mardi 6 janvier 2015

VISIONS D'UN JARDIN ORDINAIRE 13/19

La brouette stationne dans l’allée. La brouette de maçon. L’ancien ciment sur la tôle, la rouille, les bosses. Vacarme des marteaux. La brouette battue lâche le mortier, le béton collant. L’angélus du maçon résonne dans la mémoire. Dans le jardin, la brouette attend. Elle est remplie, elle déborde. Mauvaises herbes, végétation morte, arrachée, touffes des mercuriales, des séneçons, blocs boueux des racines, filets de rhizomes, lacets de chiendent, pelotes de liserons, tous les fétus jaunis, les cosses noirâtres, les feuilles pourrissantes. Un dernier voyage, dans l’allée, la brouette noire, bras écartés, attend. L’arbraquette* est appuyée contre la pyramide tremblante. Manche de bois blanchi, poli, troué par les vers. Ramure torse, épluchée, coupée jadis sur un saule têtard. Métal forgé par un ajusteur. Le bord s’est arrondi, usé par la silice, les petits crocs de la terre. La terre mange. La terre boit.
*L'arbraquette, mot picard : la binette
Photo Josiane Suel, texte Lucien Suel 
Traduction en néerlandais par Johan Everaers
 De kruiwagen staat op het pad geparkeerd. De metselaarskruiwagen. Het oude cement op het ijzer, het  roest, de butsen. Lawaai van hamers. Onder de klappen laat de kruiwagen de mortel vallen, het plakkende beton. Het angelus van de metselaar klinkt weer bekend. In de tuin wacht de kruiwagen. Hij is vol, boordevol. Onkruid,  uitgetrokken dood blad, plukjes bingelkruid, kruiskruid,   kluiten met wortels, hele wortelpakketten, kluwen windes,  kweekgraswortels, al het gele stro, de bijna zwarte peultjes, de rottende bladeren. Een laatste ritje, met de poten uit elkaar, wacht de zwarte kruiwagen op het pad.  De lange schrepel leunt tegen de wankele hoop. Witte  houten steel, glad, met houtworm. Lichtjes kromme tak, zonder bast, ooit van een knotwilg gekapt. Ijzer gesmeed door een bankwerker. De kant is afgerond, gesleten door  de kiezelhoudende grond die eraan knaagt. De aarde eet. De aarde drinkt.

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posted by Lucien Suel at 07:22

2 Comments:

Anonymous Zéo Zigzags said...

Un texte superbe, les mots, le rythme, harmonie chaotique du jardin toujours à refaire. J'aime beaucoup.

Zéo

05:02  
Blogger Lucien Suel said...

Merci Zéo.

07:35  

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