mardi 24 mars 2009

La mort en duplicata pour Cosmik Galata (4)

La mort en duplicata pour Cosmik Galata (4)
Feuilleton romanesque en vers justifiés.

IV

SUITE DU RECIT PAR CHARLIE BURROUGHS...

« Et nous avons commencé à cheminer par les champs
et les près. Cosmik semblait connaître le pays. Au
bout d'une heure au sortir d'un chemin creux, nous
sommes arrivés à l'entrée de Steenwerck devant une
ferme. Cosmik pensait qu'on pourrait se reposer un
moment. Des camions de l'arrière-garde passeraient
peut-être par là. Moi, j'étais toujours apeuré. Je
me demandais si le paysan n'allait pas nous livrer
aux ennemis. Cosmik Galata me dit que les Flamands
sont de braves gens. Il s'abusait. Le péquenot dit
qu'il ne voulait pas de nous chez lui ; j'eus beau
lui répéter qu'on partirait au passage d'un camion
britannique. Il ne voulut rien savoir. Il est vrai
que cacher des soldats est une fonction dangereuse
pour celui qui a une famille à protéger ; l'épouse
et la fille du fermier flamand restaient derrière,
craintivement appuyées l'une à l'autre. A force de
persuasion, le plouc céda. Cosmik lui assurait que
les Allemands ne viendraient pas ici, lorsque tout
à coup, on entendit un bourdonnement de moteur. Je
savais bien que ce n'était pas un fantôme écossais
qui entrait dans la cour, mais plutôt un blindé de
la Wehrmacht. On était des rats pris au piège. Les
paysans pleurnichaient, ils étaient sans illusions
sur l'issue fatale. Cosmik Galata a dit au fermier
que nous allions nous cacher dans le grenier, dans
la grange. Il l'a mis en garde contre une trahison
éventuelle en le menaçant de rétorsions terribles.

Le fermier jura de ne pas révéler notre existence.

Nous avons alors accédé à la grange en passant par
le derrière de la maison. Vite nous avons escaladé
l'échelle. J'étais fourbu et me laissai tomber sur
la paille. Allongés au bord du grenier, nous avons
espionné l'automitrailleuse blindée. Un des Boches
était descendu et parlait avec le paysan. Rien que
mes respirations haletantes troublaient le silence
de la grange. Une sueur glacée dégoulinait le long
de mon dos, entre mes omoplates. Le moteur changea
de régime ! Le véhicule ennemi avançait vers nous.

Il s'arrêta pile sous le porche de la grange. Nous
étions presque persuadés que le fermier nous avait
trahis. Alors, Cosmik Galata empoigna la grenade à
manche. Il allait la jeter quand nous comprîmes la
volte-face des Fritz. Au loin, vers Hazebrouck, on
voyait arriver des camions britanniques en convoi.

L'auto-mitrailleuse avait fait tourner sa tourelle
vers nos amis. Le paysan ne nous avait pas trahis.

L'ennemi tendait son piège. Le convoi passa devant
l'entrée de la ferme et les Allemands firent feu !

Heureusement, le tir n'était pas très bien réglé !

Bien trop court... Complètement raté... Le premier
véhicule s'arrêta sur le côté. Les nôtres allaient
s'abriter derrière le mur de clôture. Mon sang fit
un seul tour ; il fallait sauver nos compatriotes.

Je demandai à Cosmik de lancer des grenades sur la
tourelle de cette machine à nos pieds. Mais Cosmik
me fit remarquer qu'elles ne feraient que rebondir
sur le blindage sans causer de grands dégâts à ses
occupants. Il y avait une meilleure chose à faire,
se servir du broyeur sur roues qui se trouvait ici
à nos côtés. Nous l'entourâmes avec un gros câble.

Je soulevai le palan. Cosmik fixa le crochet de la
chaîne au broyeur. En poussant avec toute la force
dont nous pouvions user, nous réussîmes à orienter
la machine suspendue au palan au-dessus du blindé.

Alors, je lâchai la chaîne et le lourd engin tomba
sur le canon. Avec un fracas horrible, la tourelle
frontale se déchira comme du papier kraft. C'était
merveilleux ! Les Allemands tentèrent de sortir et
à ce moment, Galata lança une grenade dans le trou
de la tourelle. Les ennemis passèrent sur-le-champ
de vie à trépas. Le capitaine du convoi de camions
nous offrit de nous emporter... C'était une chance
d'atteindre une zone plus paisible. Cosmik refusa.

Quand je passai la ridelle du camion, il dit qu'il
lui restait une petite chose à faire avant de s'en
aller. Pendant que le véhicule s'éloignait, je lui
fis signe de la main tout en pensant que je devais
la vie à cet étrange bonhomme. Je pensais aussi au
rendez-vous dans vingt ans, à la rencontre au Four
Bars Inn
songeant que j'y serai et..., j'y suis. »
à suivre...

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posted by Lucien Suel at 07:35