vendredi 28 octobre 2005

Vision de Rotterdam (Gregory Corso)

Un poème de Gregory Corso

VISION DE ROTTERDAM

Septembre 1957 commandé par mon agent-vision
via un télégramme ventriloque
délivré par les muettes bouches de pierre en haut de Notre-Dame
ayant reçu le précieux billet et un plan du 17ème siècle
J'ai quitté la ville des gargouilles
Et
Avec deux valises bourrées de désespoir
suis arrivé à Rotterdam

Rotterdam toujours mourante
vapeurs et tankers
déchargent des visions d'épouvante
Mai 1940 des dockers poussent en avant une section de leucémiques
Des bateaux de plaisance débarquent des rats aux voix métalliques couinant une propagande de ruine
Un cargo de hurlement assourdit la cloche d'étain de la Guerre débile
Bombardiers en vue

De jeunes enfants blonds en chemisettes blanches
rampent dans les rues en grignotant leurs maisons
Les vieux les malades et les fous abandonnent leurs fauteuils roulants et leurs cellules
ils s'agenouillent pour adorer la douce torpille miraculeuse
Bombardiers insensibles aux appels du coeur
dynamisant les rêves du dimanche après-midi
Bombes comme des bijoux surprises
Explosion explosion explosion
Avalanche sur les pilotis médiévaux écroulés 1940
La pitié se penche vers son bombardement préféré
pour pardonner à la bombe

Seul
Les yeux sur mon plan vénérable
J'erre dans les ruines apercevant
parmi la folie des bicyclettes toussotantes
le dessin d'une nouvelle Rotterdam bourdonnant dans le vide

Poème extrait de "Gasoline" (1958)
Trad. L. Suel

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posted by Lucien Suel at 08:10