DK 59140
Une fois de plus, je quitte la maison et le jardin.
Je roule vers l’ouest.
Je roule vers Dunkerque.
Je vais traverser le pont de Rosendaël et garer la Saxo verte dans la rue Henri Terquem, en face de la Maison d’arrêt.
Je pense au bruit que fera la lourde porte verte.
Peut-être ma boucle de ceinture fera-t-elle sonner le portique de détection ?
Les gardiens m’accueilleront, sérieux teinté d’humour.
Ils iront chercher Franck, Arnaud, Ludovic, Abdel, Jean-Philippe, Dany, Enzo et Franck encore.
Dans la petite salle à l’étage, on refermera la porte sur nous et deux heures durant, tout autour de la table, les hommes écriront des poèmes.
Tout autour de la table, les hommes écrivent, se lisent leurs poèmes, écoutent leur poésie.
Tout autour de la table, on partage en présence de Nathalie, la bibliothécaire, attentive et souriante.
Tout autour de la table, dans le respect l’un de l’autre, la parole nous unit, la poésie nous libère.
Tout autour de la table, la voix des hommes s’élève.
Tout autour de la table, on expérimente la liberté d’écrire.
Tout autour de la table, une parole libre s’écrit, se dit, s’entend.
Tout autour de la table, la parole poétique choisit et met en ordre.
Tout autour de la table, le livre s’écrit, le livre se crée.
Tout autour de la table, les poèmes tournent en liberté.
Tout autour de la table, c’est le cercle des poètes revenus.
Tout autour de la table, le silence de l’écriture, le cri de l’écriture.
Tout autour de la table, la communauté des détenus, la communauté des gardiens.
Tout autour de la table, la gravité et les sourires au milieu de la gravité.
Tout autour de la table, tant de choses à dire, la peine, l’amour, l’enfance, la liberté, le regret, la trahison, la fidélité, l’espérance, la résistance, la nostalgie, la séparation, le rêve, la violence, la joie.
Tout autour de la table, parfois un rire qui fuse.
Tout autour de la table, le retour sur soi, la vie, la mort, la haine, la révolte, la souffrance, le passé, le futur, le présent, la grâce, la famille.
Tout autour de la table, le temps qui passe, le temps qui ne passe pas.
Tout autour de la table, le ciel, la mer, les murs, les portes, la solitude, la solidarité, la poésie, les hommes et leur sourire, l’écoute, l’émotion, le risque pris, l’attente, la tristesse.
Entrer sortir.
Partir revenir.
Je sors de la prison.
Les portes se referment derrière moi.
C’est le printemps à Dunkerque.
C’est le printemps en prison pour Franck, Arnaud, Ludovic, Abdel, Jean-Philippe, Dany, Enzo et Franck encore.
Ils existent dans les pages rassemblées ici.
C’est un livre ouvert.
Je roule vers l’ouest.
Je roule vers Dunkerque.
Je vais traverser le pont de Rosendaël et garer la Saxo verte dans la rue Henri Terquem, en face de la Maison d’arrêt.
Je pense au bruit que fera la lourde porte verte.
Peut-être ma boucle de ceinture fera-t-elle sonner le portique de détection ?
Les gardiens m’accueilleront, sérieux teinté d’humour.
Ils iront chercher Franck, Arnaud, Ludovic, Abdel, Jean-Philippe, Dany, Enzo et Franck encore.
Dans la petite salle à l’étage, on refermera la porte sur nous et deux heures durant, tout autour de la table, les hommes écriront des poèmes.
Tout autour de la table, les hommes écrivent, se lisent leurs poèmes, écoutent leur poésie.
Tout autour de la table, on partage en présence de Nathalie, la bibliothécaire, attentive et souriante.
Tout autour de la table, dans le respect l’un de l’autre, la parole nous unit, la poésie nous libère.
Tout autour de la table, la voix des hommes s’élève.
Tout autour de la table, on expérimente la liberté d’écrire.
Tout autour de la table, une parole libre s’écrit, se dit, s’entend.
Tout autour de la table, la parole poétique choisit et met en ordre.
Tout autour de la table, le livre s’écrit, le livre se crée.
Tout autour de la table, les poèmes tournent en liberté.
Tout autour de la table, c’est le cercle des poètes revenus.
Tout autour de la table, le silence de l’écriture, le cri de l’écriture.
Tout autour de la table, la communauté des détenus, la communauté des gardiens.
Tout autour de la table, la gravité et les sourires au milieu de la gravité.
Tout autour de la table, tant de choses à dire, la peine, l’amour, l’enfance, la liberté, le regret, la trahison, la fidélité, l’espérance, la résistance, la nostalgie, la séparation, le rêve, la violence, la joie.
Tout autour de la table, parfois un rire qui fuse.
Tout autour de la table, le retour sur soi, la vie, la mort, la haine, la révolte, la souffrance, le passé, le futur, le présent, la grâce, la famille.
Tout autour de la table, le temps qui passe, le temps qui ne passe pas.
Tout autour de la table, le ciel, la mer, les murs, les portes, la solitude, la solidarité, la poésie, les hommes et leur sourire, l’écoute, l’émotion, le risque pris, l’attente, la tristesse.
Entrer sortir.
Partir revenir.
Je sors de la prison.
Les portes se referment derrière moi.
C’est le printemps à Dunkerque.
C’est le printemps en prison pour Franck, Arnaud, Ludovic, Abdel, Jean-Philippe, Dany, Enzo et Franck encore.
Ils existent dans les pages rassemblées ici.
C’est un livre ouvert.
Lucien Suel
« DK 59140 / Poèmes / 10-03-05 / 26-05-05 » est un recueil écrit l’an dernier par des détenus de la Maison d’arrêt de Dunkerque au cours d’un atelier d’écriture que j’ai mené en compagnie du sérigraphe Alain Buyse. Ce texte en est l’introduction.
Libellés : Lucien Suel
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