lundi 6 mars 2006

Ivar Ch'Vavar (Lettre circulaire)

Ce samedi 11 mars 2006, à 17h, Ivar Ch’Vavar sera présent dans les locaux de la Librairie Privat (ex Brunet) à Arras pour y présenter sa fabuleuse Anthologie de la poésie des fous et des crétins dans le Nord de la France, Cadavre Grand m’a raconté, un volume fleuve de 360 pages grand format, avec les notices biographiques et de larges extraits des œuvres de 75 auteurs tous originaires de la Grande Picardie Mentale.[1]
A l’occasion de la venue d’Ivar Ch’Vavar à Arras nous reproduisons ci-dessous la Lettre-Circulaire qu’il envoya en novembre 2005 à ses amis.



LETTRE CIRCULAIRE D'IVAR CH'VAVAR À SES AMIS, POUR LEUR APPRENDRE POURQUOI L'ANTHOLOGIE «aCADAVRE GRAND M'A RACONTÉ » A BIEN FAILLI NE PAS PARAÎTRE...

On sait maintenant pourquoi la commission du CNL a refusé d'aider l'éditeur de Cadavre grand m'a raconté à publier ce livre (rappelons que les refus sont rares quand il s'agit de livres de poésie). Claire Ceira, ma voisine (même rue — à trois cents bons mètres quand même!) et collaboratrice pour la revue "L'Enfance", a trouvé qui était membre de cette commission au moment du refus. Elle a contacté sur internet[2]une des personnes concernées, dont je ne veux pas donner le nom et que nous appellerons ici Gérard-Paul Untel, qui lui répond : «Vous savez, Claire Ceira, les choses sont moins simples que votre (louable) défense du travail de votre voisin le laisse croire.
« Membre de la Commission du CNL qui a refusé d'aider son livre, je suis en même temps rédacteur en chef de
[un site internet] qui a publié un autre article de Quintane pour défendre le livre en question ! [De fait, Nathalie Quintane est intervenue deux fois sur internet pour vanter Cadavre grand.][3]
«Je suis pourtant solidaire de la décision dans la mesure où le rapporteur nous avait fait part de textes très misogynes dont le second degré semblait assez peu marqué, [c'est moi qui souligne.]
«Majoritairement poètes mais aussi parfois libraires ou issus d'autres métiers du livre, nous sommes TOUS et avant tout des lecteurs passionnés ; et nous nous efforçons d'être justes et responsables, cela signifie que nous refusons d'aider, dans une période politique délicate, ceux qui ont choisi, selon la belle expression de mon ami [un poète assez connu, que nous appellerons Jacky Duteurtre], "de jouer l'aggravation".»
Évidemment ridicule : (Qui va lire ce livre ? — Quelle importance qu'il y ait dans un ouvrage réservé à un si petit public, et si particulier, des relents de ceci ou cela ? Ces Messieurs se la jouent un peu beaucoup : «nous nous efforçons d'être justes et responsables», laissez-moi rire ! Une miette de pouvoir, et comme on se prend au sérieux ! C'est vrai qu'on un rôle essentiel à mener : «dans une période politique délicate», imaginez, quelles responsabilités énormes pèsent sur nos épaules ! Justes et responsables, donc, « cela signifie que nous refusons d'aider, dans une période politique délicate, ceux qui ont choisi, selon la belle expression de mon ami [Jacky Duteurtre], "de jouer l'aggravation".»
Oui, il y aurait de quoi rire. On a froid dans le dos, pourtant : parce que, dans des périodes politiques moins... "délicates", disons, il se pourrait bien qu'on retrouve les mêmes personnes "justes et responsables" du bon côté du manche — à force de s'être refusées à "jouer l'aggravation"...
Notre amie Claire pousse un peu Gérard-Paul, qui précise, dans un message ultérieur : «Attention au fait que l'on peut très bien admettre l'existence de textes tout à fait 'incorrects" en arts mais ne pas pouvoir les cautionner dans une instance dispensant des fonds publics...»
À quoi Claire rétorque : «je crois que je serais presque d'accord si l'édition poétique n'était pas actuellement ce qu'elle est : publier une œuvre de cette taille sans l'aide des fonds publics n'est absolument pas viable financièrement. Qui s'y risquera encore longtemps si le côté "incorrect" est sanctionné par un refus ?»
Ce point est à relever : la commission a vu la maquette de ce livre, 362 pages, et savait que Le corridor bleu était une toute petite structure éditoriale (trois bénévoles sans le sou). Posons simplement la question : refuser la subvention à un si petit éditeur et pour un si gros livre, est-ce que ça ne revient pas à censurer ? Refuser l'aide, c'était condamner l'ouvrage à ne jamais paraître, il faut bien prendre conscience de cela.
— Il a paru, malgré tout. Je veux ici rendre hommage à Charles-Mézence Briseul, du Corridor bleu, qui s'est acharné et a fait les sacrifices nécessaires pour que ce livre existe. De grands sacrifices, en énergie, en temps, en argent.
Claire Ceira a pris la peine de répondre longuement à Gérard-Paul, évoquant en particulier la question de la catharsis... C'est fort intéressant, comme vous pourrez vous en convaincre sur le site "Pleutil?", à la rubrique "Échos".
Je la remercie d'autant plus d'être intervenue que moi, le principal auteur de Cadavre grand, je ne peux rien dire, je ne veux rien dire, je ne dois rien dire... c'est plutôt que je n'ai rien à dire — à ces gens. Quelle langue commune parlerais-je avec eux, cons qu'ils sont au point de trouver ce livre misogyne ! Je ne leur reproche certes pas d'être cons, je le suis moi-même... mais que cette connerie soit militante et "responsable", voilà ce qui me révolte, et m'effraie.
Je m'adresse seulement à vous, mes amis et camarades, parce que vous devez être informés.
Claire Ceira rappelle qu'il y a chez les fous, souvent, une obsession misogyne... J'ajouterai que dans mon œuvre, je reprends et pousse à bout plusieurs thèmes de la littérature picarde traditionnelle : thème de l'idiot (le cul-terreux indécrottable), thème scatologique, thème de la misogynie... Alors forcément : dans une anthologie de textes écrits (ou censés l'être) par des fous et crétins de la Grande Picardie Mentale... il faut qu'il y ait du relent ! — Je m'étonne même que ces Messieurs de la Commission n'aient pas relevé les passages où se manifestent des sympathies maréchalistes, voire nazies ! Ils crèvent pourtant les yeux ! Peut-être ont-ils trouvé que le "second degré", là, était plus "marqué" ?
II y a de quoi rire, sans doute. Gaffe quand même, chers amis, quand la Bienpensance est dotée par l'État — qui n'est pas si bête ! — des moyens nécessaires pour faire son boulot de chien de garde...
Cette lettre paraîtra peut-être excessive. Elle n'engage en tout cas que moi. Nullement Nathalie Quintane ou Claire Ceira, qui s'y trouvent citées.
À tous — salut et fraternité !
Amiens, 3 novembre 2005.
Ivar Ch'Vavar
[1] On peut commander cette anthologie directement à l’éditeur Le corridor bleu. Il semble qu’on puisse également la commander sur le site de la Fnac, mais c’est à vérifier.
[2] Cette conversation se trouve ici sur le site Pleutil ?.
[3] L’autre intervention de Nathalie Quintane se trouve ici sur le site Remue.net.
posted by Lucien Suel at 07:33

4 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Ce midi baguenaudant à la Fnac, j'ai pu consater que vous aviez les honneurs ainsi que Ivar Ch'Vavar d'un petit ouvrage paru en Presse Pocket (mars 2006) intitulé :
Caisse à outils
Un panorama de la poésie française contemporaine.
L'auteur en est Jean Michel Espitalier.

Mais peut-être le savez vous déja ?

15:49  
Blogger Lucien Suel said...

Je n'étais absolument pas au courant. Merci pour cette nouvelle. Je vais voir comment me procurer l'ouvrage. Baguenauder dans ma campagne reculée me permet seulement de repérer les nouveautés en matière de culture potagère...

17:29  
Blogger PhilCou said...

Je viens d'entamer le Cadavre, et c'est avec plaisir que l'on lit des crétins faire de si beaux rase-mottes ! (Cela nous change de la musique éthérée des sphères élevées de certains scribouillards, qui sont surement trop en avance sur mon temps)

16:00  
Blogger Lucien Suel said...

Bon appétît !

16:25  

Enregistrer un commentaire

<< Home