jeudi 23 janvier 2020

Claude Pélieu au Silo - VII.4.


J'AI PASSÉ PAR LÀ POUR VENIR ICI
par Claude Pélieu

4
L'hébétude des derniers blancs se superpose sur ceux qui ont encore une couleur, un fond de teint, et que la déraison alimente - la direction, la trajectoire, les chiottes !... les gouines rouges, les SS en jupons, les travelos, les fonctionnaires tarés et les professeurs défilent dans les rues vides - une race de blattes athlétiques émerge du bouillon de culture - la famille nucléaire biologique tire un coup à blanc dans la pastèque de l'Oncle Tom... L'Oncle Sam se paluche devant l'écran de télé tuberculeuse, le cul dans un baquet de tripes - les anges occidentaux s'accouplent aux tartares communistes et à quatre pattes bouffent leurs excréments - le nègre de service sifflote St Louis Blues et bafouille devant l'ampleur du génocide - Chiens et rats marchent dans vos rêves, vous êtes là, dans ce monde ou dans l'autre, pour le meilleur et pour le pire - Jim Lafleur, Beef Puke Charlie et Johnny Pissoff improvisent dans la jungle de bandes dessinées.

1963, 1966, 1971, 65 000 km parcourus entre collages et dérives - 1977, tout se réinvente du bout des lèvres, d'un bout à l'autre du monde - blocs d'intersections planétaires tourmentant l'horizon du village global.

Les idéologies ont créé le pouvoir-image, l'homme-image.

J'ai passé quelques jours à Paris... en ce temps-là, c'était la Pologne, la Hongrie, le Portugal en plus petit, tapisserie bâfreuse, jardins à la française, agitation de circonstance, et la Seine, si belle, charriant les vieux pansements - la diarrhée verbale - J'étais à l'hôtel des Américains... quelques cartes postales sont restées sur la table, comme ces longs cris sans haine, ressemblant aux remorqueurs - c'est là que j'ai écrit APRIL IN PARIS, après une dérive au Père-Lachaise... un flot de poussière d'acier et d'oxyde de carbone avalait le paysage, les micros-mécaniques de la nuit gémissaient... les ailes géantes de la pollution, faites d'ombre, de néant et de maladie, bourdonnaient.

J'ouvre le journal... fait-divers... ce matin un jeune homme s'est donné la mort... d'après ses proches il avait lu dans trop de livres : « À quoi ça sert de vivre ? » - l'immense vague d'amertume a eu raison de lui - l'outrage coule dans les veines déchirées des désespérés - je pense aux allergies de d.a. levy, de Lee Crabtree, de J.-P. Duprey, d'Adamov - et les hélices du rire se fanent dans les hautes herbes... le froid noir n'a pas de visage.

Tous morts, en torchade, au milieu des fleurs d'acier et des griffes, sur les champs de bataille, sous les déchets de la mosaïque vivante - j'ai vu la foudre nettoyer les terrains vagues, et la brise nocturne transporter les parfums des fleurs et de barbecue... les lumières de la ville dansaient dans le lointain, les feux de l'azur étaient portés par les vagues.

Aujourd'hui l'électricité dénoue les silences de la sierra. Des mouettes planent au-dessus d'une immense tache d'huile. Un chien jaune, galeux, renverse une poubelle métallique. Le terrain de golf est jonché de papiers gras, de boîtes de bière vides, de vieux journaux - les banlieues lépreuses dévorent ce qui reste, peu à peu les grands espaces disparaissent - les ordures nucléaires et les gaz empoisonnés sont dispersés au hasard... un grand éclair blanc effacera cette colossale médiocrité.

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posted by Lucien Suel at 07:58