mercredi 20 mai 2015

JOURNAL INCOMPLET DE MADAME B. - octobre 2007 - III


Mardi
Je me remets de dimanche de ma sortie. L’excès d’air et d’horizon, de nourriture et de boissons. Les fibres musculaires ont perdu comme les artères de leur élasticité. Je m’en arrange. Je me débrouille. Mais la plus grande fatigue résulte de l’accumulation des visages vus entrevus contemplés. Ils tournent dans l’agitation de mon sommeil. J’ai la gorge sèche.
Jeudi
J’abandonne la collection de vieux journaux. J’ai marché jusqu’à la bibliothèque pour pâturer un peu de fiction et de poésie. J’ai lu dans sa traduction un article de Jack Kerouac, écrit de 1960. Il parle d’une promenade en voiture avec le photographe Robert Frank. Il me parle du photographe et de l’écrivain. Dans ses mots, je lis les photos de Frank, les paysages noyés dans la pluie et l’électricité. Du coup, je suis allée farfouiller pour relire des extraits du Journal de Gerard Manley Hopkins. Comme il parle des vagues, des éclaboussures. Et des nuages.
Vendredi.
Le Journal d’Hopkins m’a amené à celui de Kafka. Je me voyais lire seule devant la fenêtre du jardin dans le brouillard de Prague, entre Kafka et Hopkins, au-delà du temps avec un autre demi-sourire, un peu triste sûrement sur mes lèvres. Toute la solitude accumulée, entassée serrée dans l’écriture, s’exhalant des pages parcourues des yeux et des doigts. Je dois penser à enlever cette bague qui me serre.

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posted by Lucien Suel at 07:22

3 Comments:

Anonymous temps said...

Bonjour,
Le métal ne fait jamais bon ménage avec le corps.
La vie est émotion, les bagues sont inertes et ne peuvent représenter la liberté construite seule ou à deux.
Cordialement.

07:46  
Anonymous Anonyme said...

(@temps: mais que faire de l'alliance ?) je ne le dis pas mais je suis content de retrouver un peu de cette lectrice (je vais aller m'inscrire aussi à la bibliothèque-François Villon qu'elle se nomme-afin de trouver un peu de poésie et de fiction)

08:08  
Blogger Lucien Suel said...

Cela paraîtra sans doute exagéré, mais le temps n'existe pas pour Madame B.
Cette bague n'est pas son alliance, car je le sais, jamais elle n'épousa qui que ce soit.
Il est possible qu'il s'agisse de l’alliance héritée de sa mère morte.
Ainsi le lien est réalisé avec les dames du temps jadis (comme l'écrivait le poète malandrin).

17:55  

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