mercredi 2 septembre 2020

Ivar Ch'Vavar : Hypnos mal au centre (fin)


L’image
dans le téléviseur est une poignée bleutée d’os et de carti
lages qui bougent lentement, pris dans une sorte de brou
et / Un nuage de mites est venu pendre sur notre village ;
la rouille gagne les planètes et un vieux belphégor va
de porte en porte pour mendier. Loin sur la gauche, un
gros aboiement, comme un paquet posé à terre, paquet
lourd de glaire ou de viande en gelée : c’est l’impression
qu’il donne et il se mettrait à sauter tout seul, retombant lourdement, sautant encore, retombant. Oui, les lampes
crépitent au-dessus des portes, mais qu’on se rapproche,
c’est plutôt un marmonnement. Les cultivatrices s’agi
tent dans la lumière en cube des maisons. On les croirait
montées sur des roulettes, car on ne voit pas leurs pieds.
Leurs gros derrières passent et repassent avec autorité.
Leurs mains remuent la monnaie dans les tiroirs ; elles trempent leurs doigts dans la menouille, les picaillons et
elles les enfoncent jusqu’au fond ; elles secouent le tiroir
tout cliquaillant puis le repoussent d’un brusque geste et
elles croisent les bras, se coinçant fermement les pouces
sous les aisselles. La nuit ne songe qu’à noircir, les bruits
se rangent sagement ; les lumières, une à une, les écrans
des téléviseurs sont soufflés. Gare, demoiselles vous qui ne
seriez pas encore rentrées du lait ou des cabinets. Les gros
hiboux ont pris leur vol, déjà ils roulent les épaules, ils sont
à peaufiner leur ricanée. — À l’angle des granges, ou bien
au coin d’une haie, ils se jettent devant vous tout à coup ils
écartent les ailes dans un froufrou. Ils ne vous feraient pas
de mal, non, rien à craindre de tel. Mais vous ne pourriez
plus chasser de votre esprit l’image de leurs parties géni
tales si étonnamment semblables à celles des garçons.
à suivre...
Pages écrites courant 2003. Revues en mai 2016 et en avril 2019

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posted by Lucien Suel at 08:01