mardi 19 octobre 2021

Charles Bukowski - Quel homme j'étais

quel homme j'étais

J'ai descendu son oreille gauche

puis celle de droite,

et puis j'ai arraché la boucle de sa ceinture

avec du plomb incandescent,

et puis

j'ai descendu tout ce qui compte

et quand il se pencha

pour relever son caleçon

et ses billes

(pauvre créature)

j'ai fait de sorte qu'il n'ait

plus jamais à se redresser.

 

Ho. Hum.

J'ai piqué un p'tit somme rapide

et ce type semblait

me regarder de travers,

et c'est comme ça qu'il est mort --

de travers,

me regardant

et agrippant

ses billes.

 

Tout ce sang me donna

faim.

J'me suis tapé un sandwich au jambon.

J'ai écouté quelques chansons sentimentales…

J'ai descendu toutes les lumières

et je me suis baladé dehors.

Il semblait y avoir personne

alors j'ai abattu mon cheval

(pauvre créature)-

 

Puis j'ai vu l'shériff

qui se tenait tout au bout de la rue

et il tremblait

comme s'il avait la danse de St.Guy ;

c'était un spectacle vraiment pitoyable

alors j'ai ralenti ses tremblements

de ma première balle

et miséricordieusement j'l'ai figé

de ma seconde.

 

Puis j'me suis couché sur le dos

et j'ai tiré les étoiles une à une

et puis

j'ai descendu la lune

et puis je me suis baladé

et j'ai tiré chaque lumière

dans la ville,

et bientôt il commença à faire noir,

vraiment noir,

comme je l'aime ;

J'peux simplement pas dormir

avec une lumière

sur mon visage.

 

Me suis couché et ai rêvé

que j'étais de nouveau gosse

jouant avec mon six-coups en bois

et gagnant toutes les parties de billes,

et quand je me suis réveillé

mes revolvers n'y étaient plus

et on m'avait attaché les mains et les pieds

comme si quelqu'un

avait peur de moi

et  ils passaient un nœud

coulant autour de mon sale cou

comme s'ils avaient l'intention

de me pendre,

et un type

attacha un signe

vraiment joli

à ma chemise :

il y a une loi pour toi

et une loi pour moi

et une loi qui pend

du pied d'un arbre.

Charles Bukowski

traduction de Pierre Joris

Ce poème fut le deuxième poème de Charles Bukowski à paraître en France. C'était en 1973 dans le n° triple 4,5,6 de STARSCREWER édité par Bernard Froidefond.

Ci-dessous la page originale. 



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posted by Lucien Suel at 07:26