Interview Lucien Suel (4)
Lucien Suel interviewé par Nicolas Tardy , avril 2003 (4/7)
Hasard ? Je reviens à ce que je disais au niveau du temps, mon rapport avec le temps. Je peux dire la même chose, que le hasard n'existe pas ou existe très peu. Je ne crois pas à une prédestination, mais les choses qui arrivent devaient arriver. C'est pas non plus de la fatalité. Il y a des choses sur mon tableau, en face de moi. Il y a forcément des lignes qui doivent se croiser et des choses qui doivent se passer. On peut appeler ça le hasard ou la providence ou alors l'organisation du chaos. Ce que je n'aime pas c'est de tout mettre sur le dos du hasard parce que j'aime bien contrôler les choses. J'aime pas l'idée que les choses arrivent comme ça, accidentellement.
Pourtant il y a l'aspect "mots tirés du chapeau" de certains de tes travaux ? Oui d'accord, il y a un aspect loterie, mais c'est moi qui ai mis les mots dans le chapeau, je les ai découpés dans des supports que j'ai choisis. Il y a une part de jeu, c'est plutôt du jeu que du hasard. Du jeu comme dans des engrenages il peut y avoir un peu de jeu. En fait le hasard ça pourrait être la part de liberté.
Savoir faire ? Savoir. Faire. Savoir faire. [Rires]. En gros c'est ça. Mais je trouve que c'est une très bonne démarche. J'ai tendance à inverser les choses parce que parfois, mon savoir vient après. Je le fais donc je sais. J'ai oublié la quatrième chose : Faire savoir ! La partie communication, après.
Ton rapport à la narration ? Puisque je ne veux me priver de rien, je ne veux pas me priver non plus de raconter des histoires, et les gens aiment bien qu'on leur raconte des histoires. Même si je peux faire des trucs complètement éclatés ou destroy, je peux aussi raconter une histoire avec un début, un suspense, une fin, un éclat de rire général ou une larme à la fin. Je peux faire ça, parce que je ne vois pas pourquoi, si j'arrive à le faire, je ne le ferais pas. J'aime bien qu'on me sollicite. Si on me dit « Bon, Lucien est-ce que tu pourrais pas nous écrire un truc sur tel sujet ? », j'adore ça qu'on me demande de faire les choses, en plus si on me le demande c'est que ça doit être utile, alors je le fais, tu vois ? Donc c'est comme ça que je suis amené à écrire des histoires ou des nouvelles. C'est parce qu'on me les a demandées et que ça fonctionnait bien. Il y en a même certaines que j'utilise en lecture publique. Donc certaines m'ont été suggérées et d'autres... bon il m'arrive d'avoir de l'imagination [Rires] et j'en écris spontanément quand même. Mais j'aime bien l'idée qu'on me demande d'écrire des petites nouvelles. Jusqu'à présent je n'ai pas encore écrit de roman "classique" avec une intrigue, un roman de 250 pages. J'ai pas encore fait ça, peut-être je le ferai [Rires].
Comment l'écriture justifiée est-elle apparue dans ton travail ? Est-ce que c'est une réaction au cut-up, au ready-made, ou c'est juste une autre facette ? L'écriture justifiée, c'est très simple, c'est uniquement à cause d'un problème technique. Quand j'éditais la revue The Starscrewer, je la faisais avec les moyens du bord. Je n'ai jamais voulu dépenser l'argent du ménage pour mes activités artistiques et littéraires, donc je la mettais en pages moi-même avec ma vieille Underwood et je me suis dit «Bon, il y a des belles revues, c'est justifié à droite, à gauche. Comment je peux faire pour taper mes textes de cette façon-là ? ». J'ai commencé à taper les textes que j'avais, par exemple des textes de Burroughs que j'avais traduits. Je voulais les aligner. Je tapais le texte une première fois et puis je regardais... Et après je retapais le texte une deuxième fois en gérant mes modifications d'espacements. C'était avant les ordinateurs, n'est-ce pas [Rires] ! Je publiais également certains de mes textes et je me suis dit : «Mais pour ne plus avoir à les taper deux fois j'ai qu'à essayer de taper directement le nombre exact de signes pour chaque ligne» et sans blaguer, c'est comme ça que j'ai commencé à écrire en écriture justifiée. Après je me suis rendu compte que c'était vraiment une contrainte d'écriture mais qu'en même temps c'était très intéressant parce que ça m'obligeait à faire des modifications, de la réécriture, ça m'obligeait à travailler. Et puis petit à petit j'en ai fait un système, je me suis amusé, j'ai fait des textes en forme de triangle ou en forme de sablier pour certains projets... Il y a plein de possibilités une fois qu'on a commencé à compter les signes typographiques et puis j'ai toujours aimé le calcul, les nombres. Le nombre et le mot, c'est pareil, c'est toujours un peu mystérieux. L'apparition de l'écriture justifiée c'est vraiment tout con, au départ c'est un truc pour faire joli sur la page, puis je me suis rendu compte des possibilités que ça offrait et c'est seulement après - à l'époque j'ignorais complètement l'existence de ce machin qui s'appelle l'OULIPO - que j'ai appris qu'il y avait des gens qui écrivaient comme ça avec des contraintes précises, quelquefois très drôles ou très compliquées. Je m'en suis rendu compte parce que plusieurs fois on m'a demandé «Est-ce que vous connaissez les travaux de l'OULIPO ?». Mais pour moi c'était différent, en fait, j'aimais bien l'aspect visuel du bloc de texte sur la page, c'était bien rangé.
Cette contrainte est venue de la pratique et non pas d'une théorie, ça c'est quelque chose qu'on retrouve souvent chez toi. Je ne suis pas un théoricien. Je ne peux même pas théoriser sur ce que je fais, mis à part parler de principe d'autonomie, d'appréhension du monde, tout ça oui d'accord, tout ça c'est bateau. Je n'ai pas la formation non plus pour théoriser. Donc tout vient de la pratique et la plupart des découvertes je les ai faites en travaillant, ce sont des "erreurs". C'est la même chose pour tous les travaux que j'ai accomplis dans la construction, c'est en faisant, c'est en se trompant ou en faisant par hasard que l'on réutilise après. Quand j'ai découvert les trucs du Poème express ou bien les petits Poèmes boutures, c'était comme ça des papiers qui traînent sur mon bureau, il y a des assemblages qui se font et puis d'un coup, le déclic. On dit : «Tiens je vais le refaire», voilà. La théorie vient toujours après, c'est l'action d'abord.
Chance? Going back to what I said about time, the way I cope with it. I can say the same thing, chance doesn't exist or hardly. I don't believe in predestination, but things that had to happen, happen... This is not chance. There are things in my frame, in front of me. And, of course, lines have to cross and things have to happen. You can call it chance or providence or the organisation of chaos. What I don't like is to put everything under the hand of fate because I need to control things. I don't like that idea of things happening like this, by accident.
Though, there is this: "words out of the hat" idea in some of your works. Yes, OK, but I did put the words in the hat, I chose them and I cut them up. This is partly a game, it's more a game than chance. Actually chance is a finger in the freedom pie.
Know-how? To know. To do. To know how to do. Roughly, that's it. I think it's a good way of doing things. But I tend to do it the reverse way because sometimes I know afterwards. I do it, then I know.
What about narration? As I don't want to deprive myself of anything, I want to tell stories too, people like to be told stories. Even if I can produce totally destructured writings, I know how to write a story with a beginning, middle and an end with a burst of laughter or a tear in the eye. I can do that, I can't find a reason for not doing it if I am able to do it. I like to be asked. Someone says: "Hey, Lucien, would you like to write something about this or that?" I like that, to be asked to do things. What’s more, if somebody asks it to me, it must be useful, so, I begin to work. This is the way I've been led to write tales or short stories. That's because I've been asked to do it and it works. Some of them, I even read in front of an audience. So, for some stories, I've been influenced, for others, hey, sometimes, I've got an imagination, you know... Anyway, I can also write in a spontaneous way. But I like this idea of a command for short stories. Till now, I haven't yet written a standard novel of 250 pages with a plot, maybe some day, I'll do it.
How did justified writing appear in your work? Is it a way of reacting to cut ups, to ready-mades, or is it just another side of your work? Justified writing, yes it's simple, it appeared just because of a technical problem. When I was the publisher of The Starscrewer, I used to do it, drawing upon my own resources. I didn’t want to spend the family money on my literary and artistic activities, so I did the layout on my old Underwood typewriter and I said to myself: "Huh, there are these beautiful magazines, it's all typed blocks, justified to the left, to the right. How can I type this way?" I began to type, for example an essay just translated from Burroughs. I wanted to get equal lines. So I typed the text once and I had a look... Then I typed it again adding spaces. This was long ago, before personal computers, you know! I was publishing some of my own writings too and I thought: "If I don't want to type it twice, I just have to write directly the right number of signs for every line." And, no kidding, this is how I started this justified poetry. I became aware of the interest of such a constraint. I was obliged to modify, to re-write, to move fragments. I was obliged to work. Then gradually, I built a system from it. I enjoyed myself, writing poems, triangle-shaped or hourglass-shaped. There are a lot of possibilities once you begin to count the typographic signs and of course I'd always liked numbers. There is an identity between numbers and words, it's always a bit mysterious. So you see the way I introduced this justified writing, it was quite stupid from the start, only something to get a "nice" page and after a while, it became really important, it helped me to produce many poems. At that time, I hadn't heard of the OULIPO. I didn’t know that some writers used various constraints, sometimes funny, sometimes complicated. I became aware of this when several times, people asked me "Do you know the Oulipo's works?" But for me it was different. I enjoyed seeing these blocks of text on the page, very tidy...
This constraint coming from practice, not from theory, that's something one can find very often in your work. I'm not a theoretician. I can't even theorize upon what I'm doing, except maybe talking about autonomy, an understanding of the world, that sort of thing, ok, it's quite simple. Anyway I haven't get the grounds to theorize. So everything comes from practice and the main part of my findings came to existence through my work. There are "mistakes". The same thing happened when I was building my house. It's by making, by mistaking or doing by chance, that I can later re-use parts of what I've found. When I found the Express Poem or the small Slip Poems, it was this way, bits of paper, clips on my desk, some got together and suddenly, an illumination! So you say "I'm gonna do this again". Theory always comes after. Action first.
La suite Interview 5
Hasard ? Je reviens à ce que je disais au niveau du temps, mon rapport avec le temps. Je peux dire la même chose, que le hasard n'existe pas ou existe très peu. Je ne crois pas à une prédestination, mais les choses qui arrivent devaient arriver. C'est pas non plus de la fatalité. Il y a des choses sur mon tableau, en face de moi. Il y a forcément des lignes qui doivent se croiser et des choses qui doivent se passer. On peut appeler ça le hasard ou la providence ou alors l'organisation du chaos. Ce que je n'aime pas c'est de tout mettre sur le dos du hasard parce que j'aime bien contrôler les choses. J'aime pas l'idée que les choses arrivent comme ça, accidentellement.
Pourtant il y a l'aspect "mots tirés du chapeau" de certains de tes travaux ? Oui d'accord, il y a un aspect loterie, mais c'est moi qui ai mis les mots dans le chapeau, je les ai découpés dans des supports que j'ai choisis. Il y a une part de jeu, c'est plutôt du jeu que du hasard. Du jeu comme dans des engrenages il peut y avoir un peu de jeu. En fait le hasard ça pourrait être la part de liberté.
Savoir faire ? Savoir. Faire. Savoir faire. [Rires]. En gros c'est ça. Mais je trouve que c'est une très bonne démarche. J'ai tendance à inverser les choses parce que parfois, mon savoir vient après. Je le fais donc je sais. J'ai oublié la quatrième chose : Faire savoir ! La partie communication, après.
Ton rapport à la narration ? Puisque je ne veux me priver de rien, je ne veux pas me priver non plus de raconter des histoires, et les gens aiment bien qu'on leur raconte des histoires. Même si je peux faire des trucs complètement éclatés ou destroy, je peux aussi raconter une histoire avec un début, un suspense, une fin, un éclat de rire général ou une larme à la fin. Je peux faire ça, parce que je ne vois pas pourquoi, si j'arrive à le faire, je ne le ferais pas. J'aime bien qu'on me sollicite. Si on me dit « Bon, Lucien est-ce que tu pourrais pas nous écrire un truc sur tel sujet ? », j'adore ça qu'on me demande de faire les choses, en plus si on me le demande c'est que ça doit être utile, alors je le fais, tu vois ? Donc c'est comme ça que je suis amené à écrire des histoires ou des nouvelles. C'est parce qu'on me les a demandées et que ça fonctionnait bien. Il y en a même certaines que j'utilise en lecture publique. Donc certaines m'ont été suggérées et d'autres... bon il m'arrive d'avoir de l'imagination [Rires] et j'en écris spontanément quand même. Mais j'aime bien l'idée qu'on me demande d'écrire des petites nouvelles. Jusqu'à présent je n'ai pas encore écrit de roman "classique" avec une intrigue, un roman de 250 pages. J'ai pas encore fait ça, peut-être je le ferai [Rires].
Comment l'écriture justifiée est-elle apparue dans ton travail ? Est-ce que c'est une réaction au cut-up, au ready-made, ou c'est juste une autre facette ? L'écriture justifiée, c'est très simple, c'est uniquement à cause d'un problème technique. Quand j'éditais la revue The Starscrewer, je la faisais avec les moyens du bord. Je n'ai jamais voulu dépenser l'argent du ménage pour mes activités artistiques et littéraires, donc je la mettais en pages moi-même avec ma vieille Underwood et je me suis dit «Bon, il y a des belles revues, c'est justifié à droite, à gauche. Comment je peux faire pour taper mes textes de cette façon-là ? ». J'ai commencé à taper les textes que j'avais, par exemple des textes de Burroughs que j'avais traduits. Je voulais les aligner. Je tapais le texte une première fois et puis je regardais... Et après je retapais le texte une deuxième fois en gérant mes modifications d'espacements. C'était avant les ordinateurs, n'est-ce pas [Rires] ! Je publiais également certains de mes textes et je me suis dit : «Mais pour ne plus avoir à les taper deux fois j'ai qu'à essayer de taper directement le nombre exact de signes pour chaque ligne» et sans blaguer, c'est comme ça que j'ai commencé à écrire en écriture justifiée. Après je me suis rendu compte que c'était vraiment une contrainte d'écriture mais qu'en même temps c'était très intéressant parce que ça m'obligeait à faire des modifications, de la réécriture, ça m'obligeait à travailler. Et puis petit à petit j'en ai fait un système, je me suis amusé, j'ai fait des textes en forme de triangle ou en forme de sablier pour certains projets... Il y a plein de possibilités une fois qu'on a commencé à compter les signes typographiques et puis j'ai toujours aimé le calcul, les nombres. Le nombre et le mot, c'est pareil, c'est toujours un peu mystérieux. L'apparition de l'écriture justifiée c'est vraiment tout con, au départ c'est un truc pour faire joli sur la page, puis je me suis rendu compte des possibilités que ça offrait et c'est seulement après - à l'époque j'ignorais complètement l'existence de ce machin qui s'appelle l'OULIPO - que j'ai appris qu'il y avait des gens qui écrivaient comme ça avec des contraintes précises, quelquefois très drôles ou très compliquées. Je m'en suis rendu compte parce que plusieurs fois on m'a demandé «Est-ce que vous connaissez les travaux de l'OULIPO ?». Mais pour moi c'était différent, en fait, j'aimais bien l'aspect visuel du bloc de texte sur la page, c'était bien rangé.
Cette contrainte est venue de la pratique et non pas d'une théorie, ça c'est quelque chose qu'on retrouve souvent chez toi. Je ne suis pas un théoricien. Je ne peux même pas théoriser sur ce que je fais, mis à part parler de principe d'autonomie, d'appréhension du monde, tout ça oui d'accord, tout ça c'est bateau. Je n'ai pas la formation non plus pour théoriser. Donc tout vient de la pratique et la plupart des découvertes je les ai faites en travaillant, ce sont des "erreurs". C'est la même chose pour tous les travaux que j'ai accomplis dans la construction, c'est en faisant, c'est en se trompant ou en faisant par hasard que l'on réutilise après. Quand j'ai découvert les trucs du Poème express ou bien les petits Poèmes boutures, c'était comme ça des papiers qui traînent sur mon bureau, il y a des assemblages qui se font et puis d'un coup, le déclic. On dit : «Tiens je vais le refaire», voilà. La théorie vient toujours après, c'est l'action d'abord.
Chance? Going back to what I said about time, the way I cope with it. I can say the same thing, chance doesn't exist or hardly. I don't believe in predestination, but things that had to happen, happen... This is not chance. There are things in my frame, in front of me. And, of course, lines have to cross and things have to happen. You can call it chance or providence or the organisation of chaos. What I don't like is to put everything under the hand of fate because I need to control things. I don't like that idea of things happening like this, by accident.
Though, there is this: "words out of the hat" idea in some of your works. Yes, OK, but I did put the words in the hat, I chose them and I cut them up. This is partly a game, it's more a game than chance. Actually chance is a finger in the freedom pie.
Know-how? To know. To do. To know how to do. Roughly, that's it. I think it's a good way of doing things. But I tend to do it the reverse way because sometimes I know afterwards. I do it, then I know.
What about narration? As I don't want to deprive myself of anything, I want to tell stories too, people like to be told stories. Even if I can produce totally destructured writings, I know how to write a story with a beginning, middle and an end with a burst of laughter or a tear in the eye. I can do that, I can't find a reason for not doing it if I am able to do it. I like to be asked. Someone says: "Hey, Lucien, would you like to write something about this or that?" I like that, to be asked to do things. What’s more, if somebody asks it to me, it must be useful, so, I begin to work. This is the way I've been led to write tales or short stories. That's because I've been asked to do it and it works. Some of them, I even read in front of an audience. So, for some stories, I've been influenced, for others, hey, sometimes, I've got an imagination, you know... Anyway, I can also write in a spontaneous way. But I like this idea of a command for short stories. Till now, I haven't yet written a standard novel of 250 pages with a plot, maybe some day, I'll do it.
How did justified writing appear in your work? Is it a way of reacting to cut ups, to ready-mades, or is it just another side of your work? Justified writing, yes it's simple, it appeared just because of a technical problem. When I was the publisher of The Starscrewer, I used to do it, drawing upon my own resources. I didn’t want to spend the family money on my literary and artistic activities, so I did the layout on my old Underwood typewriter and I said to myself: "Huh, there are these beautiful magazines, it's all typed blocks, justified to the left, to the right. How can I type this way?" I began to type, for example an essay just translated from Burroughs. I wanted to get equal lines. So I typed the text once and I had a look... Then I typed it again adding spaces. This was long ago, before personal computers, you know! I was publishing some of my own writings too and I thought: "If I don't want to type it twice, I just have to write directly the right number of signs for every line." And, no kidding, this is how I started this justified poetry. I became aware of the interest of such a constraint. I was obliged to modify, to re-write, to move fragments. I was obliged to work. Then gradually, I built a system from it. I enjoyed myself, writing poems, triangle-shaped or hourglass-shaped. There are a lot of possibilities once you begin to count the typographic signs and of course I'd always liked numbers. There is an identity between numbers and words, it's always a bit mysterious. So you see the way I introduced this justified writing, it was quite stupid from the start, only something to get a "nice" page and after a while, it became really important, it helped me to produce many poems. At that time, I hadn't heard of the OULIPO. I didn’t know that some writers used various constraints, sometimes funny, sometimes complicated. I became aware of this when several times, people asked me "Do you know the Oulipo's works?" But for me it was different. I enjoyed seeing these blocks of text on the page, very tidy...
This constraint coming from practice, not from theory, that's something one can find very often in your work. I'm not a theoretician. I can't even theorize upon what I'm doing, except maybe talking about autonomy, an understanding of the world, that sort of thing, ok, it's quite simple. Anyway I haven't get the grounds to theorize. So everything comes from practice and the main part of my findings came to existence through my work. There are "mistakes". The same thing happened when I was building my house. It's by making, by mistaking or doing by chance, that I can later re-use parts of what I've found. When I found the Express Poem or the small Slip Poems, it was this way, bits of paper, clips on my desk, some got together and suddenly, an illumination! So you say "I'm gonna do this again". Theory always comes after. Action first.
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Libellés : Interview français-anglais, Lucien Suel, Traduction
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