vendredi 4 février 2022

Venir au vent (XXVI) par Laurent Margantin

VII

 

Le plus lointain, le plus proche,

une route qui descend vers la mer

au milieu des masses calcaires

jetées en avant,

proue du continent naufragé

 

une seule voie sur la terre

sous le ciel fourmillant de pistes

 

cri clair, vrille

et criaillements répétés

crevant l'espace naissant

 

le premier mot

qui commence la page

est tout à la fois naissance et mort

 

mort de cet être qui cherchait son chemin

et parcourait le monde de son seul regard,

inspectant les lieux,

rêvant d'une impossible percée

dans ce jour buissonneux

 

dans l'attente du moment où échapper

 

quand au premier cri

quelque chose se déclenche,

l'homme éveillé s'est libéré du sommeil

dans lequel il était encore partiellement plongé,

et il déploie l'espace autour de lui

 

d'un seul geste vers l'avant,

l'avant, au-delà de toutes les paroles

apprises par cœur et répétées,

 

l'avant, lâchées, volatilisées toutes les idées creuses

faites en partie siennes malgré soi

 

l'avant d'un monde qui se dessine

effaçant les géographies sommaires

 

(lorsque nous montions vers

les granges du Moudang, dans les Pyrénées,

mes parents et moi, j'appris

à me dégager du cercle étroit

de la vision commune

et à percevoir le monde tel qu'il est)

 

et si cette échappée doit être signée,

alors qu'elle le soit par des mots

vifs et brûlants

 

ceux-là même qui,

en-deçà du bavardage général,

dorment dans la sensation et le rêve,

part de nous-mêmes la plus ignorée, la plus fraîche

et la plus ouverte au dehors

 

partez encore, oiseaux,

partez vers cet horizon qui est aussi le nôtre

nous vous rejoindrons peut-être un jour

(et vous plutôt que les anges)

 

                                                  comme j'écris ces lignes en marchant,

                                                       les martinets au-dessus de la place

                                                                               des quatre dauphins

                                           poursuivent leur cavalcade aérienne

 

manière à eux de fêter

le jour qui commence

 

 Laurent Margantin est un auteur et traducteur vivant à la Réunion.
Ces poèmes paraissent sous le titre Erres aux éditions Tarmac

https://www.tarmaceditions.com/erres
 
 

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posted by Lucien Suel at 07:00

2 Comments:

Blogger FRANKIE PAIN said...

merci nous marchons en lisant certains details nus arrête et nous reprenons la lecture merci le Poete et vous Monsieur Silo; j'ai bien apprécie
frankie

19:44  
Blogger Lucien Suel said...

Merci de votre visite au Silo, chère Frankie. Je vous souhaite une bonne année 2022 avec un peu de retard. Valise (comme dit Derrida) d'amitiés !
Lucien Suel

21:05  

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