mercredi 17 janvier 2018

L Suel à l'aveuglette en 2001 avec Sonic Youth et Soft Machine (5/5)

En août 2001, Philippe Robert m’a interviewé longuement sous la forme d’un blind test. Il m’a donc envoyé par la poste (hé oui!) une cassette d’une dizaine de morceaux, à charge pour moi de les reconnaître et de répondre aux questions ayant un lien avec ce que j’avais entendu. Cet entretien a été publié en septembre 2001 à Grenoble dans le n° 49 de « Revue et corrigée ».
Nous le publions en cinq parties au Silo. Voici le cinquième épisode (bande-son : Sonic Youth et Soft Machine.)

9.
Sonic Youth "Tunic"
Heldon ? Savage Republic ? Non, bien sûr, Sonic Youth et en plus je porte le t-shirt de l'album Goo ! Et autre coïncidence, je viens de leur envoyer le CD de Potchük et aussi le bouquin de d.a. levy que j'ai édité, avec la musique qu'Arnaud Mirland a composé pour accompagner ce long poème... Tout ça à cause de leur album récent "nyc ghosts & flowers" dans lequel la chanson small flowers crack concrete est un hommage à d.a. levy, en prime, sur la couverture du livret, une peinture de Burroughs ! No comment!

Claude Pélieu dit que les musiciens ont réussi là où les poètes ont échoué. Qu'en penses-tu ?
Pourquoi as-tu monté Potchük ?

Je viens juste d'avoir des nouvelles de Claude. Je ne connaissais pas cette phrase de lui. Je ne sais quoi répondre. Je ne fais pas trop de différences entre poètes et musiciens. Quant à la réussite ! C'est quelque chose de très relatif ! Le fait est que le livre semble en perte de vitesse par rapport aux autres supports de diffusion, mais d'un autre côté, quand on est dans "l'underground", on ne se soucie pas du nombre des supporters. Une vraie rencontre de temps en temps est satisfaisante, eu égard au nombre d'habitants de la planète, sans tenir compte de ceux qui sont déjà morts, et de ceux qui ne sont pas encore nés. Alors, réussite ? Mais peut-être, ai-je mal interprété ?
La plupart du temps, les musiciens de rock sont aussi des poètes, et parmi les poètes que je connais, beaucoup ont une expérience de la scène, du contact avec le public, que ce soit en solo ou avec des musiciens. Il y a de plus en plus d'expériences de mixage... Ainsi, c'était intéressant d'écouter ce que Serge Teyssot-Gay a fait à partir du texte de Georges Hyvernaud. Il m'est arrivé cette année de travailler avec le chorégraphe Dominique Jégou. Une expérience étonnante, une danseuse de la compagnie improvisant sur la lecture d'un de mes poèmes... Je suis d'accord avec Julien Blaine qui dit en gros : "Je suis vivant, je suis un poète vivant, et tant que je suis vivant, la poésie passe par mon corps, elle n'est pas figée sur le papier..."
C'est une des raisons pour lesquelles j'ai créé Potchük. Potchük existe depuis 1990. C'était d'abord un duo : Thomas, mon fils (14 ans à l'époque) à la batterie et moi à la guitare basse. Dès le début, c'était spontanéiste, free-rock punk, voire death métal, entre poésie sonore et bruitisme intégral. Je murmure, psalmodie, chante ou hurle mes textes, des poèmes tirés de mes livres, des ready-made (style mode d'emploi ou listes diverses) ou des improvisations à partir de documents pris au hasard. Guillaume Marien (membre de Gomm) nous a rejoints avec guitare et effets, puis Benoît Queste avec son sax alto qui donne une coloration nettement plus free-jazz. Potchük n'aurait pas existé sans les grands anciens comme Captain Beefheart et Sun Ra.
Une autre raison est que j'aimais l'idée de créer mon groupe de rock alors que je venais d'atteindre un âge plus que respectable ! Et tout ça est tellement amusant. J'adore reprendre avec le groupe le Surfing Bird des Trashmen, un morceau qui nous réveillait le matin au dortoir quand j'avais 15 ans !

10.
Soft Machine "Moon in june"
Soft machine, Third, Moon in june, Robert Wyatt ! Reconnu à la première note, et pour cause, un ami nous a offert ce disque lors de notre mariage en 1971, 30 ans déjà ! Mon exemplaire, album double, impression kraft, magnifique photo en couleurs du groupe en page intérieure, il craque horriblement. On l'a écouté tellement souvent. Je me souviens avoir acheté les deux premiers albums de Soft Machine au Monoprix de Lens en 1969 (on n'y vendait pas que des déchets à l'époque !). J'ai vu le groupe en concert dans l'église Saint-Maurice à Lille, avec Gong, c'était grandiose ! Je les ai vus aussi au festival d’Amougies.

Si la Beat generation fait partie de tes premiers chocs littéraires, quels furent tes premiers chocs musicaux ? (souvenirs, souvenirs...)

Ah ! Le festival d'Amougies, c'était quelque chose. Jusque là, mes chocs musicaux, je les avais eus par la radio et les disques (Jailhouse rock d'Elvis, She loves you des Beatles, Satisfaction des Rolling Stones, En roue libre de Bob Dylan qui fut mon premier 33 tours !) Mais c'est lors de ce fameux festival en 1969 que j'ai reçu les plus grands chocs musicaux de mon existence. Découvrir en 3 nuits successives des groupes aussi divers et aussi novateurs, c'est inoubliable. Pour donner une idée : l'Art Ensemble of Chicago, Don Cherry, Captain Beefheart, Frank Zappa, Soft Machine, Musica Elettronica Viva, le GERM de Pierre Mariétan, Pink Floyd, Colosseum, Gong, Sunny Murray, Anthony Braxton, East of Eden...).
Deux ans plus tard, j'ai vu l'Arkestra de Sun Ra à Lille avec Marshall Allen et John Gilmore. J'en ai encore des frissons. Un peu comme lorsque j'ai entendu les premiers disques d'Albert Ayler enregistrés à la Fondation Maeght.
Il y a eu aussi la période punk. Ce qui m'a renversé, c'est le 45 tours de X ray spex "The day the world turned day-glo" et le premier album de Clash.
Plus tard, j'ai aussi eu d'autres révélations en assistant au premier festival Rock in Opposition à Reims, en 1980 je crois, et là, j'ai vu Etron Fou Leloublan, Lol Coxhill, Fred Frith, Michael Nyman, Zamla Mammaz Manna, Univers Zéro, bref, d'autres innovateurs, des musiques stimulantes. Et je n'ai même pas parlé de Throbbing Gristle ou des Residents. Shame on me!

Aujourd'hui, qu'écoutes-tu ?

J'écoute peu de choses récentes. Je n'ai pas trop les moyens de m'acheter des nouveautés... Par contre, j'essaie d'assister aux concerts, c'est toujours mieux, the real thing ! Et en plus, à Lille, il y a un très bon endroit pour ça : La Malterie, rue Kuhlmann.
Je suis aussi toujours touché par mes grands classiques : Captain Beefheart, Albert Ayler, John Coltrane, Sun Ra et pour les plus "jeunes", j'écoute encore Zen Arcade (Hüsker Du), Pussy Galore, Big Black, Butthole Surfers, Sonic Youth, Pere Ubu... J'écoute aussi pas mal de reggae, surtout des chanteurs comme Winston Rodney (Burning Spear) et Ras Michael qui, je l'avoue, me fait presque pleurer...

Je passe aussi pas mal de temps assis dans le jardin à écouter le vent dans les branches des sureaux et du tilleul, les aboiements des chiens, la rumeur de l'autoroute, parfois le grondement sourd des réacteurs, les avions du chef des armées, et puis le tsiep tsiep du pouillot véloce.

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posted by Lucien Suel at 07:35

3 Comments:

Anonymous veau said...

Est-ce le même Philippe Robert qui diffuse sur un autre réseau sous le nom de merzbo_derek : http://www.instagram.com/merzbo_derek/ ??

19:06  
Blogger Lucien Suel said...

ça m'en a tout l'air, monsieur l'maire !

20:08  
Anonymous Dominique Hasselmann said...

Soft Machine, vu et entendu à Besançon en 67. La tête bourdonnante toute la nuit... Beau comme un train lancé à toute vitesse sans butoir au bout...

07:40  

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