jeudi 16 avril 2015

Niveau Huit par Mimosa (3)



c’est une curieuse posture
mais c’est ainsi que je me
dois tenir pour abriter le
merle blanc qui niche dans
mon ventre sous le plafond
de mon diaphragme qui clôt
la charpente de mon thorax
et maintient les vertèbres
de ma cage thoracique pour
ne pas qu’elle enferme les
songes de mon ami le merle
blanc qui pâlirait d’ennui
jusqu’à s’enfoncer dans la
transparence sans souvenir

je ne puis me contenter d’
une telle silhouette et de
l’inconfort qu’elle génère
pour autant il est hors de
question d’hasarder la vie
du merle blanc j’ai besoin
d’un gros Saint-Bernard ou
de l’analyse experte d’une
spécialiste en pathologies
de silhouette et c’est par
conséquent de biais que je
pousse la porte du cabinet
animé d’une démarche toute
en prudence et contrariété
le pas du crabe de Columbo

j’ai eu tout le temps pour
revenir dans mes traces et
prendre toutes les marches
à rebours jusqu’à la porte
d’entrée jusqu’à ce que la
sonnette ravale son timbre
mais j’étais sur le palier
comme dans un ventre je me
trouvais donc en communion
avec le merle blanc il n’y
aurait pas d’autre rendez-
vous symétrique à ce point
j’étais devenu le merle de
mon ventre et je me tenais
assis dans l’attente douce

s’en suivit une discussion
une prise de renseignement
ponctuée d’indication pour
ménager la mutualité de la
rencontre afin d’éviter la
noyade s’écoulant du tuyau
pointant dans la direction
du patient qui finit quand
même humecté jusqu’en haut

ce n’est qu’ensuite que le
bras de fer débute un bras
face à la carcasse du type
puis une carcasse appuyant
de sa belle inertie sur un
genou au veau l’eau au mou
de cartilage qui se craque
comme un (une ?) élastique
fossile de Danièle Gilbert

il ne ressort pas de bruit
aucune réaction de douleur
pas le moindre signe d’une
détente salvatrice qui est
l’ordinaire de la pratique
d’apposition des mains sur
le corps névrosé de toutes
parts cette issue n’a rien
d’un dénouement tant et si
bien que la thérapeute qui
ne s’y résout pas en rosit
en raison des gros efforts

elle ne se montre pas pour
autant vaincue à l’instant
de prendre congé son cadre
souriant ne me renvoie qu’
à la ligne cisaillée qu’on
dirait devenue mienne pour
les siècles des siècles de
résignation sans fondement

les jours qui suivent sont
marqués par un soulagement
progressif qui suffit à me
persuader de la sagesse de
sa thérapeutique j’accepte
donc d’observer les gestes
qu’elle me prescrit par le
truchement d’une séance de
communication téléphonique

le dos par terre les pieds
au mur les fesses au creux
de l’équerre les jambes le
long de la paroi pas tenir
son souffle écouter ce qui
se passe en respirant dans
le calme ça tire l’arrière
des jambes et le ventre se
replie sur lui-même sur le
pauvre merle blanc enfermé
dans la cage qui s’enfonce
or il n’en est rien aucune
plainte pas de froissement
d’aile pas le moindre coup
de bec dans la muraille de
viande du ventre pour dire
stop le merle blanc ne dit
rien car le merle blanc ne
niche plus au creux de mon
ventre il a pris son envol
plus besoin de marcher tel
Aldo Maccione pour masquer
la prévenance de Madeleine
plus d’orphelin à protéger
de la face du monde il est
tout partout dans l’infini
bleu amen mon ami le merle
blanc est devenu l’air que
je respire dans mes tuyaux



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posted by Lucien Suel at 07:37