Claude Pélieu au Silo - VII.4.
J'AI
PASSÉ PAR LÀ POUR VENIR ICI
par
Claude Pélieu
4
L'hébétude des
derniers blancs se superpose sur ceux qui ont encore une couleur, un
fond de teint, et que la déraison alimente - la direction, la
trajectoire, les chiottes !... les gouines rouges, les SS en jupons,
les travelos, les fonctionnaires tarés et les professeurs défilent
dans les rues vides - une race de blattes athlétiques émerge du
bouillon de culture - la famille nucléaire biologique tire un coup à
blanc dans la pastèque de l'Oncle Tom... L'Oncle Sam se paluche
devant l'écran de télé tuberculeuse, le cul dans un baquet de
tripes - les anges occidentaux s'accouplent aux tartares communistes
et à quatre pattes bouffent leurs excréments - le nègre de service
sifflote St Louis Blues et bafouille devant l'ampleur du génocide -
Chiens et rats marchent dans vos rêves, vous êtes là, dans ce
monde ou dans l'autre, pour le meilleur et pour le pire - Jim
Lafleur, Beef Puke Charlie et Johnny Pissoff improvisent dans la
jungle de bandes dessinées.
1963, 1966, 1971, 65
000 km parcourus entre collages et dérives - 1977, tout se réinvente
du bout des lèvres, d'un bout à l'autre du monde - blocs
d'intersections planétaires tourmentant l'horizon du village global.
Les idéologies ont
créé le pouvoir-image, l'homme-image.
J'ai passé quelques
jours à Paris... en ce temps-là, c'était la Pologne, la Hongrie,
le Portugal en plus petit, tapisserie bâfreuse, jardins à la
française, agitation de circonstance, et la Seine, si belle,
charriant les vieux pansements - la diarrhée verbale - J'étais à
l'hôtel des Américains... quelques cartes postales sont restées
sur la table, comme ces longs cris sans haine, ressemblant aux
remorqueurs - c'est là que j'ai écrit APRIL IN PARIS, après une
dérive au Père-Lachaise... un flot de poussière d'acier et d'oxyde
de carbone avalait le paysage, les micros-mécaniques de la nuit
gémissaient... les ailes géantes de la pollution, faites d'ombre,
de néant et de maladie, bourdonnaient.
J'ouvre le
journal... fait-divers... ce matin un jeune homme s'est donné la
mort... d'après ses proches il avait lu dans trop de livres : « À
quoi ça sert de vivre ? » - l'immense vague d'amertume a eu raison
de lui - l'outrage coule dans les veines déchirées des désespérés
- je pense aux allergies de d.a. levy, de Lee Crabtree, de J.-P.
Duprey, d'Adamov - et les hélices du rire se fanent dans les hautes
herbes... le froid noir n'a pas de visage.
Tous morts, en
torchade, au milieu des fleurs d'acier et des griffes, sur les champs
de bataille, sous les déchets de la mosaïque vivante - j'ai vu la
foudre nettoyer les terrains vagues, et la brise nocturne transporter
les parfums des fleurs et de barbecue... les lumières de la ville
dansaient dans le lointain, les feux de l'azur étaient portés par
les vagues.
Aujourd'hui
l'électricité dénoue les silences de la sierra. Des mouettes
planent au-dessus d'une immense tache d'huile. Un chien jaune,
galeux, renverse une poubelle métallique. Le terrain de golf est
jonché de papiers gras, de boîtes de bière vides, de vieux
journaux - les banlieues lépreuses dévorent ce qui reste, peu à
peu les grands espaces disparaissent - les ordures nucléaires et les
gaz empoisonnés sont dispersés au hasard... un grand éclair blanc
effacera cette colossale médiocrité.
Libellés : Livre de Claude Pélieu, Pélieu
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