Instantanés du Blosne (1)
En 2001-2002, j'étais écrivain en résidence dans le quartier du Blosne, l'ancienne ZUP de Rennes, invité par le Centre Culturel du Triangle.
A l'occasion de mon retour prochain au Triangle pour une soirée de lectures le 10 avril 2008, voici pendant quelques jours sur ce blog les poèmes écrits en 2001 et publiés jadis dans L'Instant T, n°s 8 & 9, par les soins de Jean Jacques Le Roux et Yann Dissez.
Pour commencer, un ensemble de "versets" arithmonymes de 23 mots chacun intitulé :
A l'occasion de mon retour prochain au Triangle pour une soirée de lectures le 10 avril 2008, voici pendant quelques jours sur ce blog les poèmes écrits en 2001 et publiés jadis dans L'Instant T, n°s 8 & 9, par les soins de Jean Jacques Le Roux et Yann Dissez.
Pour commencer, un ensemble de "versets" arithmonymes de 23 mots chacun intitulé :
Instantanés du Blosne (1)
Le Blosne ne coule plus sous le ciel du Blosne. Le Blosne coule sous le Blosne. Une rivière noyée sous le béton, vilaine.
Le ruisseau coule dans le noir, le ruisseau est l'encre noire avec quoi s'écrivent quelques souvenirs. Bruit de pages qui tournent.
La rocade périphérique est comme une frontière au sud de la ville, une douve dans laquelle coule en rugissant le flot des voitures.
Le flot rugit en bas de la butte antibruit qui s'affaisse doucement et qu'il faudra bientôt surélever pour contrer l'envahisseur.
Le bruit des moteurs assiège les oreilles des habitants, presque tous collaborateurs occasionnels - automobiles sagement rangées en bas des immeubles, le soir venu.
Dans l'aube du Blosne, un angélus lointain, trace légère du passé dans la sourde rumeur automobile et les premiers chants d'oiseaux.
Oiseaux du matin dans les Jardins Dinariques, sifflets des merles noirs, charabia des moineaux, roucoulements des tourterelles turques à collier. Les éboueurs collectent.
Square de Bosnie, quatre corbeaux bataillent sur le gazon avec une paire de grosses pies, sous le regard intéressé d'un chat gris.
Les corbeaux vocifèrent. Les pies esquivent les attaques en silence. Le chat gris se demande où sont passées les gouttières de ses ancêtres.
Retour du Portugal, le petit pouillot véloce affûte sa scie dans le bois des Ourmes, tsyip, tsiep, tsyip, tsiep, tsyip, tsiep, tsyip, tsiep...
Les étourneaux du soir, couple en frac noir comme deux Dupont, enquêtant au pied des tours, à la recherche d'indices, mégots, miettes...
Autrefois, au Pont Noir, vairons et têtards, et ceux qui pêchaient, enfants, torses nus, les pieds dans le Blosne serpentant sous le ciel.
Aujourd'hui, les enfants pataugent dans le bassin au bout du bois des Ourmes, clairière inondée de soleil comme dans Blow-up d'Antonioni.
Au Café-Confort, marché de Zagreb, la langue des poètes claque dans l'air du Blosne et résonne dans la tête des habitants.
Ils écoutent Paul Celan, Ghérasim Luca, Robert Desnos et Tristan Tzara. Ils écoutent aussi Bernard Noël, Henri Michaux, Georges Bataille et Arthur Rimbaud.
Dans le bâtiment FG4, Jean fait la différence entre poètes ordinaires et poètes super, poètes légers et poètes au plomb, question d'essence.
Centrale thermique du Blosne, chaleur pour tous, soleil du fuel venu de loin dans les tankers qui parfois se renversent ailleurs en Bretagne.
Les vélos filent sur les petits chemins bordés de verdure, les haies réduites à deux traces parallèles de peinture verte sur le macadam.
Centre social, Carrefour 18, au rez-de-chaussée, antifrozenkasbah. Au premier étage, sur une table en stratifié, on découpe un patron en morceaux.
Station Blosne. Une jeune maman fume en poussant la poussette. A l'hôpital sud, un chirurgien termine l'amputation d'un vieux jardinier.
Les paraboles avalent les ondes télévisées. Place du Banat, en longue spirale descendante, la grande corneille noire tourne autour de la grande tour.
Du haut des tours, plusieurs fois par jour, les chiens descendent, traînant leurs maîtres. Petit tour, P.M.U. du C.C., petit pari, petit pipi.
Au Marché Ste Thérèse, les galettes-saucisses sont les hot-dogs celtiques, porc et sarrasin. L'homme ne vit pas seulement de poésie.
Le ruisseau coule dans le noir, le ruisseau est l'encre noire avec quoi s'écrivent quelques souvenirs. Bruit de pages qui tournent.
La rocade périphérique est comme une frontière au sud de la ville, une douve dans laquelle coule en rugissant le flot des voitures.
Le flot rugit en bas de la butte antibruit qui s'affaisse doucement et qu'il faudra bientôt surélever pour contrer l'envahisseur.
Le bruit des moteurs assiège les oreilles des habitants, presque tous collaborateurs occasionnels - automobiles sagement rangées en bas des immeubles, le soir venu.
Dans l'aube du Blosne, un angélus lointain, trace légère du passé dans la sourde rumeur automobile et les premiers chants d'oiseaux.
Oiseaux du matin dans les Jardins Dinariques, sifflets des merles noirs, charabia des moineaux, roucoulements des tourterelles turques à collier. Les éboueurs collectent.
Square de Bosnie, quatre corbeaux bataillent sur le gazon avec une paire de grosses pies, sous le regard intéressé d'un chat gris.
Les corbeaux vocifèrent. Les pies esquivent les attaques en silence. Le chat gris se demande où sont passées les gouttières de ses ancêtres.
Retour du Portugal, le petit pouillot véloce affûte sa scie dans le bois des Ourmes, tsyip, tsiep, tsyip, tsiep, tsyip, tsiep, tsyip, tsiep...
Les étourneaux du soir, couple en frac noir comme deux Dupont, enquêtant au pied des tours, à la recherche d'indices, mégots, miettes...
Autrefois, au Pont Noir, vairons et têtards, et ceux qui pêchaient, enfants, torses nus, les pieds dans le Blosne serpentant sous le ciel.
Aujourd'hui, les enfants pataugent dans le bassin au bout du bois des Ourmes, clairière inondée de soleil comme dans Blow-up d'Antonioni.
Au Café-Confort, marché de Zagreb, la langue des poètes claque dans l'air du Blosne et résonne dans la tête des habitants.
Ils écoutent Paul Celan, Ghérasim Luca, Robert Desnos et Tristan Tzara. Ils écoutent aussi Bernard Noël, Henri Michaux, Georges Bataille et Arthur Rimbaud.
Dans le bâtiment FG4, Jean fait la différence entre poètes ordinaires et poètes super, poètes légers et poètes au plomb, question d'essence.
Centrale thermique du Blosne, chaleur pour tous, soleil du fuel venu de loin dans les tankers qui parfois se renversent ailleurs en Bretagne.
Les vélos filent sur les petits chemins bordés de verdure, les haies réduites à deux traces parallèles de peinture verte sur le macadam.
Centre social, Carrefour 18, au rez-de-chaussée, antifrozenkasbah. Au premier étage, sur une table en stratifié, on découpe un patron en morceaux.
Station Blosne. Une jeune maman fume en poussant la poussette. A l'hôpital sud, un chirurgien termine l'amputation d'un vieux jardinier.
Les paraboles avalent les ondes télévisées. Place du Banat, en longue spirale descendante, la grande corneille noire tourne autour de la grande tour.
Du haut des tours, plusieurs fois par jour, les chiens descendent, traînant leurs maîtres. Petit tour, P.M.U. du C.C., petit pari, petit pipi.
Au Marché Ste Thérèse, les galettes-saucisses sont les hot-dogs celtiques, porc et sarrasin. L'homme ne vit pas seulement de poésie.
Libellés : 23, Archives, Blosne, Lucien Suel, Poésie
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