L Suel à l'aveuglette en 2001 avec Sonic Youth et Soft Machine (5/5)
En
août 2001, Philippe Robert m’a interviewé longuement sous la
forme d’un blind test.
Il m’a donc envoyé par la poste (hé oui!) une cassette d’une
dizaine de morceaux, à charge pour moi de les reconnaître et de
répondre aux questions ayant un lien avec ce que j’avais entendu.
Cet entretien a été publié en septembre 2001 à Grenoble dans le
n° 49 de « Revue et corrigée ».
Nous
le publions en cinq parties au Silo. Voici le cinquième
épisode (bande-son : Sonic Youth et Soft Machine.)
9.
Sonic
Youth "Tunic"
Heldon
? Savage Republic ? Non, bien sûr, Sonic Youth et en plus je porte
le t-shirt de l'album Goo ! Et autre coïncidence, je viens de leur
envoyer le CD de Potchük et aussi le bouquin de d.a. levy que j'ai
édité, avec la musique qu'Arnaud Mirland a composé pour
accompagner ce long poème... Tout ça à cause de leur album récent
"nyc ghosts & flowers" dans lequel la chanson small
flowers crack concrete est un hommage à d.a. levy, en prime, sur
la couverture du livret, une peinture de Burroughs ! No comment!
Claude
Pélieu dit que les musiciens ont réussi là où les poètes ont
échoué. Qu'en penses-tu ?
Pourquoi
as-tu monté Potchük ?
Je
viens juste d'avoir des nouvelles de Claude. Je ne connaissais pas
cette phrase de lui. Je ne sais quoi répondre. Je ne fais pas trop
de différences entre poètes et musiciens. Quant à la réussite !
C'est quelque chose de très relatif ! Le fait est que le livre
semble en perte de vitesse par rapport aux autres supports de
diffusion, mais d'un autre côté, quand on est dans "l'underground",
on ne se soucie pas du nombre des supporters. Une vraie rencontre de
temps en temps est satisfaisante, eu égard au nombre d'habitants de
la planète, sans tenir compte de ceux qui sont déjà morts, et de
ceux qui ne sont pas encore nés. Alors, réussite ? Mais peut-être,
ai-je mal interprété ?
La
plupart du temps, les musiciens de rock sont aussi des poètes, et
parmi les poètes que je connais, beaucoup ont une expérience de la
scène, du contact avec le public, que ce soit en solo ou avec des
musiciens. Il y a de plus en plus d'expériences de mixage... Ainsi,
c'était intéressant d'écouter ce que Serge Teyssot-Gay a fait à
partir du texte de Georges Hyvernaud. Il m'est arrivé cette année
de travailler avec le chorégraphe Dominique Jégou. Une expérience
étonnante, une danseuse de la compagnie improvisant sur la lecture
d'un de mes poèmes... Je suis d'accord avec Julien Blaine qui dit en
gros : "Je suis vivant, je suis un poète vivant, et tant que je
suis vivant, la poésie passe par mon corps, elle n'est pas figée
sur le papier..."
C'est
une des raisons pour lesquelles j'ai créé Potchük. Potchük existe
depuis 1990. C'était d'abord un duo : Thomas, mon fils (14 ans à
l'époque) à la batterie et moi à la guitare basse. Dès le début,
c'était spontanéiste, free-rock punk, voire death métal, entre
poésie sonore et bruitisme intégral. Je murmure, psalmodie, chante
ou hurle mes textes, des poèmes tirés de mes livres, des ready-made
(style mode d'emploi ou listes diverses) ou des improvisations à
partir de documents pris au hasard. Guillaume Marien (membre de Gomm)
nous a rejoints avec guitare et effets, puis Benoît Queste avec son
sax alto qui donne une coloration nettement plus free-jazz. Potchük
n'aurait pas existé sans les grands anciens comme Captain Beefheart
et Sun Ra.
Une
autre raison est que j'aimais l'idée de créer mon groupe de rock
alors que je venais d'atteindre un âge plus que respectable ! Et
tout ça est tellement amusant. J'adore reprendre avec le groupe le
Surfing Bird des Trashmen, un morceau qui nous réveillait le
matin au dortoir quand j'avais 15 ans !
10.
Soft
Machine "Moon in june"
Soft
machine, Third, Moon in june, Robert Wyatt ! Reconnu à la
première note, et pour cause, un ami nous a offert ce disque lors de
notre mariage en 1971, 30 ans déjà ! Mon exemplaire, album double,
impression kraft, magnifique photo en couleurs du groupe en page
intérieure, il craque horriblement. On l'a écouté tellement
souvent. Je me souviens avoir acheté les deux premiers albums de
Soft Machine au Monoprix de Lens en 1969 (on n'y vendait pas que des
déchets à l'époque !). J'ai vu le groupe en concert dans l'église
Saint-Maurice à Lille, avec Gong, c'était grandiose ! Je les ai vus
aussi au festival d’Amougies.
Si
la Beat generation fait partie de tes premiers chocs littéraires,
quels furent tes premiers chocs musicaux ? (souvenirs, souvenirs...)
Ah
! Le festival d'Amougies, c'était quelque chose. Jusque là, mes
chocs musicaux, je les avais eus par la radio et les disques
(Jailhouse rock d'Elvis, She loves you des Beatles,
Satisfaction des Rolling Stones, En roue libre de Bob
Dylan qui fut mon premier 33 tours !) Mais c'est lors de ce fameux
festival en 1969 que j'ai reçu les plus grands chocs musicaux de mon
existence. Découvrir en 3 nuits successives des groupes aussi divers
et aussi novateurs, c'est inoubliable. Pour donner une idée : l'Art
Ensemble of Chicago, Don Cherry, Captain Beefheart, Frank Zappa, Soft
Machine, Musica Elettronica Viva, le GERM de Pierre Mariétan, Pink
Floyd, Colosseum, Gong, Sunny Murray, Anthony Braxton, East of
Eden...).
Deux
ans plus tard, j'ai vu l'Arkestra de Sun Ra à Lille avec Marshall
Allen et John Gilmore. J'en ai encore des frissons. Un peu comme
lorsque j'ai entendu les premiers disques d'Albert Ayler enregistrés
à la Fondation Maeght.
Il
y a eu aussi la période punk. Ce qui m'a renversé, c'est le 45
tours de X ray spex "The day the world turned day-glo"
et le premier album de Clash.
Plus
tard, j'ai aussi eu d'autres révélations en assistant au premier
festival Rock in Opposition à Reims, en 1980 je crois, et là,
j'ai vu Etron Fou Leloublan, Lol Coxhill, Fred Frith, Michael Nyman,
Zamla Mammaz Manna, Univers Zéro, bref, d'autres innovateurs, des
musiques stimulantes. Et je n'ai même pas parlé de Throbbing
Gristle ou des Residents. Shame on me!
Aujourd'hui,
qu'écoutes-tu ?
J'écoute
peu de choses récentes. Je n'ai pas trop les moyens de m'acheter des
nouveautés... Par contre, j'essaie d'assister aux concerts, c'est
toujours mieux, the real thing ! Et en plus, à Lille, il y a
un très bon endroit pour ça : La Malterie, rue Kuhlmann.
Je
suis aussi toujours touché par mes grands classiques : Captain
Beefheart, Albert Ayler, John Coltrane, Sun Ra et pour les plus
"jeunes", j'écoute encore Zen Arcade (Hüsker Du),
Pussy Galore, Big Black, Butthole Surfers, Sonic Youth, Pere Ubu...
J'écoute aussi pas mal de reggae, surtout des chanteurs comme
Winston Rodney (Burning Spear) et Ras Michael qui, je l'avoue, me
fait presque pleurer...
Je
passe aussi pas mal de temps assis dans le jardin à écouter le vent
dans les branches des sureaux et du tilleul, les aboiements des
chiens, la rumeur de l'autoroute, parfois le grondement sourd des
réacteurs, les avions du chef des armées, et puis le tsiep tsiep
du pouillot véloce.
Libellés : Bob Dylan, Captain Beefheart, Pélieu, Potchük, Throbbing Gristle
3 Comments:
Est-ce le même Philippe Robert qui diffuse sur un autre réseau sous le nom de merzbo_derek : http://www.instagram.com/merzbo_derek/ ??
ça m'en a tout l'air, monsieur l'maire !
Soft Machine, vu et entendu à Besançon en 67. La tête bourdonnante toute la nuit... Beau comme un train lancé à toute vitesse sans butoir au bout...
Enregistrer un commentaire
<< Home