mercredi 16 juillet 2014

Colonnes dénudées (post-scriptum)

La mise en ligne de "Colonnes dénudées" au Silo est maintenant terminée.
Le manuscrit de « Colonnes dénudées » rassemblait des poèmes écrits de 1987 à 1989. Dès 1990, il a été proposé à de nombreux éditeurs. Certains l’ont apprécié, mais tous l’ont refusé. Il a finalement été édité en 1994 par la Station Underground Underground d’Emerveillement Littéraire.
23 ans après, alors que vient de paraître dans La Quinzaine Littéraire (n° 1109), un magnifique article à propos de « Je suis debout », voici les quelques mots que Maurice Nadeau m’avait adressés en 1991 après avoir lu mon manuscrit.


11 mars [1991]
Cher Lucien Suel
J’ai beaucoup goûté ( ?) vos « colonnes dénudées ». Il y a une véritable invention, et non seulement géométrique. C’est drôle et quenellien en diable.
Le moyen de faire passer dans l’imprimé ? Il faudrait essayer dans quelques revues.
Bien cordialement
Maurice Nadeau

J’ai marché sur un nuage pendant quelques jours après avoir reçu ces encouragements de Maurice Nadeau. Et ensuite, je me suis remis au travail…
« Colonnes dénudées » est un ouvrage aujourd’hui indisponible. Mais la plupart des poèmes qui y figuraient ont été repris dans d’autres recueils ; pour la plupart, dans Canal mémoire, quelques-uns dans Un trou dans le monde et Petite Ourse de la Pauvreté.

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mercredi 9 juillet 2014

Colonnes dénudées (17)

RIDEAUX DE POUDRE

Ruisselle grise la boue
Sous les goudrons noirs
Des boulevards de pluie

Au jour le soleil inouï
Écartèle des carrefours
Sèche les peaux vivaces

Orifices délicats jadis
Enfouis car l'épaisseur
Des oripeaux s'échevèle

Downtown où s'effiloche
Le bas grésille le néon
Naked Lunch et carnaval

Le mannequin coule dans
La vitrine le plastique
Fondu fume noirâtre mou

La chair vaporisée mord
L'enduit de béton jaune
La ville s'ouvre muette

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mercredi 2 juillet 2014

Colonnes dénudées (16)

CHANT DU SIGNE ICONIQUE

III

Après avoir rafraîchi à
la fonte froide du trou
boisé la température de
mes doigts, crispés sur
le rail littéraire, ils
cognent, poitrinaires à
s'exténuer l'aorte dans
le travail urticant des
créations motrices. Par
la graisse fondue molle
du soleil, c'est aérien
que j'extirpe la crasse
ongulaire de mon rachis
tuméfié et vieillissant
dans la quiétude rouge.

Même les mouches à brin
viennent brouter l'avis
de décès du cardiologue
répulsif. Les conifères
insinuent leur acide en
tapinois dans l'humus ;
je suis cerné par leurs
miasmes de la terre par
l'éther délétère. Poils
follets voletant agiles
parmi les croix ruinées
du cimetière vinylique.

L'odeur de la couenne a
pimenté la momification
sinusoïdale du hamac de
madras, s'ajoutant à la
fraîcheur sudoripare du
mammifère qui s'est rué
à l'assaut en gueulant.

Le métal mitrailleur se
fraie un passage gluant
dans la boue musculaire
et les veines se vident
dans la terre assoiffée
de protides tandis qu'à
l'ouverture, les bribes
mémorielles s'échappent
en lambeaux lactescents
vers le ciel dominical.

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mercredi 11 juin 2014

Colonnes dénudées (15)

CHANT DU SIGNE ICONIQUE

II

Le soleil mycologique a
brûlé l'eau potable. Il
a calciné le silex. Les
chairs puériles se sont
évaporées à l'Orient et
les techniciens radieux
améliorent sans faiblir
la décomposition de nos
enveloppes carboniques.

Toi qui, diagonalement,
caresses les photons de
cette page issus, ô toi
qui cloisonnes ton goût
et ton dégoût, incruste
dans tes blessures trop
mal soignées l'onguent,
la pommade, le gel uval
de l'illumination drue.

A cet âge, il est temps
de braquer la banque de
données vocifératrices.

L'urgence est donc dans
la lenteur et je me tue
lymphatiquement. Toutes
les locutions sont dans
la soute à ramage. Tous
les substantifs rampent
dans la cale viciée. La
pyorrhée publicitaire a
corrompu le vocabulaire
sacré. Encore, en corps
on pue avant le lard du
hardcore qui grouille à
toison sur les plateaux
d'extase cathodique car
mon corps sage déborde.

La Communion des Saints
est à l'ordre du jour :
ISIDORE DUCASSE, front.
WILLIAM BURROUGHS, nez.
ARTHUR RIMBAUD, menton.
LÉON BLOY, hémoglobine.
CHAMFORT, coronarienne.
JACK KEROUAC, fémorale.
J.K.­ HUYSMANS, cubitus.
BAUDELAIRE, quadriceps.
VLADIMIR NABOKOV, yeux.
CIORAN, oxyhémoglobine.
APOLLINAIRE, encéphale.
PAUL­ VERLAINE, humérus.

Au terme de la douzaine
apostolique, le numerus
clausus intervient. Les
colonnes vacillent sous
la pression du vent fou
alliée à celle des mots
d'ordre de la biologie.

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mercredi 4 juin 2014

Colonnes dénudées (14)

CHANT DU SIGNE ICONIQUE

I

Dans l'obscurité humide
des caveaux de béton, y
pourrissant doucement à
l'abri des ondes, votre
sourire bleuté de totem
publicitaire s'ocellant
d'odorantes macérations
gazeuses, ô trafiquants
de chair humaine gavant
le tube fécal lumineux,
vous communiez enfin de
toutes vos cellules aux
noyaux délabrés avec le
néant spectaculaire qui
faisait parfois vibrer,
le temps d'une gâterie,
l'extrémité érubescente
de votre gros intestin.

Les commerçants bêlants
de la mort télévisée se
masturbent dans les gaz
pestilentiels fermentés
par la lie cérébrale du
lemming téléspectateur.

Toutes les images pures
sont retouchées, et cet
acharnement artificieux
étale à la vision ravie
le spectacle domestiqué
de l'agonie machiniste.

Le souvenir s'exaspère.

Le clavier mémorise les
âmes qui communient mot
à memento dans la lueur
séculaire des ferments.

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mercredi 28 mai 2014

Colonnes dénudées (13)

CAMÉRALE DÉBÂCLE

Jadis, pouvant, je sus.
Ainsi, sachant, je pus.
Alors, lâchant, je fus.

Douloureusement rampant
vers la porte, j'avance
sur le carrelage froid,
les linges à mes genoux
épongeant les traînées.

Je hisse contre le bois
la masse turbide de mon
corps aqueux déhiscent.

Membres écartés, appuis
précaires, -les mollets
parfois spasmodiquement
vibrent- j'ouvre grande
la bouche contre le mur
fibreux et l'anneau des
lèvres, hermétiquement-
ce caoutchouc de bocal-
emprisonne le hurlement
qui, montant du ventre,
gonfle les joues, tasse
la langue et se déchire
dans ma gorge meurtrie.

Pendant que les festons
de salive glissent doux
sur le placage, je sors
avec lenteur ma langue,
goûtant l'amertume dans
les orifices creusés là
par les vers. La sciure
s'amalgame en boulettes
dans les interstices de
ma dentition lacunaire.

Mes mains tâtonnent. La
peau des paumes se fend
aux échardes. Je frappe
du pied et du poing sur
un rythme binaire, mais
le tonus musculaire des
jambes s'amoindrit. Mes
ongles griffent le bois
mouillé. Agenouillé sur
la céramique visqueuse,
je plaque mon oreille à
la verticale du panneau
végétal. Seul, le pouls
capricant du temporal y
résonne laborieusement.

Dans le trou noir de la
serrure, mon regard use
l'énergie dernière sans
parvenir à percer l'air
opaque qui se referme à
l'extrémité du tronc de
cône où mon oeil saisit
uniquement les lumières
internes et fluctuantes
issues de ma propre âme
déliquescente. Je cerne
le vide étoilé. Aspirée
vers le bas, mon humeur
abonde en nausées âcres
et fumantes. Glissando.

Mon habitacle se réduit
aux dimensions du drap.
Impossible da capo. Mes
narines captent l'odeur
abominable de l'espèce.

Chute. Zéro égale zéro.
Dedans ou dehors, idem.

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mercredi 21 mai 2014

Colonnes dénudées (12)

TRACES ROUGES

5.AURICULAIRE.

En dépit d'un
syndrome pur,
canonisation,
lacération et
ivresse, elle
ne manquait à
aucun moment,
d'une infecte
religiosité à
l'air sombre,
rauque et pas
drôle du pain
angélique des
lead guitars.

Vous aimez la
beauté et les
casques. Vous
combinez maux
et merveilles
dans vos vils
intérieurs de
charcuterie à
répandre avec
un vermifuge.

Le miaulement
du chat reste
la rare joie.

Je vidais mon
regard, crevé
d'égout, seul
à sourire aux
lèvres molles
de la putain.

Je peux humer
la surface du
soulier, mais
suis inhabile
à dénouer les
liens vocaux.

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mercredi 14 mai 2014

Colonnes dénudées (11)

TRACES ROUGES
4. ANNULAIRE.

De race, soit
picarde, soit
pie frisonne,
voilà qui est
peu influent.

La soie frêle
qui habillait
la repasseuse
(cloque rouge
sur la paume,
éteinte grâce
à la pulpe de
pommes-frites
analgésiques)
la soie, dis-
je, révèle la
courbe intime
bien mouillée
(suée) du­ dos
si captivant.

J'aimais donc
m'étaler sous
le sujet. Les
êtres humains
se tendent au
flou du tronc
et du membre.

Je l'avais, à
vrai dire, au
coeur et bien
sûr, à grande
eau, ce sujet
dernier jour,
dernier cri à
l'usage caché
dans le coin.

Dehors, l'eau
brille sur le
silex ocellé.

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mercredi 7 mai 2014

Colonnes dénudées (10)

TRACES ROUGES

3.MAJEUR.

Les charmes à
saisir du bas
lancent votre
impulsion nue
vers le globe
lumineux d'un
astre de rose
chair. Appâté
par la tendre
sirène, je me
concentre sur
l'extrémité à
vite mouiller
de mon majeur
tendu vers le
bleu du ciel.

Mon impatient
organe éclate
par le cirque
déserté où le
pitre auguste
remonta notre
pantalon usé.

J'étais plat.

Ma vision est
habitude. Une
atmosphère de
rondeur serre
le bar envahi
d'une odeur à
vomir d'huile
rance de riz.

Souvent, nous
imaginons que
le rêve singe
les fonctions
naturelles et
laisse entier
le col pansu.

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mercredi 30 avril 2014

Colonnes dénudées (9)

TRACES ROUGES
2
INDEX

Mes yeux sont
cloutés. Nous
figeons ainsi
la graisse de
vache dans le
berceau d'une
poêle froide.

L'apparition,
dans le sirop
buccal, fraya
son passage à
travers l'âme
mendiante qui
tentait notre
chance, bazar
de la cécité.

Les bravos de
l'aficion-ado
remuent l'air
de la colonne
respiratoire.

Je souriais à
l'abri de mes
doigts serrés
sur ma bouche
(Ris ­donc, du
gland.) vide.

Je repose mon
verre. Sur la
table écartée
de ses pieds,
la pile pliée
du linge trié
tremblote, et
glisse, lente
vers le bord.

Je me sens de
la cheville à
la chevelure.

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mercredi 23 avril 2014

Colonnes dénudées (8)

TRACES ROUGES
1
POUCE

Je m'approche
de la table à
repasser. Les
mouchoirs ont
vacillé entre
les torchons.

On donnera là
l'image terne
d'un homme au
tempérament à
la fois raide
et nonchalant
qui passe des
vapeurs à une
eau tarie par
la métaphore.

Sur la piste,
couverte d'un
voile de fine
sciure, votre
moi passionné
excite le con
tenu de cette
soie blanche.

Un rythme dur
concassait le
rêve étrange.

La robe d'été
caressait (un
abat-jour qui
palpite) leur
souplesse, la
coulisse d'un
élastique, la
maestria osée
d'un pétard à
claquer parmi
les dentelles
incendiaires.

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