Reprises de positions - Tom Nisse (1/9)
Chaque jeudi, pendant les 9 prochaines semaines, nous publierons au Silo ces Reprises de positions rédigées par le poète Tom Nisse.
L'édition originale de Reprises de
positions a été publiée sous forme de 140 MI(ni)CROBES numérotés
- suppléments de la Revue Microbe, Pont-à-Celles, Belgique, mars
2013, par les soins d'Eric Dejaeger.
« Un
ciel pâle, sur un monde qui finit de décrépitude, va peut-être
partir avec les nuages : les lambeaux de la pourpre usée des
couchants déteignent dans une rivière dormant à l’horizon
submergé de rayons et d’eau. Les arbres s’ennuient et, sous leur
feuillage blanchi (de la poussière du temps plutôt que celle des
chemins), monte la maison en toile du Montreur de choses Passées :
maint réverbère attend le crépuscule et ravive les visages d’une
malheureuse foule, vaincue par la maladie immortelle et le péché
des siècles, d’hommes près de leurs chétives complices enceintes
des fruits misérables avec lesquels périra la terre. »
Stéphane
Mallarmé
« Avec
ce que tu fais de ta langue je te dirai ce que tu fais de ta
société »
Serge
Pey
Nous
Nous
sommes quelques-uns à vouloir donner
à entendre,
à errer dans ces zones brumeuses où couve le début de la création
(zone-souvenir, zone-immédiat, zone-désir, avec leurs énergies
respectives) – à s’agenouiller afin de s’efforcer d’en
excaver matrices de poésie, puis à se relever pour errer encore,
avec des buts bien précis. L’errance ici est une action libre et
autonome. Parfois la rencontre a eu lieu parce qu’il le fallait.
Parfois aussi le désir vite devenu concret. Emmêlements spontanés
ou contacts prémédités des trajectoires de nos voix singulières.
Textes limitrophes peuvent, devraient se côtoyer. Pour donner à
entendre, pour faire
livre aussi,
déposable, à reprendre, selon la situation de l’envie de celui
qui. Nous nous attelons également à explorer d’autres supports
artistiques et techniques possibles. Pour faire acte, empreinte aux
contours variablement salutaires. Malgré.
Matrices
de poésie : jaillissements de ces zones brumeuses où couve le
début de la création, et qui s’inscrivent alors dans les cadres.
Nos villes, le quotidien de ces villes, l’Occident qu’elles
symbolisent et incarnent, la réalité planétaire à laquelle elles
ont part. A cette captation du quotidien urbain, et la manière
individuelle de le traverser, se marient les campagnes désolées,
les forêts condamnées, les cieux laminés, et voici qu’opère
souverainement, avec force revendicatrice, la nostalgie du « Montreur
de choses Passées ». Nous ne saurions oublier non plus, en
aucun cas, l’amour, puissance première. Nous ne saurions oublier à
quel point il a été coincé, rendu exsangue, rendu monnayable. Nous
ne saurions oublier à quel point il a été formaté par les
religions et les étroitesses sociales, ni à quel point il a été
déstabilisé par la poussée à la surconsommation de ses
sous-formes – dans les deux cas il s’agit de psychoses sans grand
doute incurables. En amour, pour certains d’entre nous,
il s’agit donc de revanche exprimée, brute dans sa sincérité. Le
dernier jaillissement enfin, et il ne pourrait en être autrement,
est lui imputable au cadre qui sont les catastrophes de l’actualité
immédiate qui résonnent partout, tordues. La guerre. Fukushima.
Tom Nisse
à suivre...
Libellés : Poésie, Reprises de positions, Tom Nisse
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