vendredi 26 janvier 2024

Daniel Fano - Papier pelure

          Vient de paraître

Daniel Fano, Papier pelure 1969-1999, Flammarion, janvier 2024

280 pages, 22€

Daniel Fano (1947-2019) a été publié dans Star Screwer en 1978.
Nous nous sommes retrouvés et rencontrés  dans les années 2000. Trois ensembles de ses poèmes ont été publiés en feuilleton sur ce blog : Retour à la case départ     Ana plus ana     Quelques Figures de l'égarement

"Papier pelure" présente des poèmes inédits et trois recueils réédités (Souvenirs of you, Chocolat bleu-pâle, La Nostalgie du classique) de la période 1969-1999. Ce livre, édité par Yves di Manno et préfacé par Philippe Mikriammos, représente pour moi une merveilleuse et magnifique surprise. C'est presque comme si Daniel revenait du séjour des morts. J'étais tellement triste quand j'ai reçu l'annonce de son décès. Nous étions proches par les goûts, les idées et notre "histoire" littéraire. 

Je n'oublierai jamais notre rencontre d'avril 2010 à La Tiremande en compagnie de notre ami Didier Lesaffre qui le véhiculait pour le projet de road trip d'Arras à Boulogne sur Mer, qui devait déboucher sur l'écriture et l'édition de son roman La Contrepartie (ou L'homme qui voulait tuer Françoise Hardy).

L.Suel

Ci-dessous, un court extrait de Papier pelure

La cerise de Ronsard

[…]

C’est à sa fine moustache

d’expert-comptable, à son costume

rayé, ses chaussettes à pois et

sa cravate violine que l’on

reconnaît

le poète véritable

 

page 228

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mardi 13 décembre 2022

The Starscrewer n° double 009/010 été 1978

 

« Star Screwer Spécial Franco-Faune» n° double 009/01008, publié au 3ème trimestre 1978, déposé au Service des périodiques de la préfecture du Pas-de-Calais le 29 décembre 1978. Tirage de 500 exemplaires. Prix du numéro 8 F. Format A4. Abonnement annuel 25 F. 41 pages en offset et en ronéo (stencil électronique).

Couverture : Dessin d’Henry-Le-Welche

page 3 : liste des auteurs et nationalités par ordre d’apparition

pages 4 à 7, Québec, Josée Yvon : « La Chienne de l’hôtel Tropicana » – pages 1 à 9 (paru aux éd. Cul Q., Montréal), Qu’est devenue Michelle Duclos ? et Ginette en chaleur (deux extraits de « Filles-Commandos bandées », paru aux éd. des Herbes Rouges.

pages 8 à 10, France, Alin Anseeuw : Ou simplement suicide ?

page 11, France, collage de Cobra : No Future.

pages 12 à 16, Suisse, Henry-Le-Welche : Itinéraires avec deux collages de l’auteur

page 17, France, Jacques Donguy : Dolly Morton

pages 18-19, France, Marc Villard : The kids are all right, Résurrection.

pages 20-21, Belgique, Jean-Pierre Verheggen : Chapitre XVI (Blason des corps), extrait de « Divan Le Terrible »

pages 22-23, France, Jean-Jacques Boutet (nouvelle) et Lourdel (illustrations) : Transit 262, avril 1978.

pages 24 à 26, Québec, Paul Chamberland : aux compagnons chercheurs

pages 27 à 29, Belgique, Daniel Fano : Punk’s Melodies, Secret Meanings, Waiting for W et

Suzy comes back (avec une photo de Jean-Louis Godefroid)

page 30, France, Guy Benoît : de mâle en pis à remonter le cours des sexes… poème-collage

pages 31 à 33, Québec, Denis Vanier : Menstrués de Rock, Les peaux de loups me saignent dans le dos mais il suffit de pomper le règne animal, L’Amour Impérial

pages 34 à 37, Etats-Unis d’Amérique et Québec, Claude P. Washburn : Amuse-Crâne, intersections de Claude Péloquin, avec deux collages de Claude Pélieu, November, All Souls Day, Ist IS Auto show, 1900

page 38, France, Alain Jégou : rivages verrouillés… (texte extrait de « tendresse gominée de la réalité », recueil inédit

page 39, France, Paul Quéré : Infiniment désolé j’erre… avec un dessin à l’encre de l’auteur, 1978

pages 40-41, Québec, Lucien Francœur : Les Punks Sucent les Araignes, Jenny Rock’s Memorex Motel

4ème de couverture, France, Lucien Suel : Collage (1978)


 

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mercredi 30 octobre 2019

Pour Daniel Fano 1947-2019

Nous volterons. Nous agonisons ourlés
par les épines, gonflés par les vents
de l'histoire, comme une paire tordue
d'épingles à cheveux sur la céramique
blanche, comme un domino délavé égaré
sous la table du jardin, comme un duo
éreinté, comme un couple qui dévisse.


Nous vaquons sous les nuages ventrus.
Nous mourons les mains vides et l'âme
lisse. Nos yeux plongent dans le sang
des restants, dans la tête des perdus
en terre, dans le coeur usé des pieux
versets. Notre empreinte s'évapore au
centre de la croisée impavide et nue.


Nous sommes sortis. Nous sommes loin.
Nous sommes pulsés dans une titubante
éternité, à la merci de l'oubli. Nous
clignotons dans le brouillard soyeux.
Nous ne reviendrons jamais. La longue
spirale de l'esprit caracole dans les
cieux, comme une cataracte renversée.
Lucien Suel

Relire Daniel Fano au Silo :

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mardi 25 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (6)


LE PIGEON REMPLACE LE LAPIN
Étrange endroit pour un rendez-vous secret. La sulfureuse créature semblait ignorer les regards lubriques des breddas qui buvaient leur bière au goulot. Le ghetto de Tel Aviv se trouvait au bout de sa main vénale. Ils avaient découpé le reporter à la tronçonneuse, ils auraient tant voulu qu’il reste vivant jusqu’à la fin du supplice. Elle ne pouvait plus s’arrêter de rire, leur sis fucking crispy, elle s’accroupit dans l’obscurité, une sono fracassante, une foule de danseurs, l’odeur de la ganja dans tout ça, si lourde, elle réagit d’un violent coup de reins. Ils avaient des guetteurs partout. En dépit de ses dents mal plantées, Inspecteur et Flippo se faisait appeler Lee Cooper. La peinture décrépite ne lui plaisait pas. Il se faisait des piqûres de papavérine directement dans la queue. Elle s’installa sur lui à califourchon. Un jour, sûrement, sa chance le lâcherait. Le téléphone sonnerait toutes les dix secondes. Les ascenseurs de Kingston étaient d’une lenteur exaspérante pour une opération clandestine de cette envergure. Le goût de la rouille persistait dans sa bouche. Il bondit sur le Ruger 4 pouces. Il pouvait livrer 700 kilos de cocaïne en provenance du cartel de Cali, qualité super de chez super. Une averse tropicale, un portrait géant du Négus Haïlé Sélassié. Ils secouaient leurs dreadlocks : des Rastas, tous trop influencés par les westerns. Ils canardaient la Chevrolet qui descendait Wildman Street en direction de la mer. Les magasins barricadés, les murs couverts de graffitis : il gagnerait un peu de temps. Le soi-disant Lee Cooper ne rêvait pas du drapeau rouge, il retenait son souffle, des silhouettes surréalistes se rapprochaient de la station-service Hancock, il n’allait pas assister à un concours de beauté. Il fit monter une balle dans le canon de son revolver, il occupait une position stratégique, juste à côté de l’aquarium. « Arrêtez ! » Elle avait tenté de leur échapper, puis reprise, elle ne put garder que son slip accroché à la cheville, ils se rincèrent l’œil puis la frappèrent à coups de chaînes d’acier, le décor devint encore plus dégueulasse que d’habitude. Il découvrit le Browning à 15 coups de son infortuné camarade et les bouteilles de Cointreau, de rhum et d’Amareto étaient toujours là, pas à Green Bay où ils allaient balancer les macchabées. Le bruit si particulier de la graisse. Et cette fille, dans le genre Miss Jamaïca – même qu’il avait failli l’appeler Lorena. La radio passait de station en station. Il ne pensait plus à la vengeance. Il compta sur ses doigts, ses adversaires devaient se concentrer pour l’assaut final.

10 février 2016.

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mardi 18 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (5)


LE REQUIN REMPLACE LE PIGEON

Sans doute, il fallait trouver les terroristes à tout prix, mais pas avant d’avoir ingurgité 500 grammes de Beluga, du gris foncé, magnifique. Une Ford Escort l’attendait à l’aéroport de Larnaka, le conduisit au milieu du brouillard jaune. Il jura quand il vit cette Rita Remington traverser le hall de l’hôtel dans un grand envol de zibeline artistement dessiné, sans regarder de son côté. Elle ne manquait pas de clients irakiens, pas un qui ne disparaisse dans le béton liquide, une balle dans le genou pour commencer. La sauvagerie glaciale : sa spécialité. Elle sortit du bar une bouteille de Stolychnaya : « Le chiffreur s’est mis au travail tout de suite. Rejoins-nous dès que je l’aurai chauffé à point ». La bouche écarlate à la lueur dansante des bougies. Les boutons arrachés. L’affiche de ce film diffusé dans le monde entier. Monsieur Typhus reconnut qu’il y avait pire que la Jordanie. D’ailleurs, Jimmy Ravel jouait avec son briquet Zippo « Black Crackle » bien cabossé. La banlieue de Bagdad, la guerre bactériologique et une lourde erreur d’appréciation comme on dit d’un lutteur de foire. Un professionnel qui savait arrêter les musiciens au meilleur moment. Les marches de bois craquaient sous ses pas, il parvenait au cœur du système ennemi. Major Osiris Walcott eut un rire nerveux, nul ne soupçonnerait jamais ces gens-là, d’allure si ordinaire et dont les passeports contenaient pas mal de visas. Ils venaient de passer par Athènes où les contrôles étaient inexistants. Il tressauta sous les impacts, se vida de son sang : il s’était pourtant maquillé avec soin pour cette si belle opération de désinformation. L’émissaire de Saddam Hussein lui lança un sourire désolé. Le soleil commençait à baisser, le bourdonnement continuait. Rosetta Stone se souvenait d’une sorte d’assassin qui avait des connaissances anatomiques, il se touchait donc là où vous savez, il avait le sens de la litote. La circulation ralentit sur l’A15, l’avenue Al Maeer vers le centre-ville et soudain, il se demanda s’il n’était pas en train de se laisser entraîner par son imagination. Le Bacillus anthrasis injecté sous forme de spray dans la climatisation des cinémas : des moustachus affables feraient aussi bien l’affaire – alors, il souffla la fumée de sa cigarette (le commando qui avait frappé pouvait remettre ça, et très vite), il tomba sur un répondeur, un canapé au ras du sol, plein de coussins. Curieuse impression que de se réveiller à Chypre, une chance que le temps soit pourri. Patricia Bartok tira sur sa jupe et alluma juste un rien de provocation au coin de sa prunelle : il s’agissait de ne pas décourager les bonnes volontés.

4 février 2016

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mardi 11 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (4)


LE PAPILLON REMPLACE LE REQUIN

Le grand type avait transporté sa guerre du Colorado à Cartagena, les orgies de décibels, deux filles en string se trémoussaient, caresses mutuelles sans conviction, lui manquait un œil, la peau du visage et du crâne, à l’ancien rouquin resté caractériel, pas question de traîner ici, l’indic, le deuxième tueur avait bondi vers lui, courte rafale, un enfer de plomb, un effet de pénétration considérable, même si on n’allait pas comparer avec les missiles SS-25 à charge nucléaire et portée maximum estimée à 9 000 kilomètres, il était temps de mettre le cap sur l’Amazonie et trop de secrets à protéger, un petit cargo à la coque rouillée, aux superstructures fatiguées, cargaison de coke en provenance de Manaus, les lumières du Mercado de Fero rescapé de la période coloniale, caisses de dynamite à destination de ce gringo genre marine ou para, passez-moi une Antarctica bien fraîche ou une Aguardiente, un dangereux si vous voyez, sa veste était déformée de partout, rapport aux armes qu’il portait sur lui, disons au moins deux revolvers Smith & Wesson 9mm, modèle 940, canon de quatre pouces, poignée de combat, il a cueilli pour la querida une orchidée, une émeraude et quelques diamants, déjà que ce n’était pas dans ses méthodes habituelles, sa bouche s’ouvrit sur un cri muet (mais c’est quoi cette histoire de merde ?), le mouchard parut comme frappé par la foudre, s’effondra dans le caniveau, le vengeur n’avait pas la mémoire courte, cessa d’écraser l’accélérateur, s’éjecta dans un roulé-boulé impeccable, il pensa : pour se faire une meilleure idée de la situation, se retrouva sur le toit de la villa, l’estrangeiro n’avait pas vraiment le look avec ses oreilles décollées, ce serait déjà cuit pour lui dans le nord-ouest, le Haut Rio Negro, une grimace de défi pour la forme, il préférait qu’on le filme au ralenti, elle avait repris ses esprits, l’experte en lecture labiale debout sur la carcasse de béton, beauté sidérale, silhouette qui adorait se rendre imprécise, elle avait piloté des appareils d’interception, celui-là payait en dollars et sans facture, il ne chercha même pas à cacher sa stupéfaction quand des geysers de sang se mirent à gicler de son abdomen, bon boulot, bravo, une voix grave et lugubre adaptée aux trois langues les plus utilisées dans l’univers de la dope, à condition de jouer serré, couverture commerciale bidon (bien sûr), elle voulait parler poker à la con, qu’il rapplique à la piscine du palace, elle ne pouvait empêcher les pétroliers de se sentir pousser des ailes, des politiciens de passage et qui en avaient plein le slip se pressaient pour observer la scène, ce n’était vraiment pas gagné d’avance pour la paranoïa totale.

28 janvier 2016

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mardi 4 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (3)


LE CRAPAUD REMPLACE LE PAPILLON

Il se releva, les colosses lancés à sa poursuite étaient équipés de lunettes à infrarouge et d’un système de géo-localisation individuelle, ils avaient des chiens de combat, des Matagi Akitas au pelage épais, et des pistolets-mitrailleurs Heckler & Koch MP5 SD6, il réussit à s’extirper de là, reprit sa course, ressentit un violent vertige, il ne voulait pas que sa mort fût inutile, il voulait alerter l’opinion publique, il continuait à perdre son apparence humaine, les mâles en rut s’imaginèrent qu’ils pouvaient la prendre par tous les trous sans plus tarder, la fille dansait comme si elle était seule au monde avant de leur donner une de ces leçons de karaté, ce qui ne lui prit pas beaucoup de temps, retour au rythme binaire hypnotique, « Internet Friends » de Knife Party, puis « The First Rebird », vieux tube techno/hard transe du milieu des années 1980 remis au goût du jour, de la neige apparaissait sur les écrans de contrôle, son acolyte fit un cercle avec son pouce et son index, il fendit la foule, siffla une boisson fluorescente, s’enfonça dans le bruit total, top départ pour les terroristes qui lançaient leur virus cyberbiologique, « Love is Gone » de David Guetta, « Gusano » par Gothika, ce liquidateur hautement irradié de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi ne cherchait plus à remplir ses grilles de sudoku, encore une question à laquelle nul ne trouverait de réponse, la peau d’une geisha distinguée devait être lisse, immaculée, celle du yakusa se couvrait de champignons, chacun son truc, jeter la dernière cigarette par-dessus le parapet du pont, l’Apocalypse pouvait se propager via les connexions wifi et blue-tooth des ordinateurs, il ne servait à rien de lui administrer ce thiopental sodique, les dégénérescences osseuses ne ralentissaient pas, il appréciait surtout de voir les très jeunes filles se caresser longuement devant lui mais il était trop nerveux, le nuage électrique (sans doute) et le béton qui se vitrifiait si vite, ils avaient à présent pénétré le domaine des kamis, il était en colère contre cette imitation ratée de Rui Kisugi, les geeks tendance cool qui croyaient que le second K était une légende urbaine bandaient pour la dernière fois, faux plafonds, flots sales du fleuve Sumida, les doigts du grand maître allèrent pianoter le canapé de cuir blanc, sa combinaison intégrale se déchira, l’idée que de la station Akasaka-Mitsuke on pouvait rayonner dans tout Tokyo le secoua d’un rire de longueur paranoïaque, la disparition des banques était imminente, sept milliards de morts au moins : nous vous avions pourtant prévenu que nous ne laisserions aucun témoin.

18 janvier 2016.

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mardi 27 septembre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (2)


LE CHAT REMPLACE LE CRAPAUD

Le seul bordel de luxe de toute la Roumanie attirait les hommes d’affaires de toute l’Europe, une petite pluie grasse et serrée s’était remise à tomber, ils descendaient au Bucaresti plutôt qu’au Venetia, n’étaient pas du genre à pirater un tram pour aller enculer les gamins et gamines au milieu des seringues sauvages et des paquets de cigarettes pourris, le cheptel se renouvelait sans cesse, le sida faisait des ravages, ne manquait plus que le pic à glace enfoncé en plein cœur – aucun d’eux ne connaissait la langue de Shakespeare, ils contournèrent les entrepôts, se retrouvèrent sur les voies ferrées, les courtes rafales crépitèrent, tous ces putains de trous plein les costards – le Bucur était un ancien relais de chasse au temps de Ceaucescu, les Occidentaux aimaient la chair fraîche, il fallait fournir, 115 kilos de primate lui fonçaient dessus, un samedi car le lutteur de foire avait son bandeau frontal, d’ailleurs la forêt de Baneasa ne brûlait pas – après la révolution, les Siciliens étaient arrivés, ils avaient pris la place des mafieux locaux, l’indicateur tendit sa main flasque après qu’elle eut émergé de sa masse gélatineuse, il n’avait guère le choix, le chef de gang avait le regard délavé plus aigu, grand temps de régler cette embrouille avec ses coupe-jarrets mauvais comme la gale – ce qui rapportait gros, c’était la contrefaçon, le trafic de haschisch libanais, les armes à destination du tiers-monde et derrière les vitres fumées de la berline, ne se berçait pas d’illusions – le cri d’agonie de l’autre imbécile était franchement bizarre et les crânes éclatèrent sous les impacts de 7,65 et alors les médias déballèrent tout sur les mocassins noirs et le maquillage outrancier – inutile de s’éterniser dans la cage d’escalier, celui-là savait porter de lourds secrets, consulter sa Rolex, lire une carte d’état-major, exactement comme dans un vrai cauchemar qui vient de partout et de nulle part – point de ralliement : la station-service Peco, prière de ne pas s’attarder dans la nuit finissante et le frémissement des feuillages, nous aurions préféré la strada Stavropoulos avec ses arabesques, ses arcades, ses balcons ajourés, nous serons indifférents aux coups de klaxon rageurs, nous verrons la ville devenir une grosse pomme à presser – prise de guerre avant le pont de l’Arsegul, grondements de l’orage et les camions fumants qui filaient vers la frontière de la Bulgarie, les flingueurs de couverture n’avaient pas envie de se mouiller, on va le leur mettre, mais alors là, profond, formidable ce lent panoramique, et les macs passeraient ainsi pour des bienfaiteurs de l’humanité.

14 janvier 2016

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mardi 20 septembre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (1)


LE LAPIN REMPLACE LE CHAT

Une cartouche dans la chambre et le cran de sûreté déjà dégagé, il se demanda qui pouvait bien rouler si tard dans la nuit en direction de Casa Grande, il se garda bien de sourire en se rappelant qu’en matière de terrorisme l’incompétence était très mal considérée – ils avaient apporté la grosse quincaillerie, ils avaient tous des lunettes à monture métallique, il pouvait déjà descendre celui qui venait en premier, celui qui faisait le malin avec son fusil Ithaca Mag-10 Roadblocker au canon raccourci (50 cm), il pressa la détente et le sang fut projeté sur le mur, il ne tenait pas à ce que son blouson de cuir soit abîmé – bon, au suivant (ce type venait de siffler six bouteilles de Corona, ou quoi ?), dans une époque de confusion, il fallait s’attendre à tout, essayer de gagner du temps, il y aurait bien encore certains détails à régler, regarder le Russe le passer à tabac, trouver l’interrupteur tandis qu’ils tenteraient de percer l’identité du soi-disant Johnny Deux Fois – la jeune femme avait assez de cellulite comme ça, contourner la sentinelle postée au bord de la piscine, heureusement que le pot de mayonnaise était en plastique, elle écraserait le long cigare Panatela dans un cendrier de cristal, question de couvrir les cris du supplicié – pas facile de lui trouver une copie conforme, ce serait trop risqué, ça reviendrait à révéler trop de choses, les marchandises volées, les dealers, les maquereaux – il se mit à les insulter en esperanto, dégoupilla la grenade et la balança, les balles déchiquetaient tout sur leur passage, et alors celui qui était en train de pisser sous le ciel étoilé leva son pistolet-mitrailleur Skorpion, sa veste ouverte claquait avec violence, il ne verrait pas comment explosait le réservoir d’une Mercedes, un mec nommé Stakhanov ou Stravinsky remontait le couloir en courant jusqu’aux barbelés électrifiés – fini l’effet de surprise, frapper et puis disparaître en quatrième vitesse, un hélicoptère approchait par l’ouest, masquerait bientôt la lune, les commanditaires n’aimaient pas les numéros de téléphone composés rapidement de mémoire – le matin, il se retrouva non loin de la réserve navajo, jeta son dévolu sur cette cafétéria, l’air conditionné paresseux, le pire allait venir, les vagues de chaleur ondulaient déjà dehors, l’idée que le vieux tueur était en train de devenir sentimental faillit le faire dégueuler – les 500 000 dollars en billets de 100 dollars, les bouteilles brisées, le sol de béton noirci, quelqu’un dirait que c’était à cause des séries télévisées, vous auriez dû prévoir, mon pauvre garçon, que la mission terminée, vous alliez recevoir ce baiser glacé derrière l’oreille.

11 janvier 2016.

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mardi 22 décembre 2015

Liens resserrés en 2015


Poèmes express
En avril 2015, Piero Cohen-Hadria déambule dans Paris et rencontre le poème express n° 363.
Le blog Main Tenant propose à ses lecteurs de réaliser des haïkus à partir de poèmes express.

Sur Youtube, une nouvelle mise en ligne du morceau « Les champs de la nuit », musique d'Arnaud Mirland (texte extrait de Canal mémoire) sur fond de poème express.

Je suis debout
A Saint Naz, dans les Couleurs d'Aencre, Les Chroniques de l'estuaire publient des versets de « Devenir le poème », extrait de Je suis debout, paru à La Table Ronde.

Sur le site de Ciclic, d'autres extraits de Je suis debout et surtout un entretien vidéo avec l'auteur.

Jacques Bonnaffé sur France-Culture lit « Grand pingouin », extrait de Je suis debout. (en fin d'émission)
Françoise Chambefort a créé un jeu video à partir du sonnet « Soupes », extrait de Je suis debout.

Mort d'un jardinier
Chuck M parle de façon lapidaire de sa lecture de Mort d'un jardinier.

Éditions QazaQ : Trois livres numériques parus en 2015
Réédition en livre numérique de mon premier recueil, paru en 1988.

Un recueil de trois nouvelles : Mer du Nord, Un aller simple pour Roubaix, La mort en duplicata de Rupert Sorley.
Brigetoun donne à lire un passage de Aller simple pour Roubaix, extrait de Dérives dans l'espace-temps.

Un roman expérimental composé de 50 poèmes express aux éditions Qazaq.

D'azur et d'acier
On écoute Isabelle Roussel-Gillet parler de D'azur et d'acier durant son intervention sur « Les récits brefs en mouvement » au Centre Culturel International de Cerisy. (août 2015)
D'azur et d'acier, lu par l'auteur paraît en version audio chez Book d'Oreille (éditions La Contre allée). Disponible au téléchargement à partir du 29 décembre 2015.

Autres liens
Brigetoun publie un extrait du roman Le lapin mystique paru à La Contre allée.
« Le langage dément » a lu avec attention et empathie Le Bréviaire de Jules-Alexis Muenier paru chez Invenit.

La Bibliothèque des Vosges présente des photos de "Poema" à la campagne.
Christiane Loubier publie « Les haricots », un extrait de Visions d'un jardin ordinaire.(ouvrage épuisé)

Dans la revue de poésie Frappa, des extraits de Sur la route (photos Josiane Suel, textes Lucien Suel)

La Fanzinothèque de Poitiers offre en téléchargement pdf les numéros 599 et 613 de la revue Moue de Veau (1995-96).
Sur le site de « Recours au poème », parution du poème Les Tombes, 10 pages inédites en vers justifiés.

Présentation de mon premier « livre jeunesse » Poèmes à dessiner et à colorier dans la collection Petit Va.

Parution de La Contrepartie, roman de Daniel Fano aux éditions Pierre-Guillaume De Roux. Ce roman est dédicacé à Didier Lesaffre et LucienSuel qui y apparaissent en caméo. Un chapitre entier se déroule à La Tiremande (Pas-de- Calais).

Troisième édition de Cadavre Grand m'a raconté, une anthologie de la poésie des fous et des crétins dans le Nord de la France, un livre mythique composé par Ivar Ch'Vavar et camarades, coédition Lurlure et Le Corridor bleu.
Sur le blog « Les poésies du Poly », réédition de Table rase, poème écrit lors de la fermeture de l'aciérie d'Isbergues en 2004.

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jeudi 2 janvier 2014

RETOUR À LA CASE DÉPART (7/7) - Daniel Fano

7.
Rose red naomi, rose movie star, le spécialiste du topspin
extrême a conclu des contrats à long terme
avec Rolex, Mercedes-Benz, Nike, Wilson, Gillette : le même
Roger Federer a remplacé Scarlett Johansson en tant
qu’ambassadeur de Moët & Chandon.
Le disciple de Teilhard de Chardin, depuis que son yoga est
typiquement transhumaniste minoritaire, mais
les Principes de l’Extropie de Max More ont de quoi.
Ticket de parking à 11 h 40, et l’attaque : terreur médiatique
– Twitter, instrument de propagande, les paris
sont ouverts, les fausses nouvelles tellement nombreuses,
les salons de beauté de Nairobi, bientôt les bains
de sang, les décombres fumants.
Phoebe Philo chez Céline, elle a fait preuve d’une redoutable
précision dans chacun de ses choix.
Daniel Fano
15 septembre – 1er octobre 2013.

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jeudi 26 décembre 2013

RETOUR À LA CASE DÉPART (6/7) - Daniel Fano

6.
Création des frères Miller, Manchester : vingt ans plus tard,
le blouson bomber Baracuta G9 a tourné rebelle quand Elvis
l’a enfilé cinématographiquement.
Cool avec Steve McQueen, Frank Sinatra,
l’avatar Peyton Place (le gentil Harrington), Joe Strummer
et tutti quanti – l’usine relancée par WP Lavori,
le designer Kenichi Kusano devait le réinterpréter
sous l’appellation Blue Label.
C’est rien que des trucs bizarres : bimbos grandeur nature,
évocation fétichiste sur le mode marketing – mais oui, les morts
sont toujours très bavards, Facebook ne suffit pas pour faire
de la politique, un trou dans le mur montre
ses oreilles de lapin, Picasso pourrait terminer sur une
double injonction contradictoire
et le jeu vidéo détraqué.

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jeudi 19 décembre 2013

RETOUR À LA CASE DÉPART (5/7) - Daniel Fano

5.
Trois mille talonistas qui ne savent comment
tortiller du fondement de manière idoine : donc, ne regarde
pas tes pieds, ne croise pas les jambes comme si
tu étais un mannequin sur une ligne imaginaire, monte les
escaliers, danse un peu, petits pas, tapis rouge, repars
sur tes Scholl orthopédiques.
La pornographie ne fait plus scandale quand les corps
sont nus : c’est quand tu te rhabilles que tu attires l’attention
de tous – tu te rappelles de ce que le philosophe
disait de l’érotisme : il ne suggère pas, il sert à lutter
contre le sexe, à en prendre le contrôle.
Et puis, le temps joue en général en faveur de l’adversaire,
un vieux cheval de retour, tu veux « absolument » revoir
cette poudrière, 60% des Néerlandais adorent le
french kiss, Fallopia japonica ne s’appelle plus Reynoutra
japonica, la colonisation exponentielle de l’Europe
a commencé dès le milieu du siècle dernier.

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jeudi 12 décembre 2013

RETOUR À LA CASE DÉPART (4/7) - Daniel Fano

4.
Bien sûr qu’il voulait vivre encore : il n’irait pas se faire
descendre n’importe où, n’importe quoi
pour se tirer d’affaire, et quelques palmiers lymphatiques
– tout était rongé par l’humidité lagunaire, le grillz de Madonna,
mais pas au-delà du quart d’heure, et George Clooney
n’a pas renoncé à son Omega De Ville Hour Vision, boîtier en
acier sur bracelet cuir, trois aiguilles, deux ouvertures
dans la carrure, curieux bruit de bouche
et le changement de direction s’opère en dérapage contrôlé,
t’es vraiment un enfoiré, la 9 mm Parabellum
ressortait, elle sifflait, sa course entraînait des morceaux
de cervelle et des fragments d’os, l’envoyé d’Alice
voulait savoir qui tirait les ficelles de ce pantin, il poussa
la porte, une épaisse odeur de graisse de mouton
lui tomba dessus.

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jeudi 5 décembre 2013

RETOUR À LA CASE DÉPART (3/7) - Daniel Fano

3.
Cette fille de diplomate n’hésite pas à déclarer qu’elle
utilise le plus souvent des papillons et des insectes,
elle situe l’épiphanie après l’effondrement de
l’action Blackberry, la capacité d’émerveillement prend
des allures de Fukushima, le même dieu
que les Martiens, H&M se prépare à délocaliser une partie
de sa production en Éthiopie et la petite balle de 45
grammes rebondit jusqu’ici, c’est un extraterrestre
qui a l’esprit de compétition, s’affranchit de la lourdeur
historique, se déploie, se retire à toute vitesse
et la serveuse de bar les seins à l’air, les cheveux
en bataille en guise de boussole.

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jeudi 28 novembre 2013

RETOUR À LA CASE DÉPART (2/7) - Daniel Fano

2.
Grands cabinets de conseils
comme Ernst & Young, KPMG ou PricewaterhouseCoopers,
pas curieux ceux-là qui passent leurs soirées à fumer
des cigarettes magiques, un long manteau oversized vieux
rose – de préférence tombant jusque par terre,
une jupe crayon en cuir, une collection d’animaux
empaillés pour l’instant, l’impression
de voir un prototype Aston Martin se crasher
au Goodwood Festival of Speed, un iPod pour faire son
shopping au Luna2 à Seminyak et qui oserait encore
annoncer que Tiger Woods va révolutionner
l’histoire de l’humanité, l’animateur de télé a toujours
besoin de s’inventer des ennemis pour exister.

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jeudi 21 novembre 2013

RETOUR À LA CASE DÉPART (1/7) - Daniel Fano

1.
Elle prend l’avion pour aller acheter
des livres d’art à New York, elle connaît les trucs
super pour upgrader son look, elle vous répète mille
et dix mille fois qu’elle a une vie géniale,
une vie de fêtes, plages, palaces particulièrement bien
choisis pour les plans culs, c’est qu’elle
photographie tout sans désemparer, c’est une rebelle
et une esthète, elle sait effacer un nuage au filtre
Willow, ne fait pas la différence entre le vrai
et le faux, elle préfère ne pas avoir de
souvenirs personnels, n’a d’ailleurs aucune idée
de ce qu’ils pourraient représenter, elle ne peut pas
s’imaginer qu’Instagram est déjà ringard, que la violence
et la vulgarité vont avec les cheveux
bleus, la robe de so princesse et le plus gros hold-up
de tous les temps se poursuit, plus personne
pour souhaiter le retour de l’information, des fleurs
de verre ou de porcelaine : et le tube de
peinture aplati.

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