jeudi 14 janvier 2016

Sans espoir de retour du courrier 2/5


« Sans espoir de retour du courrier », cette correspondance entre Alban Michel et Lucien Suel a été publiée en 1986 (30 ans déjà!) dans le n° 4 de la revue Après la plage.

Nous le faisons paraître ici en 5 épisodes. Il est question de plage, de jazz, de roman noir et d'Audrey Hepburn.

Stella-Plage, le 16 juillet
Cher Alban,
Je me sens comme un scoptophile aux yeux bandés. Et ce n'est pas du nylon rosé que j'ai sur les yeux. J'en suis bien sûr. Il y a bien des années, j'avais marché du Touquet à Merlimont, une sacrée balade, pieds nus sur le sable dur et humide - un vrai chemin de croix dans le soleil contre le vent et ses gifles de gravier - Si je le faisais maintenant encore, ça s'apparenterait sûrement à un pèlerinage avec toutes ces filles les seins à l'air. 
Al, sans doute astique le cuivre de son bois. Il ne pourra jouer que West Coast, comme moi. De toute façon, l'anathème est levé, France-Culture l'a dit, et puis, un livre a été écrit et même édité sur le sujet (West Coast Jazz de A. Tercinet). Pour revenir, c'était mieux, j'avais le vent dans le dos. Je n'étais plus dans la peau de Germain Nouveau. Du reste, je n'ai jamais aimé la mortification. Je n'ai jamais titubé sur une scène ; mes gueules de bois sont intimes. N'empêche que, parfois, j'ai les yeux qui piquent. Et ça n'est pas le genre de lettres que tu m'écris qui pourra tuer le marchand de sable. 
Ah ! A.H. : c'est incroyable, cette histoire ! Je n'ai jamais pu avoir un réfrigérateur dont la lampe intérieure tienne le coup plus d'une semaine. La nuit, quand je descends dans la cuisine pour relire les originaux de tes lettres, il me faut faire ronronner le tube au néon. Si tu vois (sic !) ce que je veux dire ! Dans ce film, d'ailleurs, elle porte un pull de shetland rose
De temps en temps, je me retournais pour regarder l'empreinte de mes pieds (égyptiens) dans le sable - prétexte pour soulager mon visage du pilonnage sableux, vent parallèle au sol. Anyway, ce n'est pas encore aujourd'hui que j'arroserai d'essence mes archives "littéraires", parce qu'il y a toujours un bidon de sable plein de mégots à côté des pompes. Funèbre, moi ? Allons donc !
Lucien.
Sans espoir de retour du courrier : Lettre 1


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posted by Lucien Suel at 07:21

1 Comments:

Anonymous Dominique Hasselmann said...

Le début commence - par anticipation - comme une des dernières photos de David Boowie.

15:09  

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