mercredi 10 septembre 2014

Cheval23 en Pirouésie (2/8)

Le 31 juillet 2014, à Pirou (Cotentin), concert Cheval23 (lire Cheval deux trois) dans le cadre du festival "Pirouésie". Concert filmé par Camille Philibert.
Cheval23 : Arnaud Mirland, guitare + Lucien Suel, textes et voix.

Suite du concert : "D341 Chaussée Brunehaut", extrait de "Je suis debout"

D'ici je pars vers d'ici vers je oui descends
de mes collines vers dévale au loin. D'ici
je vois vers les monts. Je d'ici saute au-dessus
des taupinières Cassel Mont des Cats Mont Noir.
Vers la frontière belge à Abeele j'achète
ma bière à la ferme chez Monsieur Cuvelier
sur le bord de la grand-route de Poperinge.
Un casier vert de Hommel Bier un casier noir
de Westmalle Tripel. Je reviens de je rentre
comme assis sur la banquette arrière. Du nord
je vois les Collines d'Artois comme autrefois
de l'Aronde. Pousse palet de la marelle
traverse la chaussée Brunehaut axe est-ouest
d'Arras à Boulogne-sur-Mer sur l'apophyse
vertébrale des collines. Traînée de sang
laissée par les muscles déchirés de la reine
effacée par les roues. Milliers d'automobiles
qui filent en vaporisant des gaz. Le vent
de la Manche de Stella-Plage du sud-ouest
balaie aussi tout ça les restes d'ypérite
les restes de grisou vers le nord dans la toile
trouée des moulins et dans les peupliers blancs
frissonnant le long de la route. L'élagage
a produit des déformations ; celui que j'aime
s'est élancé vers le ciel mais sa chevelure
d'épinoches sème les poissons argentés
vers le nord derechef mais la racine au sud
vers la chaleur de la terre. Un degré de plus
tous les trente-trois mètres ; les mineurs tassés
dans les terrils-mausolées avec les os blancs
des jeunes hommes de Dixmude de Vimy
de Kemmel, le savent. Les nuages défilent
vers le nord comme une limaille métallique
attirée vers le pôle des aimants, un autre
jardin des amants de Virginie où Borée
fait tournoyer le tout dans les sept directions
de la cosmologie navajo : nord sud est
ouest haut bas l'en-dedans le cœur. L'ombre est toujours
du côté du nord quand je descends de Lisbourg
à Gand. À Lisbourg c'est le petit gerbier des
roseaux de la Lys, un trou noir d'eau noire qui
descend vers Gand vers Laatem Saint Martin vers la
pâture verte de l'agneau mystique des
frangins Van Eyck. On croise un pêcheur à la ligne
un peu frère des pécheurs en robe de lin
blanc du tableau. Il de ses gros doigts agricoles
pétrit des petites boulettes rouges dans
la pâte mystic ; le sang de l'agneau pour les
brochets les percots et les tanches de la Lys.
Sur ma gauche arrive l'Escaut vibrant sous les
trains de péniches de Tournai, roulant vers la
Zélande vers l'île de Johan et de Tien,
s'allongeant sous l'immense pont de Zierikzee.

le Nord existe depuis le commencement
des temps pas l'Occident créé par le drakkar
d'Erik le rouge, révélateur du globe, ou
les caravelles, la colombe. Le soleil
s'écroule dans la mer, coulées rouges de fonte
au couchant, cauchemar futur climatisé.
Dans le givre à l'est la résurrection flamboie.
Même à l'extrême nord je relève la tête
pour voir un autre nord des étoiles. Je l'ai
tout ça d'ici de ma cave calcaire ici
sous les ruissellements de la pluie s'infiltrant
goutte à goutte pour jaillir puits artésien roc
frappant l'imagination du docteur Faustroll.
L'enfer était ce jour-là en Artois. Crachant
cravachant la toile écrue avec la salive
du cobra à trois têtes, Amsterdam Copenhague
Bruxelles, alors que Christian Dotremont venu
de la plaine s'égare au nord dans les neigeux
logogrammes de Laponie express parmi
les visions fraises sauvages de Knut Hamsun,
les cathédrales cristallines de Tarjei
Vesaas. Ô Mathis et ô Matisse la toile,
dans la force que donne un dénuement inouï.
Inuit transformant une lamelle de lard
en patin de luge ; le sang de l'ours polaire
bouillonne sous une lourde fourrure blanche.
Le nord est dans le ciel d'acier. Les souffles sont
purifiés dans la neige saturée de plomb
poudreux comme le cercueil de l'ours transporté
dans le vent ; per ipsum cum ipso in ipso ;
la déchirure de la voûte coagule
les ectoplasmes. Mes morts m'attendent là-bas.

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posted by Lucien Suel at 08:44