mercredi 28 mai 2014

Colonnes dénudées (13)

CAMÉRALE DÉBÂCLE

Jadis, pouvant, je sus.
Ainsi, sachant, je pus.
Alors, lâchant, je fus.

Douloureusement rampant
vers la porte, j'avance
sur le carrelage froid,
les linges à mes genoux
épongeant les traînées.

Je hisse contre le bois
la masse turbide de mon
corps aqueux déhiscent.

Membres écartés, appuis
précaires, -les mollets
parfois spasmodiquement
vibrent- j'ouvre grande
la bouche contre le mur
fibreux et l'anneau des
lèvres, hermétiquement-
ce caoutchouc de bocal-
emprisonne le hurlement
qui, montant du ventre,
gonfle les joues, tasse
la langue et se déchire
dans ma gorge meurtrie.

Pendant que les festons
de salive glissent doux
sur le placage, je sors
avec lenteur ma langue,
goûtant l'amertume dans
les orifices creusés là
par les vers. La sciure
s'amalgame en boulettes
dans les interstices de
ma dentition lacunaire.

Mes mains tâtonnent. La
peau des paumes se fend
aux échardes. Je frappe
du pied et du poing sur
un rythme binaire, mais
le tonus musculaire des
jambes s'amoindrit. Mes
ongles griffent le bois
mouillé. Agenouillé sur
la céramique visqueuse,
je plaque mon oreille à
la verticale du panneau
végétal. Seul, le pouls
capricant du temporal y
résonne laborieusement.

Dans le trou noir de la
serrure, mon regard use
l'énergie dernière sans
parvenir à percer l'air
opaque qui se referme à
l'extrémité du tronc de
cône où mon oeil saisit
uniquement les lumières
internes et fluctuantes
issues de ma propre âme
déliquescente. Je cerne
le vide étoilé. Aspirée
vers le bas, mon humeur
abonde en nausées âcres
et fumantes. Glissando.

Mon habitacle se réduit
aux dimensions du drap.
Impossible da capo. Mes
narines captent l'odeur
abominable de l'espèce.

Chute. Zéro égale zéro.
Dedans ou dehors, idem.

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posted by Lucien Suel at 07:36