jeudi 28 mai 2015

Niveau Huit par Mimosa (7)




une voiture accoste dans la rue de Solférino
conduite basse peinture grise métallisée une
voiture lourde une ligne marron sur le flanc
un homme complet veston m’interpelle un mâle
rasé poivre et sel une bague cachée dans son
poing il la dépose dans ma paume ouverte son
souhait de me la vendre pour deux francs ses
yeux s’allument dans l’attente de ma réponse
cela se passe au bout de la rue à l’écart du
centre de ses commerces de ses bars à topins
 
je narre l’histoire à Jean-Françoé qui passe
à l’improviste il m’en récite la fin qu’il a
lui-même éprouvée sur sa chair parlons d’une
autre chose ainsi donc il serait possible de
retourner à l’école plutôt que de devenir un
homme moyennant simple demande la mesure est
paraît-il bien plus élaborée que la pratique
qui primait jusqu’à hier puisqu’il ne serait
plus exigé de porter ni complet veston blanc
ni casquette d’amiral à boudin démontable en
feignant d’apprécier le bon vin de Bandol je
me rends donc à la caserne de la rue Jacques
pour signer c’est donc ainsi que ça se passe

la literie est humide et pourtant nous avons
dévalé la France jusqu’à sommeiller dans une
gare où un triste sire est entré en écartant
les jambes comme Little Bob au saloon le gus
pas franc les yeux camuchés par des lunettes
de bave si bien qu’on ne sait pas comment il
regarde il se poste face à une dame frêle et
son enfant puis les expulse d’un geste de sa
main grasse et baguée d’or comme la patte du
coulon champion d’aller-retours dans le ciel
la cucaracha ne se trompe pas de chemin elle
arconno les ouvriers nous sommes donc au sud

le portail demeuré clos j’aurais pu enjamber
le mur sous les rafales de p.m. et mon corps
aurait dérivé les balles non parce qu’il est
fort mais parce qu’un cœur bat à l’intérieur

c’est la gare du midi c’est Jean-Françoé qui
rejoint Jeannette pour aller minger chez Don
Pino une pizza aux chandelles ma destination
est entre les gares du Nord et de l’Est tous
les phares des voitures sont jaunes avec des
gouttes sur le carreau de la ville l’auberge
avec son comptoir et sa caisse enregistreuse
est collée sur le trottoir par une vitrine à
la place du mur comme la supérette de Marie-
Groëtte mais en beaucoup plus grand un groom
fait l’accueil je me présente et il m’envoie
d’où je viens de l’autre côté de la pluie de
néon j’ai pourtant réservé il sort une carte
de la corbeille qu’on pose sur le côté de la
caisse pour les sous du pourboire je pense à
un fragile édifice qui s’écroule sur sa tête
qui la coince dans une cité hostile entre sa
gare du Nord et sa gare de l’Est je suis les
sommaires indications du groom puis je tombe
sur l’enseigne rouge et jaune où le nom d’un
ami scintille au dessus de deux étoiles cela
ressemble au début d’un miracle on pousse la
porte comme on entre dans un ventre assourdi
de velours rouge je monte les étages j’ai le
sentiment d’avoir compris que tout est remis
d’aplomb j’espère que nous n’avons pas perdu

nous buvons du vin de Poltou au goulot c’est
le sang du Christ c’est passé présent avenir
dans la bouteille un grand barman qui flashe
le cadre comme une mire dans la bouteille un
petit chat dans la bouteille des enfants qui
dansent sur le trottoir au bas de l’immeuble

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posted by Lucien Suel at 07:48