SOMBRE DUCASSE 13
CHAPITRE VIII
HEARTLESSNESS / HURTLESSNESS / HEURTLOCHNESS.
1
... C.G. trop affaibli ne résista pas au sommeil. Il s'endormit. Un bruit sourd fit craquer son rêve dans le ventre du navire. Une torpille venait de pénétrer la coque par l'arrière.
C.G. fut éjecté de son lit par les gueulements des passagers. Il se lança dans le couloir. Les passagers affolés n'observaient aucune consigne et se ruaient à l'assaut des coursives comblées.
C.G. fut renversé piétiné compressé par des femmes déchaînées, des hommes hagards. Malgré le calme et la dignité des officiers d'équipage, le navire était en proie à la panique.
C.G., brisé de désespoir et d'épuisement était seul à présent, au fond du couloir sombre. Il lui semblait entendre comme un sifflement de gaz. Le Commandant passa près de lui sans y prendre garde.
C.G. le suivit en rampant jusqu'à la salle des machines. Un beau mécanicien le prit dans ses bras et, encadré par les servants de la machinerie, le couple s'élança sur les traces du Commandant. Il s'élevait des cales un vacarme de catastrophe. En débouchant sur le pont, la petite troupe eut dans la vue un spectacle effroyable effrayant. On embarquait en vitesse. C'était le sauve qui peut sans ménagements, égoïste. Le peuple se poussait, se battait, revendiquait, suant d'angoisse, saisi par une atroce panique.
C.G. savait qu'il y avait trop de passagers et qu'il n'y aurait pas assez d'embarcations de sauvetage. Au milieu de cette débandade, plusieurs marins, étonnamment calmes, dégageaient les femmes, écartaient les poltrons, cognaient à poings fermés sur des mufles hébétés. L'océan se recouvrait de baleinières radeaux bouées têtes de nageurs. Horrible vision.
C.G. pétrifié appuyé contre le bastingage. Une masse hurlante s'écrase sur lui. Il est précipité dans les flots sombres. La mer lui donne une claque formidable et se referme sur lui dans un embrassement glacial.
C.G. rue griffe déchire la mer. Malgré lui, un sanglot obstrue sa gorge. Sur l'eau salée, deux mille destins différents, en présence de la mort, projetés hors d'eux mêmes, lâches braves grotesques sublimes normaux. Les radeaux sont surchargés et on repousse ceux qui voudraient s'y hisser.
C.G. sent qu'il n'a rien à attendre de personne.
2
Alors que la nuit commence à tomber, quelqu'un dans une chaloupe rugit comme un fauve : "UN TORPILLEUR !...
NOUS SOMMES SAUVÉS !
NOUS SOMMES SAUVÉS !"
"Heartlessness / Hurtlessness / Heurtlochness" publié en avril 1981 dans le N° 5 de la revue JUNGLE - L'indifférence, (S. Safran & J.-Y. Reuzeau, éd.)
HEARTLESSNESS / HURTLESSNESS / HEURTLOCHNESS.
1
... C.G. trop affaibli ne résista pas au sommeil. Il s'endormit. Un bruit sourd fit craquer son rêve dans le ventre du navire. Une torpille venait de pénétrer la coque par l'arrière.
C.G. fut éjecté de son lit par les gueulements des passagers. Il se lança dans le couloir. Les passagers affolés n'observaient aucune consigne et se ruaient à l'assaut des coursives comblées.
C.G. fut renversé piétiné compressé par des femmes déchaînées, des hommes hagards. Malgré le calme et la dignité des officiers d'équipage, le navire était en proie à la panique.
C.G., brisé de désespoir et d'épuisement était seul à présent, au fond du couloir sombre. Il lui semblait entendre comme un sifflement de gaz. Le Commandant passa près de lui sans y prendre garde.
C.G. le suivit en rampant jusqu'à la salle des machines. Un beau mécanicien le prit dans ses bras et, encadré par les servants de la machinerie, le couple s'élança sur les traces du Commandant. Il s'élevait des cales un vacarme de catastrophe. En débouchant sur le pont, la petite troupe eut dans la vue un spectacle effroyable effrayant. On embarquait en vitesse. C'était le sauve qui peut sans ménagements, égoïste. Le peuple se poussait, se battait, revendiquait, suant d'angoisse, saisi par une atroce panique.
C.G. savait qu'il y avait trop de passagers et qu'il n'y aurait pas assez d'embarcations de sauvetage. Au milieu de cette débandade, plusieurs marins, étonnamment calmes, dégageaient les femmes, écartaient les poltrons, cognaient à poings fermés sur des mufles hébétés. L'océan se recouvrait de baleinières radeaux bouées têtes de nageurs. Horrible vision.
C.G. pétrifié appuyé contre le bastingage. Une masse hurlante s'écrase sur lui. Il est précipité dans les flots sombres. La mer lui donne une claque formidable et se referme sur lui dans un embrassement glacial.
C.G. rue griffe déchire la mer. Malgré lui, un sanglot obstrue sa gorge. Sur l'eau salée, deux mille destins différents, en présence de la mort, projetés hors d'eux mêmes, lâches braves grotesques sublimes normaux. Les radeaux sont surchargés et on repousse ceux qui voudraient s'y hisser.
C.G. sent qu'il n'a rien à attendre de personne.
à suivre...
2
Alors que la nuit commence à tomber, quelqu'un dans une chaloupe rugit comme un fauve : "UN TORPILLEUR !...
NOUS SOMMES SAUVÉS !
NOUS SOMMES SAUVÉS !"
"Heartlessness / Hurtlessness / Heurtlochness" publié en avril 1981 dans le N° 5 de la revue JUNGLE - L'indifférence, (S. Safran & J.-Y. Reuzeau, éd.)
Libellés : Archives, Détournement, Lucien Suel, Poésie, sombre ducasse
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