Habiter poétiquement le monde
« Habiter poétiquement le monde » est une expression du poète Hölderlin, qui donne son nom à l'exposition présentée au LaM à l’occasion de la réouverture du Musée après travaux et transformations. C’est aussi le titre du livre-catalogue édité à cette occasion.
Ma participation à l’ouvrage Habiter poétiquement le monde consiste en un long poème-manifeste de 115 versets comportant chacun 23 mots.
Quelques extraits ci-dessous :
[...]
Tu comptes vingt-trois mots dans chaque paragraphe, le code 23, Enigma, les chromosomes, un siècle à la fois, Yield To Total Elation.
Tu progresses, tu t’assois entre deux chaises, entre deux âges, teenager ou senior, l’entre-deux pour modifier l’emploi du temps.
Tu conjugues le passé perdu et le présent souffrant, entre la cellule monacale et le désert rouge ou blanc, entre chien et loup.
Tu avances dans le Temple, dans les architectures immémoriales, ton panthéon personnel, reliques de l’amour, chaque salle dédiée à un artiste brut.
Tu te déplaces en observant la disposition de tes pieds sur le carrelage bleu. Tu fais attention de ne pas toucher les joints.
Tu places chaque pied dessinant un angle droit avec le précédent, la marque de ton pas inscrite dans la diagonale du carré a√2.
Tu nommes dans la forêt, chaque arbre, et dans le ciel, chaque étoile... La Nouvelle Pléiade resplendit jour et nuit sur la réalité.
Tu dialogues avec les vivants et les morts. Tu dessines un autre Yggdrasil. Tu produis jusqu’à la totale exaltation, la joie pure.
Tu n’as pas lu tous les livres et tu n’es pas triste car tu obéis au principe de la nécessité intérieure.
Griffonnages médiumniques, phrases spiralées, cercles de craie, machines sidérales, montages proliférants, assemblages encombrants, tes archives, tes tas de tas, tout est à toi.
Tout est de toi, tout est par toi, en tout et partout. Tu considères les mots comme des épingles, des cutters, des matérioutils.
Le mot mescaline devient la messe câline, le mot mot se ruait vers Laure, la dame bleue en vêtements de travail Pigeon Voyageur.
[...]
Artiste de proximité, médium de nécessité, facteur de poésie élémentaire, poézi prolétèr, il approuve Michaux qui dit : « Si tu écris, tu sais dessiner. »
Il fusionne en son alambic éléments plastiques et langue écrite. Éventuellement, il pourra ajouter quelques broutilles magnétiques ou numériques dans la patmo bouillonnante...
La cuisson terminée, il étalera le résultat en mode infra-mince, sur la table de la cuisine ou le mur de l’atelier.
Il inclut tout naturellement dans sa méthode de travail les quatre forces fondamentales de la physique moderne : gravitation, électromagnétisme, interaction forte, interaction faible.
A Near Death Experience révèle le chamanisme latent. On invoque les quatre éléments, les quatre directions, parfois grâce à des abstractions mathématiques modernes.
Dans le bleu adorable, transmutation et permutation, on performe et on transmet, on permet et on transforme. Ainsi, des artistes soignent ou enseignent.
Joseph par le feutre et la graisse, Robert par le bien fait mal fait pas fait et Ian par le cercle de craie.
Des hommes écrivent sur le sable sous la dictée des esprits, créant des principes de croyance, des légendes cosmiques. Ils réenchantent le monde.
Ils transforment des objets (câbles, casseroles, ampoules, boulons) en dispositifs de performance, médias magiques ajoutant une valeur spirituelle à la valeur d’usage.
Ils élèvent des tours, bâtissent des palais, créent des girouettes, font pousser des volatiles végétaux, inventent des labyrinthes, sculptent le bord de mer...
Voici venir la cohorte des constructeurs de l’imaginaire, les bâtisseurs chimériques naïfs bruts, les inspirés, les artistes singuliers, outsiders de l’art...
Ces travailleurs paysagistes font du gros œuvre un chef d’œuvre, font l’œuvre de leur vie, font de leur vie une œuvre.
Comme la moule l’huître le bigorneau la tortue l’escargot, ils portent et sécrètent leur maison, ils l’habitent pour la vie.
[...]Libellés : 23, Art brut, Augustin Lesage, Fluxus, Kerouac, Lucien Suel, Poésie, Vers arithmonymes
3 Comments:
Cette nuit, j'ai rêvé que "La Patience de Mauricette" se retrouvait dans la troisième sélection du Prix Goncourt. J'étais content pour vous (ma mère aussi)!
Merci, c'est très aimable à vous de me tenir ainsi au courant de vos rêves.
Je note que votre intérêt pour Mauricette entraîne une sorte de mimétisme : de La Patience de Mauricette à La Peau de Marysas !
Amicalement
LS
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