ayant fini sa toilette, Kurt envoya un tweet à sa fiancée. Anna Bloom lui répondit : "Goo goo g'joob" sur son adresse google.

Sur le trottoir devant la maison, une boîte de métal écrasée luisait rouge et noire sous le soleil rasant. Sélection du tri. Kurt avait parlé du choix aléatoire des matériaux avec Hugues Haubal et Han Ri Mishoko qui l'aidaient pour la construction. Le trio coopérait ; le capharnaüm proliférait dans tous les sens. De loin, il s'apparentait à une casse automobile rutilante.

En mastiquant son bloc de pâte à mâcher, Anna Bloom pensait à la pauvre Pénélope. Omer avait été ignoblement cruel avec elle. Anna, fière de son statut palindromique, préférait la sculpture, même avec du chewing-gum, au travail à la chaîne du tissage. Elle mâchait. Des Malapartes jaunes et des Bollywoods roses. Elle était la maman des dadas, mais c'est Kurt qui les nommait.

II

Kurt progressait, tête courbée vers le sol, traquant les matériaux intéressants. Tout en se méfiant des dépôts inappropriés. Une boîte de bière aplatie avait pris une forme de hérisson. Kurt la ramassa, l'examina, la huma et l'enfila dans son cabas. Près du centre commerzial, les ocelles noircies des gommes à mâcher abandonnées, puis écrasées, grouillaient sur le dallage. L'idée était de filmer numériquement le sol de son circuit habituel et de donner des valeurs sonores aux taches du trottoir. Kurt imaginait la prochaine partie de petits chevaux avec Anna, Hugues et Han Ri dans une ambiance musicale louigirussolote.

Rentré chez lui, il amalgama le hérisson d'aluminium à la fresque polychrome et tintinnabulante qui colonisait les cloisons. Kurt avait donné au collage monstre le titre de Manifeste Entropique du Recyclage Zaoum. Anna avait suggéré Zazou. En vain !

Le jeudi, les amis vinrent à 8 h pour le rituel tournoi de dadas. Kurt diffusa son film de trottoir et sa musique de taches. Anna s'autorisa la blague coutumière "Si vous ne venez pas à 8 h, Kurt ira à vous !" Le trio pouffa poliment "Ha ha ha." Han Ri Mishoko offrit sans succès des pralines à la mescaline. Hugues Haubal disposa la caravane d'équidés et lança les dés.

III

Anna savait, aussi bien que Kurt, qu'un coup de dés jamais n'abolirait le bazar.
L'été enfin là, ils partirent pour la côte.

À l'aube, ils piétinaient dans l'eau, le regard tourné vers le large et le haut. Au retour, ils longeaient la laisse de mer. L'appartement de location se remplissait des trouvailles de Kurt : gants de pêcheur, fragments de filets, boîtes diverses...

Sur la plage de Berck, plongée dans le Cryptonomicon de Neal Stephenson, Anna n'entendait pas les hélicoptères et jetskis. Étendu sur le dos, Kurt pensait au destin de l'humanité, aux cuisses d'Anna et à se rendre à la poissonnerie. Il s'endormit.

Dans le rêve de Kurt, un homme vêtu d'un costume noir et portant un chapeau et des lunettes de plongée l'invita à le suivre. La plage s'agrandit, devint le Sahara. Les deux personnages se dirigèrent vers une structure composite qui émergeait du sol. Cela ressemblait au M.E.R.Z., un Mélange Étrange de Rebuts Zoologiques, une création du cabinet associé Moreau-Frankenstein. L'ozone emplissait les fosses nasales de Kurt tandis qu'il contemplait le mégalithe caparaçonné d'un camouflage multicolore. L'assemblage hétéroclite qui recouvrait les parois de la chose vibrait et bourdonnait. Costume Noir procura une explication.

IV

Une telle "machine" s'élaborait en fusionnant théologie négative, biologie cybernétique, ondes de forme et théorie du chaos. Un sourire de compréhension illuminait le visage de Kurt mais la marée montante l'exfiltra dans les filets du temps présent. La voix suave d'Anna glissa dans les osselets de son oreille gauche : "J'ai attendu la dernière minute pour te réveiller."

Zigzaguant entre parasols, bronzophiles inertes, lanceurs de balle, porteurs d'eau, terrassiers, ils traversèrent la plage. Chez le poissonnier Broodthaers, Kurt acheta deux litres de moules maliques et soixante-quinze centilitres de vin blanc sec. De façon générale, les magasins de l'Avenue de la Mer exhibaient des objets conçus pour être directement jetés aux ordures.

Les jours suivants, le ciel se transfigura en wassingue de coton gris suintant ou pissant alternativement sur toute la côte. Suivant les conseils du Dr. Reich, Kurt et Anna restèrent cloîtrés dans l'appartement pour creuser la fonction de l'orgasme. La production d'orgone exaltait la faculté cognitive. Au son des averses, Kurt méditait la vision révélée par Costume Noir.

Après sept jours de réflexion, de baise et de pluie continues, le couple décida de quitter la côte et de regagner la ville.

V

Kurt très ému de retrouver son M.E.R.Z. y incorpora les coquilles nettoyées des moules de chez Broodthaers. Mer et calcaire. En lien étroit avec le "rêve de la plage", la sculpture devenait doucement une Machine Émotionnelle de Recherche Zénithale. L'œuvre était présente dans toutes les pièces de la maison, comme un bobinage géant à l'intérieur d'une capsule temporelle. Parfums, couleurs et sons se répondaient. L'alternance entre l'organique et le métallique assurait l'accumulation d'énergie.

Le geai numérique cria pour alerter Kurt. Connexion : message urgent de Hugues Haubal sur l'état de santé de Han Ri Mishoko. Leur ami avait surdosé ses bonbons psychovitaminés. Le Bureau de Salubrité Mentale avait réagi. Il faisait face aux verrous. Le pronostic vital d'Han Ri Mishoko était engagé dans un sens irrémédiable. Kurt se sentait misérable. Miracle inconcevable.
Pour se décontracter, il s'installa devant l'écran, se brancha sur Utube Video. Avec stupéfaction, il reconnut Costume Noir. L'homme le fixait par delà la marée d'octets. Il grommelait : "Mot tombant, photo tombant, irruption dans la chambre grise." Kurt était ébahi, presque en transe. Il profita d'un cut dans la vidéo pour murmurer : "Rakete rinnzekete". Le geai brailla.

VI

Anna enregistrait les oiseaux dans le Parc Central et joignait leurs chants à la messagerie. Le geai figurait Hugues Haubal. Son nouveau message racontait la visite d'un agent du B.S.M. à la recherche de Mishoko. Celui-ci avait pris la clé du champ. Kurt fut à la fois soulagé et inquiet. En manque, Han Ri ne pouvait aller ni chez lui, ni chez ses amis. Le B.S.M. veillait. Les gens de la Salubrité Mentale ne jouaient pas avec le bonheur des citoyens consommateurs. Le bien-être était obligatoire.

Un croassement annonça l'arrivée d'un tweet troublant, un message sybillin de @hanrimishoko : "Rembobine. Reprends mon nom." Kurt avait saisi. Il connaissait cet ami depuis longtemps, bien avant qu'il n'adopte ce pseudonyme un peu balourd. Mishoko ! Ils s'étaient rencontrés en 1970 à Amsterdam, chez Van Gennep. Tous deux venus pour acheter la collection complète de l'I.S. Adeptes de la dérive psycho-géographique, ils avaient fraternisé. Georges Permeke-Spilliaert était belge, poète et musicien.

Pour Kurt, "rembobiner" était une référence à leur commune composition bruitiste : Fuite hors du temps vers le Nord radical. Il sourit. Aidé par ses initiales, l'ex Han Ri filait en direction du Septentrion pour échapper aux griffes des hygiénistes.

VII

Fixés quant au sort de Georges Permeke-Spilliaert, Kurt et Anna reprirent leurs affaires : stock, sculpture et savoir-vivre. L'habituel tournoi de dadas eut lieu le jeudi suivant le départ de G.P.S. Sans praline, mais en présence de Blanche Sélavie. La jeune femme escortait Hugues Haubal. Il la présenta : "Elle est pataphysicienne, spécialiste en astronautique intuitive."

Durant le match entre la cavalerie Bloom-Witter et le duo Sélavie-Haubal, Kurt narra le projet M.E.R.Z. à la nouvelle venue. Blanche ignorait le but ultime de la Machine Émotionnelle de Recherche Zénithale mais avait assimilé son potentiel utopique. Les petits chevaux de chewing-gum durci, poupées Pat et Walt du futur, orbitaient sur la piste, telles des figurines vaudou.

Plus tard, relisant un classique, Anna nota cette condition essentielle : "Entre en transe en rêvant d'un objet face à toi." Elle copiecolla la citation, la posta et la tweeta. Trois minutes après, le chant du pinson sortit de son nid-book. Ziiuu... La réponse de Kurt tenait en moins de 140 signes : "Inversons le principe. Mettons en transe les objets qui nous entourent."

Kurt était maintenant au milieu du gué.
Dans l'attente.
La nuit, Costume Noir apparut dans son rêve, comme un Ange vagabond.

Fin de la première saison.

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posted by Lucien Suel at 08:42 2 comments