jeudi 18 février 2016

Gérard de Nerval revisité deux fois


LE SANS DOT

Je suis le fou des nuits, le veuf, aux pleurs sans fin,
Fils d'un roi du Sud-Ouest dont la tour n'est que bris :
Ma star à moi n'est plus, et mon luth plein de points
Voit sur lui les
rais noirs du Spleen peints à longs traits.

Dans la nuit du sous-sol, toi qui m'as pris la main,
Rends-moi le Mont si cher et la mer de Là-bas,
La fleur qui plut si fort à mon cœur lourd de deuil,
Et le cep dont un scion au lys des champs se lie.

Suis-je le dieu des cœurs ou du feu ? Crac ou Burns ?
J'ai le front qui me cuit pour un smack de la Queen ;
Je
dors dans un grand creux où le nix fend les flots...

Et j'ai deux fois — très fort ! — pris pied au bord du Styx
Tout en jouant tour à tour sur le luth d'un dieu grec
Les bouh ! bouh ! de la sœur et les cris de la fée.

Poème monosyllabique
Extrait de Couacs 2, Editions des Vanneaux, 2015.


EL DESDICHEADOR

pièce espagnole


Je suis le torero du bœuf banderillé,
Le mince capitaine à l'atour ramolli :
Ma muleta m'emporte, en tulle estampillé,
Sorte d'éventail rose acheté chez Tati.

Assis à la sombra, toi qui t'es faufilé,
Rends-moi mes cojones. Et le sable joli,
Fleuri, retentira d'un chœur d'¡ Olé ! ¡ Olé !
D'une bouche avinée au parfum d'aïoli.

Suis-je Manolete ? Belmonte ? El Cordobes ?
Mon épée rouge encor du sang de ces gros veaux,
J'ai rêvé dans l'arène où crèvent les chevaux,

Et j'ai deux fois vainqueur, acclamé au faciès,
Découpé tour à tour la queue d'un picador
Et les grandes oreilles d'un corregidor.

Bruno del Nervalo
Poème à rimes viriles
© Bernard Maréchal – 2016
Poème paru sur le site de Nicolas Graner.

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posted by Lucien Suel at 09:44