mardi 4 octobre 2016

QUELQUES FIGURES DE L’ÉGAREMENT par Daniel Fano (3)


LE CRAPAUD REMPLACE LE PAPILLON

Il se releva, les colosses lancés à sa poursuite étaient équipés de lunettes à infrarouge et d’un système de géo-localisation individuelle, ils avaient des chiens de combat, des Matagi Akitas au pelage épais, et des pistolets-mitrailleurs Heckler & Koch MP5 SD6, il réussit à s’extirper de là, reprit sa course, ressentit un violent vertige, il ne voulait pas que sa mort fût inutile, il voulait alerter l’opinion publique, il continuait à perdre son apparence humaine, les mâles en rut s’imaginèrent qu’ils pouvaient la prendre par tous les trous sans plus tarder, la fille dansait comme si elle était seule au monde avant de leur donner une de ces leçons de karaté, ce qui ne lui prit pas beaucoup de temps, retour au rythme binaire hypnotique, « Internet Friends » de Knife Party, puis « The First Rebird », vieux tube techno/hard transe du milieu des années 1980 remis au goût du jour, de la neige apparaissait sur les écrans de contrôle, son acolyte fit un cercle avec son pouce et son index, il fendit la foule, siffla une boisson fluorescente, s’enfonça dans le bruit total, top départ pour les terroristes qui lançaient leur virus cyberbiologique, « Love is Gone » de David Guetta, « Gusano » par Gothika, ce liquidateur hautement irradié de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi ne cherchait plus à remplir ses grilles de sudoku, encore une question à laquelle nul ne trouverait de réponse, la peau d’une geisha distinguée devait être lisse, immaculée, celle du yakusa se couvrait de champignons, chacun son truc, jeter la dernière cigarette par-dessus le parapet du pont, l’Apocalypse pouvait se propager via les connexions wifi et blue-tooth des ordinateurs, il ne servait à rien de lui administrer ce thiopental sodique, les dégénérescences osseuses ne ralentissaient pas, il appréciait surtout de voir les très jeunes filles se caresser longuement devant lui mais il était trop nerveux, le nuage électrique (sans doute) et le béton qui se vitrifiait si vite, ils avaient à présent pénétré le domaine des kamis, il était en colère contre cette imitation ratée de Rui Kisugi, les geeks tendance cool qui croyaient que le second K était une légende urbaine bandaient pour la dernière fois, faux plafonds, flots sales du fleuve Sumida, les doigts du grand maître allèrent pianoter le canapé de cuir blanc, sa combinaison intégrale se déchira, l’idée que de la station Akasaka-Mitsuke on pouvait rayonner dans tout Tokyo le secoua d’un rire de longueur paranoïaque, la disparition des banques était imminente, sept milliards de morts au moins : nous vous avions pourtant prévenu que nous ne laisserions aucun témoin.

18 janvier 2016.

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posted by Lucien Suel at 07:27