mardi 11 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (4)


LE PAPILLON REMPLACE LE REQUIN

Le grand type avait transporté sa guerre du Colorado à Cartagena, les orgies de décibels, deux filles en string se trémoussaient, caresses mutuelles sans conviction, lui manquait un œil, la peau du visage et du crâne, à l’ancien rouquin resté caractériel, pas question de traîner ici, l’indic, le deuxième tueur avait bondi vers lui, courte rafale, un enfer de plomb, un effet de pénétration considérable, même si on n’allait pas comparer avec les missiles SS-25 à charge nucléaire et portée maximum estimée à 9 000 kilomètres, il était temps de mettre le cap sur l’Amazonie et trop de secrets à protéger, un petit cargo à la coque rouillée, aux superstructures fatiguées, cargaison de coke en provenance de Manaus, les lumières du Mercado de Fero rescapé de la période coloniale, caisses de dynamite à destination de ce gringo genre marine ou para, passez-moi une Antarctica bien fraîche ou une Aguardiente, un dangereux si vous voyez, sa veste était déformée de partout, rapport aux armes qu’il portait sur lui, disons au moins deux revolvers Smith & Wesson 9mm, modèle 940, canon de quatre pouces, poignée de combat, il a cueilli pour la querida une orchidée, une émeraude et quelques diamants, déjà que ce n’était pas dans ses méthodes habituelles, sa bouche s’ouvrit sur un cri muet (mais c’est quoi cette histoire de merde ?), le mouchard parut comme frappé par la foudre, s’effondra dans le caniveau, le vengeur n’avait pas la mémoire courte, cessa d’écraser l’accélérateur, s’éjecta dans un roulé-boulé impeccable, il pensa : pour se faire une meilleure idée de la situation, se retrouva sur le toit de la villa, l’estrangeiro n’avait pas vraiment le look avec ses oreilles décollées, ce serait déjà cuit pour lui dans le nord-ouest, le Haut Rio Negro, une grimace de défi pour la forme, il préférait qu’on le filme au ralenti, elle avait repris ses esprits, l’experte en lecture labiale debout sur la carcasse de béton, beauté sidérale, silhouette qui adorait se rendre imprécise, elle avait piloté des appareils d’interception, celui-là payait en dollars et sans facture, il ne chercha même pas à cacher sa stupéfaction quand des geysers de sang se mirent à gicler de son abdomen, bon boulot, bravo, une voix grave et lugubre adaptée aux trois langues les plus utilisées dans l’univers de la dope, à condition de jouer serré, couverture commerciale bidon (bien sûr), elle voulait parler poker à la con, qu’il rapplique à la piscine du palace, elle ne pouvait empêcher les pétroliers de se sentir pousser des ailes, des politiciens de passage et qui en avaient plein le slip se pressaient pour observer la scène, ce n’était vraiment pas gagné d’avance pour la paranoïa totale.

28 janvier 2016

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posted by Lucien Suel at 07:25