Sans espoir de retour du courrier 2/5
« Sans
espoir de retour du courrier », cette correspondance entre
Alban Michel et Lucien Suel a été publiée en 1986 (30 ans déjà!)
dans le n° 4 de la revue Après la
plage.
Nous
le faisons paraître ici en 5 épisodes. Il est question de plage, de
jazz, de roman noir et d'Audrey Hepburn.
Stella-Plage, le 16 juillet
Cher Alban,
Je me sens comme un scoptophile aux yeux
bandés. Et ce n'est pas du nylon rosé
que j'ai sur les yeux. J'en suis bien sûr. Il y a bien des années,
j'avais marché du Touquet à Merlimont, une sacrée balade, pieds
nus sur le sable dur et humide - un vrai chemin de croix dans le
soleil contre le vent et ses gifles de gravier - Si je le faisais
maintenant encore, ça s'apparenterait sûrement à un pèlerinage
avec toutes ces filles les seins à l'air.
Al, sans doute astique le
cuivre de son bois. Il ne pourra jouer que West
Coast, comme moi. De toute façon,
l'anathème est levé, France-Culture l'a dit, et puis, un livre a
été écrit et même édité sur le sujet (West
Coast Jazz de A. Tercinet).
Pour revenir, c'était mieux, j'avais le vent dans le dos. Je n'étais
plus dans la peau de Germain Nouveau. Du reste, je n'ai jamais aimé
la mortification. Je n'ai jamais titubé sur une scène ; mes gueules
de bois sont intimes. N'empêche que, parfois, j'ai les yeux qui
piquent. Et ça n'est pas le genre de lettres que tu m'écris qui
pourra tuer le marchand de sable.
Ah ! A.H. : c'est incroyable, cette
histoire ! Je n'ai jamais pu avoir un réfrigérateur
dont la lampe intérieure tienne le coup plus d'une semaine. La nuit,
quand je descends dans la cuisine pour relire les originaux de tes
lettres, il me faut faire ronronner le tube au néon. Si tu vois (sic
!) ce que je veux dire ! Dans ce film, d'ailleurs, elle porte un pull de shetland rose.
De temps en temps, je me retournais pour regarder
l'empreinte de mes pieds (égyptiens) dans le sable - prétexte pour
soulager mon visage du pilonnage sableux, vent parallèle au sol.
Anyway, ce
n'est pas encore aujourd'hui que j'arroserai d'essence mes archives
"littéraires", parce qu'il y a toujours un bidon de sable
plein de mégots à côté des pompes. Funèbre, moi ?
Allons donc !
Lucien.
Sans espoir de retour du courrier : Lettre 1
Libellés : Alban Michel, Archives, Correspondance, Lucien Suel, Sans espoir de retour du courrier
1 Comments:
Le début commence - par anticipation - comme une des dernières photos de David Boowie.
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