Le Cormoran et le Hérisson
Il n’était point d’étang dans toute la région
Qu’un Cormoran n’eût mis à contribution.
Sa cuisine allait bien : mais lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,
La même cuisine alla mal.
Notre Cormoran, trop vieux pour voir au fond des eaux,
N’ayant ni filets ni réseaux,
Souffrait une disette extrême.
Un Hérisson du voisinage,
Prenant pitié de ce pauvre oiseau affaibli,
Voulut le délivrer de cette pénurie
En lui proposant un nouveau menu :
« Je vais de mes dards enfiler par centaines,
Vers de terre et chenilles, pour ton salut,
Voisin Cormoran, dit-il et finir tes peines. »
Dédaigneux, l’oiseau ricana :
« Me suggérant un tel repas,
Souhaiterais-tu mon trépas ?
De ce pain-là, je ne veux pas. »
Le piquant d’une telle réflexion déçut
Notre Hérisson qui en resta sur le cul :
« Pauvre vieux con de cormoran !
Espérons que tu auras assez de pépettes
Pour t’offrir une bonne paire de lunettes. »
Quand on ne voit pas plus loin que le bout du nez,
Refuser l’aide d’un voisin,
Au risque de crever de faim,
N’est pas vraiment malin : c’est la moralité.
Cormoran,
Courte vue.
Corps mourant,
Devenu.
Lucien Suel
« Dans
les semelles
de
Jean de La Fontaine »
avec
des emprunts aux fables
« Les Poissons et le Cormoran »,
« Le Renard, les Mouches et le Hérisson »
février 2021
Libellés : Jean de La Fontaine, Lucien Suel, Poème
1 Comments:
(dommage, c'est un de ces oiseaux que je vois voler au ras des flots quand je me baigne dans l'eau d'Égée - tout à coup il plonge et disparaît - je le regarderai, après ce qui n'est (certes) qu'une fable, désormais d'un œil un peu moins accort)
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